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2ème dimanche du carême
Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc
Mc 9, 2-10
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et ils s'entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour
Moïse et une pour Élie. »
De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu'ils avaient vu, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d'entre les morts ».
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Il les emmena à l’écart
Michel Jondot
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La hauteur de Dieu
Christine Fontaine
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En attendant que les yeux s’ouvrent !
Michel Jondot
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Il les emmena à l’écart
Entre les temps
« Il y a un moment pour tout et un temps pour toute chose », dit la Bible au livre de l’Ecclésiaste.
Un temps pour enfanter et un temps pour mourir,
Un temps pour planter et un temps pour arracher le plant,
Un temps pour tuer et un temps pour guérir…
Les oppositions se déroulent sur ce thème pour conclure :
Un temps pour aimer et un temps pour haïr,
Un temps pour la guerre et un temps pour la paix.
Il est bien vrai que notre vie est comme écartelée entre des contraires. Nous connaissons des moments de joie et des moments de chagrin ou de deuil, nous vivons entre des échecs et des succès ; nous faisons l’expérience de vrais amours ou de vraies amitiés mais nous vivons aussi des conflits et nous subissons des trahisons qui font mal. Nous vivons des périodes de guerre ou d’injustice avant de connaître des périodes d’apaisement et de victoire. Nous avançons cahin-caha entre le péché et la grâce : depuis la naissance jusqu’à la mort nous sommes ballotés entre des extrêmes.
C’est bien un écartement de ce genre que signifie ce récit. L’épisode qu’on nous rapporte évoque l’écartèlement dans lequel est prise la vie de Jésus. La voix qui se fait entendre renvoie au début de la vie publique, sur les bords du Jourdain lorsque Jean baptisait : « Celui-ci est mon Fils bien aimé. » En même temps, le texte fait entendre le terme de sa mission. La blancheur du vêtement annonce celle du personnage que découvriront des femmes auprès du tombeau vide et, pour l’heure, Jésus demande à Pierre, Jacques et Jean, de ne rien dire « avant que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts ».
Haute montagne
Les détails fourmillent pour que soient mise en scène la jonction des contraires. Le début commence par une montée : « Jésus (les) emmena à l’écart sur une haute montagne » et, après l’événement, « ils descendirent de la montagne ». La « haute montagne » est profondément symbolique : en elle se dit l’écart entre le monde d’en - bas et les hauteurs du ciel. C’est dans ce décor que prend sens l’événement que Marc met en scène. Jésus est entre les temps comme la montagne est entre le ciel et la terre : les siècles de Moïse et d’Elie rejoignent celui de Jésus et ses amis. Ceux-ci sont au carrefour de sentiments opposés : la satisfaction et la peur. « Il est bon que nous soyons ici » dit l’un d’eux mais « leur frayeur était grande » ! Dans le discours de Pierre se croisent la parole et le silence : « Pierre prend la parole » mais, « de fait, Pierre ne savait que dire ». C’est dans ce contexte que se manifeste Jésus : « Ses vêtements devinrent resplendissants » mais il est dans l’obscurité : « une nuée le couvrit de son ombre. »
Jésus seul avec eux
Au milieu de toutes ces oppositions, Pierre, Jacques et Jean entendent cette parole qu’ils réussissent à comprendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » On peut considérer que cet épisode sur la montagne évoque le moment où les disciples ont découvert l’origine mystérieuse de leur Maître et on peut alors, bien sûr, parler de Révélation. Pour comprendre ce qu’évoque ce terme, il faut faire attention aux mots qui suivent : « ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. » Le lien entre Jésus et ses trois amis s’avère le lieu où Dieu se manifeste et se fait entendre ; il s’agit de comprendre que la jonction de l’homme à Dieu se réalise dans l’entretien des uns avec les autres. Cette mise en scène de l’Evangéliste s’efforce de le mettre en lumière.
