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Michel Poirier, 14 août 2010

J'ai lu avec une sympathie spontanée le témoignage du P. Zahlaoui, prêtre melkite à Damas. Mais, l'avouerai-je ? j'ai buté sur une phrase, une seule, celle-ci : « Où en est-on de ce qui s'est passé et de ce qui se passe en Palestine depuis plus de 60 ans à cause de l'occupation israélienne, par rapport aux droits humains » etc. L'occupation de la Cisjordanie, du Golan, de Gaza, ne date que de 43 ans. Depuis plus de 60 ans, cela nous renvoie aux années qui ont précédé 1950, en clair à 1948, à la fondation d'Israël comme Etat. Nous inviter à prendre conscience des atteintes aux droits de l'homme commises dès cette fondation, je le comprends parfaitement. Mais employer le terme d'occupation (une occupation, c'est insupportable et cela doit cesser) à propos non pas des conquêtes militaires israéliennes mais de l'existence même de l'Etat d'Israël, c'est nous inviter à souscrire à sa disparition éventuelle.

Est-ce cela que veut dire le P. Zahlaoui ? Ou bien préférera-t-il nous inviter à militer pour une paix juste associant un Israël assuré de sa pérennité et renonçant à ses empiètements et une Palestine libre et souveraine ? En tout cas personne ne gagne à ce que soit entretenue l'ambiguïté sur le but ultime du combat des Palestiniens. Comme j'aime la prise de position du P. Musallam, palestinien de l'intérieur, qui rêve que les Palestiniens enfin libres puissent non pas cohabiter avec les Juifs, mais vivre avec eux ! Comme par exemple (c'est moi qui ajoute cela) c'est maintenant le cas entre Allemands et Français.

Maurice Buttin, 15 août 2010 Président du CVPRPO
(Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient)

A propos du mot « occupation » et de la réaction de Michel Poirier.
La Déclaration, d'Indépendance d'Israël, le 14 mai 1948, s'est accompagnée d'actions terroristes menées par des mouvements juifs (Stern, Irgoun, Hagannah) qui ont provoqué l'exode de 850 000 Palestiniens, dans un cadre débordant largement les limites du partage fixées par l'ONU qu'Israël s'est empressé d'annexer.

Des villages arabes de la Galilée devenue israélienne ont été vidés manu militari de leurs habitants pour qu'on y construise des kibboutz : la famille de Monseigneur Chakour, l'actuel évêque de Nazareth, a été victime d'une mesure de ce genre. Si le mot « occupation » est impropre, lequel faut-il employer ?

Antoine Poirier, 16 août 2010

J'ai lu le texte du P. ZAHLAOUI avec la même sympathie spontanée que mon père (Michel POIRIER). Je me réjouis notamment ce qu'il peut écrire sur le prochain synode des églises d'orients ou sur la Palestine : notamment son appel à ce que la communauté musulmane soit invitée au synode ; ou encore son insistance sur le double discours ambigu de l'occident (et de l'Eglise) concernant Israël.

Mais une phrase du Père me gêne aussi : « Est-ce que je m'écarte de la vérité si je dis que presque tout ce qui se passe, d'abord dans le monde arabe et musulman, ensuite dans les concentrations musulmanes répandues à travers le monde, n'est que des réactions aux injustices occidentales, lesquelles réactions ont commencé et se sont poursuivies, dans la plupart des cas, arbitraires, sanglantes et spontanées, pour s'organiser ensuite en deux styles de mouvements armés. Le premier fut la résistance légitime en Palestine occupée, tel est le cas des organisations palestiniennes que l'Union Européenne a injustement qualifiées de mouvements terroristes en septembre 2002. Le second fut la résistance fondamentaliste, d'abord face à l'oppression soviétique en Afghanistan, puis face à l'oppression américaine dans ce même Afghanistan, en Irak et au Pakistan. Tel est le cas des deux mouvements TALIBAN et EL-KAIDA. Mais n'est-il pas universellement connu que ces deux mouvements sont de fabrication américaine? »

