Père et mère
Françoise Dolto

Extrait du chapitre "Père et mère" "Papa(s) et maman(s)"
in "Les Chemins de l'éducation", pages 45 à 47 (folio essais)

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Il faut expliquer aux pères et aux mères de jeunes enfants ce que, pour un enfant, signifient ces mots « père », « mère », « papa », « maman ». Ce que parler veut dire, chez un enfant, n’est pas du tout la même chose que ce qu’imaginent les adultes. De nos jours la plupart des jeunes enfants sont mis, très tôt, au contact d’autres personnes, une nourrice, une personne à domicile qui garde l’enfant pendant que la mère travaille (etc.) De nombreux parents souffrent de ce que leur bébé nomme « maman » les personnes qui prennent soin d’eux (…) et papa les compagnons de ces personnes ou les éducateurs mercenaires qui travaillent dans ces différents lieux de garderie d’enfants. Or, cette souffrance de jalousie est tout à fait hors de propos (…).

« Maman » et « papa », cela signifie l’homme et la femme qui, au moment où l’enfant parle, sont ressentis comme une sécurité, présente dans un corps de femme ou dans un corps d’homme. Tous les adultes sont, pour les enfants, des papas et des mamans. La mère de naissance, le père de naissance sont irremplaçables. Ils sont les géniteurs, ils sont responsables de l’existence de cet enfant face à la société et au monde. C’est cela qui doit être expliqué à l’enfant. Il faut lui expliquer que, même si le père est absent de la maison, même si l’enfant ne porte pas le nom du père mais celui de la mère restée célibataire, malgré le divorce de ses parents, l’union de son père de naissance et de sa mère de naissance – qu’il les connaisse ou non – cette union est indéfectible, une union dont son corps vivant est la preuve vivante, et que cette indéfectibilité ne sera dissoute qu’avec la mort physique de l’enfant. (…)

Il est essentiel que l’enfant, de nos jours, soit informé très tôt du sens qu’a le mot « père » par rapport au mot « papa », du mot « mère » par rapport au mot « maman ». On a trente-six mamans, on n’a qu’une mère. On peut avoir trente-six papas, on n’a qu’un père. On peut aussi ne jamais connaître son père de naissance et, pourtant, avoir dans son for intérieur, dans sa vie imaginaire et symbolique, une notion très juste de ce qu’est un père, précisément parce que tout être humain a été conçu d’un père et d’une mère de naissance, même si l’un des deux disparaît quant à la prise de responsabilité de cette vie, née de lui avec un autre. Dans la réalité le père fait défaut à l’enfant, mais l’important c’est que l’enfant puisse en parler et connaître son histoire.

Françoise Dolto

Peinture de soeur Marie-Boniface