Ne nous hâtons pas de dire que cette Révélation s’opère en Jésus seulement. En réalité Jésus fait apparaître le travail de Dieu au cœur de l’humanité. Jean dont parle le récit l’a bien compris. Au début de son Evangile, au moment où Jésus va venir sur les bords du Jourdain mais, avant qu’il n’y soit arrivé, Jean fait dire au Baptiste cette parole très éclairante : « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas. » On parle de Transfiguration pour désigner la scène dont l’Eglise nous fait entendre le récit, au cours de ce Carême : il s’agit d’une transformation du regard des amis de Jésus sur Celui dont ils se sont fait les disciples et sur le monde dans lequel ils sont pris : Celui-ci, à leurs yeux, n’a plus la même figure.
Au milieu de vous…
« Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas. » Il s’agit pour nous de retrouver le regard de Pierre, Jacques et Jean. Au cœur de tous les écartèlements qui tissent nos histoires personnelles et l’histoire du monde se prolonge le mystère que Pierre, Jacques et Jean ont su percer. Jésus, l’homme de Galilée, révèle qu’en notre humanité se nouent les plus grands extrêmes : les réalités terrestres et celles du ciel. Dieu s’est révélé sur la « haute montagne » « lorsqu’ils virent Jésus seul avec eux ». Il se fait connaître là où se nouent des alliances humaines. On appelle Jésus « Emmanuel » : le mot signifie « Dieu entre nous ».
Le Carême est l’occasion de regarder nos vies avec les yeux qui furent ceux de Pierre, Jacques et Jean : nos vies où « nous avançons cahin-caha » entre la joie et le deuil, entre la naissance et la mort. Cessons de croire que le mal vient d’en-haut : « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour subir pareil malheur ? » dit-on parfois. Transformons, transfigurons nos existences en gestes de fraternité et, par-delà joies et peines nous comprendrons qu’autrui sera toujours celui ou celle dont le Père laisse entendre qu’il est son enfant bien-aimé.
Michel Jondot
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La hauteur de Dieu
Une vie terre à terre
Une vie terre-à-terre sans lumière particulière, une vie où l’on marche tant bien que mal de petits bonheurs en grandes détresses, d’humbles soucis quotidiens
en joies ordinaires, notre vie !
Au cours de cette existence, il nous est rarement offert de gravir, à la suite de Jésus, une montagne sainte. Nous ne sommes pas de ces privilégiés à qui Dieu sans
attendre, fait contempler sa gloire. Nous sommes rarement illuminés par la lumière de Dieu, et nous n’entendons pas de voix venue du ciel
Nous demeurons ce petit peuple qui avance laborieusement, ce bas-peuple qui peine à marcher humblement dans la plaine, ce pauvre peuple qui n’a pas reçu de Dieu
la force de gravir les sommets. Nous avançons souvent en boitant, esclaves d’une vie parfois pesante, trouvant notre bonheur dans des joies passagères. Peuple
de pauvres, d’une pauvreté sans grandeur, pauvrement pécheurs !
Et pourtant, au plus profond de nous, à certains moments de la vie, une question s’impose : pourquoi la lumière de Dieu m’est-elle si obscure ?
Pourquoi Dieu ne me parle-t-il pas ? Pourquoi Dieu ne me hausse-t-il pas sur sa montagne sainte ?
Une ascension
Pierre, Jacques et Jean étaient des pauvres pécheurs, pas plus brillants que d’autres ni plus ternes d’ailleurs. Entre tous, ils ont été choisis pour
gravir la montagne sainte. Au sommet, ils ont vu la lumière éclatante du Verbe de Dieu. Ils ont entendu Jésus s’entretenir avec Moïse et Elie. Dieu leur
a ouvert l’oreille pour qu’ils entendent la voix venue des cieux.
Mais ce qu’ils ont vu et entendu les a remplis de bonheur autant que de frayeur. Pierre, Jacques et Jean se sont trouvés bien démunis devant tant de grandeur.