Je suis le P. ZAHLAOUI sur la résistance légitime en Palestine, même si celle-ci a pu parfois commettre de graves erreurs dans ses choix de cibles. Par contre, concernant les Talibans et Al Qaida, même s'il est vrai qu'ils furent soutenus par les Etats-Unis (mais il y a plus de 20 ans), n'est-il pas temps d'arrêter d'invoquer cette « excuse », mais plutôt de condamner et combattre avec la plus grande fermeté ces mouvements terroristes (« qui sèment la terreur), qui n'ont en rien la volonté de combattre les « injustices occidentales », mais celle d'établir une dictature religieuse parmi les pires dictatures que le monde a connues depuis le fascisme, le nazisme et le communisme stalinien ?

Parler d' « oppression » américaine en Irak est compréhensible. Je ne comprends pas son utilisation au sujet du Pakistan ou de l'Afghanistan. 2/3 des victimes civiles en Afghanistan sont le fait de la barbarie talibane, 1/3 le fait de tactiques de combats américaines inadaptées à un tel environnement géographique et de la difficulté à obtenir des renseignements fiables. Les troupes occidentales sont en train d'essayer de mener un combat à la place du monde musulman : ce devrait être à des armées musulmanes de combattre les talibans et Al Qaida... Le Mali ou la Mauritanie le font, avec courage, contre Al Qaida au Maghreb. Il ne suffit plus de dire que Al Qaida et les talibans là ne sont pas de bons ou vrais musulmans ou encore qu'ils n'ont rien à voir avec l'islam. Mais quel pays musulman (quel musulman ?) y est prêt en Afghanistan ? Nos soldats sont en train de prendre des risques, y compris celui de mourir, dans un combat à mon sens légitime mais qui devrait être mené par d'autres...

Et on ne peut reprocher des visées économiques : toute personne un peu sensée, y compris les Américains, sait que les fameux oléoducs ou gazoducs comme alternative pour amener le pétrole et le gaz d'Asie centrale jusqu'à l'océan indien sans passer par la Russie sont une idée utopique (ou à 30 ans) et que les éventuelles richesses minérales sont aussi bien trop difficiles à exploiter et à exporter : il s'agit de fantasmes et malheureusement peut être pour l'Afghanistan, il n'y a que peu de richesses à s'y accaparer (contrairement à l'Irak).
Avec mes amitiés.

Thierry Becker, 16 août 2010

Merci, chers amis, de m'avoir envoyé cette lettre si pertinente.
très cordialement,

Michel Poirier, 25 septembre 2010

Maurice Buttin répond de manière bien argumentée sur les violences subies par la population palestinienne dès 1948 (ce que je n'avais pas passé sous silence), mais semble ne pas vouloir voir la question essentielle que je posais : si l'existence même de l'Etat d'Israël est considérée comme une occupation, cela implique-t-il, ou non, que l'on demande sa disparition et qu'on y travaille ? Pourquoi refuser de répondre franchement à cette question ? Que veut dire exactement ce flou entretenu ? Et surtout, surtout : qu'en pense le P Zahlaoui lui-même ?

Note du modérateur : Nous avons tenté de joindre, en Syrie, le Père Zahlaoui pour obtenir son point de vue. Nous n'y sommes pas arrivés mais nous ne désespérons pas.