Pierre ne savait que dire : il contemple Jésus dans sa gloire et, comme un homme qui éprouve le besoin de retrouver un arrimage sur la terre, il parle de dresser
des tentes, de les planter en terre. Ce qu’ils ont vu et entendu a été si fulgurant qu’ils en demeurent tout ébranlés ; la Gloire de Dieu les rend riches
et pauvres en même temps, plus riches et plus pauvres que le reste des humains.
Au terme du voyage Pierre, Jacques et Jean ne virent plus que Jésus seul. En redescendant dans la plaine Jésus leur défend de raconter à personne ce qu’ils
ont vu. Ils garderont le silence sur cette heure qui les a laissés à tout jamais en même temps si riches et si démunis au point que, même s’ils l’avaient
voulu, ils n’auraient probablement rien pu en dire.
La montagne sainte
Après la résurrection de Jésus, Pierre, Jacques et jean ne pourront plus se taire. Ils diront aux pauvres pécheurs qu’ils sont les préférés de Dieu. Ils diront
que, si Jésus les a emmenés sur la montagne sainte le jour de la transfiguration, c’est pour donner confiance à tous les pauvres de la terre. Ils proclameront
qu’eux aussi, comme d’autres, étaient de pauvres pécheurs, mais que du péché Dieu sort vainqueur ! Ils annonceront au bas-peuple que la lumière brille au cœur
des ténèbres, qu’elle éclaire chacun comme elle a brillé pour eux à l’heure de la transfiguration.
Depuis le jour de Pâques, la lumière de Dieu repousse la grisaille des jours ; elle illumine les existences les plus terre-à-terre ; elle nous guide et nous
éclaire à chaque pas, que nous cheminions dans les plaines ou que nous gravissions des sommets. Depuis le jour de Pâques, la montagne sainte, le lieu de la
transfiguration est enfoui au plus profond des entrailles de la terre. Depuis le jour de la résurrection, Jésus demeure avec nous caché au plus profond de
nos entrailles et transfigure toute notre existence humaine.
A chacun, Dieu parle, au plus secret de son existence. Il dit : « Heureux es-tu d’être ce que tu es : limité, sans grandeur, pécheur et sans hauteur !
L’abîme de ta pauvreté appelle l’abîme de ma propre Grandeur, celle de l’Amour que j’ai pour toi et qui transfigure tout ! »
Christine Fontaine
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En attendant que les yeux s’ouvrent !
Un certain point de vue
Imaginez une bague avec un morceau de verre un peu clinquant. Mettez devant cet objet deux personnages différents : une jeune adolescente de douze ans et
un bijoutier plein d’expérience. L’enfant risque de se laisser prendre par le rayon de soleil qui brille sur le bijou et prendre la verroterie pour une
pierre précieuse. En revanche, l’expert ne se laissera pas avoir. Il s’apercevra tout de suite qu’il ne s’agit que d’un bijou de quatre sous. Un même
objet et pourtant les regards sont différents. Il n’a pas le même aspect, la même figure, pour l’un et pour l’autre. Les yeux de l’homme de métier sont
aiguisés par le travail et la formation reçue. Laissez la jeune fille au contact de cet homme et son regard finira par changer.
Voilà Pierre, Jacques et Jean en contact avec Jésus. Ils sont très exactement au milieu de la formation qu’ils attendent de Celui qu’ils
appellent parfois « Maître ». Le texte d’aujourd’hui nous situe très exactement au milieu de leur parcours puisqu’il nous renvoie aux tout premiers
mots du mystère que Jésus vient rendre visible. « Une voix se fit entendre : « celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le. » Dans le même temps
nous sommes renvoyés à l’extrême fin : la résurrection se profile déjà à l’horizon : « ils se demandaient entre eux ce que voulait dire : ressusciter
d’entre les morts. »
N’essayons pas d’imaginer la scène ; a-t-elle eu réellement lieu ? On peut en douter sans pour autant manquer de foi.