Maurice Buttin, 26 septembre 2010

Avant de répondre à la question existentielle pour Israël, je ferai remarquer à Michel Poirier que l'Etat d'Israël n'a jamais reconnu l'Etat palestinien, ce qu'il aurait aisément pu faire après sa reconnaissance de facto lors de la proclamation de l'Etat de Palestine, le 15 novembre 1988, Etat reconnu par plus de cent Etats. En fait, les sionistes (David Ben Gourion en tête) n'ont jamais envisagé de reconnaître un q.c. Etat palestinien, et toutes les " négociations ", depuis 1991 et Madrid, n'ont été accepté par Israël que pour gagner du temps, continuer la traditionnelle politique depuis 1948 du fait accompli, et dès lors, gagner ainsi de la terre ! Ce constat établi résout la problématique : la situation sur le terrain (50 % des 22% % de 1949 occupés, de facto annexés ; 450.000 colons installés en Palestine occupée et à Jérusalem-Est, totalement annexée depuis juin 1967) rend désormais impossible la réalisation d'un Etat palestinien. Reste la solution, aujourd'hui même préconisée par de nombreux Palestiniens, d'un seul Etat.

Certains parlent même déjà de l'appeler " Israëltine ". (Par la suite, bien sûr, un homme, une voix !)
Quoi qu'il en soit, si dans q.q. décades Israël disparaissait comme le célèbre " Royaume très chrétien de Jérusalem ", à l'époque des Croisades, qui a duré environ 110 ans, les Israéliens ne devraient s'en prendre qu'à eux-mêmes pour avoir refusé de laisser place à l'autochtone palestinien.

En bref, je ne demande pas la disparition d'Israël, mais si les Israéliens eux-mêmes font tout pour que leur pays disparaisse un jour, qui puis-je ? Ce n'est pas faute d'avoir crié sur les toits depuis plus de 40 ans. Le seul qui l'avait compris, c'est le Premier ministre Yitzhak Rabin. Il a été assassiné, notamment par les cris de haine à son encontre de Benyamin Netanyahou et ses amis ! Cette mort le 4 novembre 1995 a, pour moi, signé l'arrêt de mort de toutes négociations et dès lors, dans le temps, d'Israël - sauf miracle et, en Terre Sainte, tout est possible ".

Elias Zahlaoui, 3 octobre 2010

J'ai bien lu et relu tous les commentaires et questions exprimés ci-dessus.
Voici quelques remarques rapides :
Grand Merci à Maître Maurice BUTTIN. Sa compétence et son courage nourrissent un besoin d'espoir en moi, vis-à-vis d'un Occident, Sociétés et Église, avachi, lâche et double.

Je suis heureux et peiné à la fois, des réactions des deux Messieurs POIRIER. Je me permets de les renvoyer :
M. Michel POIRIER : aux livres suivants, tous écrits par des juifs, s'il les trouve en librairie :
- Charles ENDERLIN : « Par le Feu et par le Sang » (Le combat clandestin pour l'indépendance d'Israël 1936-1948) Albin MICHEL - Paris 2008
- Dominique VIDAL avec Joseph ALGAZY :« Le Péché Originel d'Israël » (L'expulsion des Palestiniens revisitée par les "nouveaux historiens" israéliens) Les éditions de l'atelier - Paris 1998
- Israël SHAHAK : « Le Racisme de l'État d'Israël » Guy AUTHIER - Parie 1975
- Tanya REINHART : « Détruire la Palestine » ou (Comment terminer la guerre de 1948)Éditions La Fabrique - Paris 2002
- Emmanuel LÉVYNE : « Judaïsme contre Sionisme » Éditions Cujas - Paris 1969

M. Antoine POIRIER :
- aux deux livres de Jean ZIEGLER : « L'empire de la Honte » Le livre de Poche - Fayard 2005 / « La Haine de l'Occident » Albin MICHEL - Paris 2008
- Au livre de Noam CHOMSKY et Gilbert ACHKAR : «La Poudrière du Moyen-Orient» (Washington joue avec le feu) Éditions Ecosociété - Montréal 2007
Je tiens à préciser que M. Jean ZIEGLER est un écrivain suisse, ancien conseiller économique auprès de l'ancien Secrétaire Général de l'ONU. Quant à M. Noam CHOMSKY, c'est un juif américain archiconnu.
N'est-il pas temps que les occidentaux cherchent à sortir de leur ignorance programmée et désastreuse?
Merci. À bientôt!