L’important, dans la façon dont cette rencontre nous est rapportée, c’est que nous sommes conduits à deviner les transformations qui
s’opèrent chez les proches de Jésus. Ils commencent à prendre de la hauteur. Ce n’est pas par hasard qu’on nous dit qu’ils sont « sur une haute montagne ».
N’est-ce pas une manière de dire que le compagnonnage des disciples les mène en un point où le ciel, qui évoque le séjour de Dieu, se rapproche
de la terre où se déroule leur destinée humaine. Le point de vue n’est plus le même.
Quand on sort du sommeil
La condition de leur Maître commence à leur apparaître sous un jour nouveau ; ils entendaient depuis des années, chaque samedi, dans la synagogue,
les textes de la Loi attribués à Moïse ; ils connaissaient les récits des prophètes dont Elie est le prototype. Les lectures entendues prennent sens ; ils
saisissent le rapprochement entre l’enseignement de la tradition et la nouveauté des discours du Nazaréen (« Elie leur apparut avec Moïse
et ils s’entretenaient avec Jésus »). Au contact de celui-ci tout devient aussi clair qu’un beau drap de lin éblouissant de blancheur sortant des
mains qui viennent de le tisser : « ses vêtements devinrent resplendissants ». Ils commencent à parler mais leur discours ne va
pas bien loin encore. « Pierre prend la parole »... mais il s’arrête bientôt : « de fait, il ne savait que dire ». Au milieu de
leur parcours avec Jésus, Pierre, Jacques et Jean, en regardant Jésus, sortent de la nuit ; ils commencent à deviner quelle lumière habite ce fils
de charpentier mais leur expérience est en même temps celle de la nuit : « une nuée les couvre de son ombre ».
Quand on se réveille, on se frotte les yeux ; on n’est plus dans la nuit mais pas encore dans la lumière.
Ils ont encore du chemin à faire, lorsqu’ils descendent de la montagne. Ils ont encore à ouvrir leurs yeux et leurs oreilles pour entendre
Dieu leur parler à travers les gestes et les discours de ce juif de Galilée, tellement semblable à eux ; ils perçoivent les accents de Celui qui
se présente comme l’envoyé du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé. Ecoutez-le. » Ils ont surtout à traverser l’ombre dont on nous
dit qu’elle couvrit toute la terre en plein midi, au jour de la Croix. Il faudra qu’ils voient le lever du soleil, le 3ème jour qui suivra
sa mise au tombeau pour qu’ils aient réponse à la question qui s’impose à eux, au milieu de leur chemin de disciples, « ils se demandaient entre eux ce
que voulait dire : ressusciter d’entre les morts ». Alors, comme dit St Luc à propos des disciples d’Emmaüs, « leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ».
Changer de regard
On intitule « Transfiguration » ce texte que l’Eglise nous donne à méditer en ce deuxième dimanche de Carême. Ne nous y trompons pas, la transformation dont
il s’agit ne s’opère pas seulement sur le visage de Jésus. Ce sont les yeux des disciples qui commencent à s’ouvrir. Le compagnonnage avec Jésus, les événements dont
ils sont les témoins, les rencontres qu’ils vivent en sa compagnie, les paroles ou les avertissements qu’ils prennent la peine d’écouter, travailleront en eux.
Considérons que nous sommes comme les disciples lorsqu’ils descendirent de la montagne. Le chemin était ouvert mais la distance à parcourir demeurait
grande avant que leurs yeux s’ouvrent et qu’ils commencent à croire en vérité. Il faut nous ouvrir au travail de transformation jamais achevé qui nous
permet de découvrir ou de redécouvrir le mystère de Dieu attaché à notre condition.
Modifions le regard que nous portons sur nos proches : conjoints ou enfants, pères ou mères, amis proches ou lointains. On n’avance pas
quand on se replie sur soi. Ouvrons-nous aux dimensions universelles comme l’Eglise nous y invite au temps du Carême : devenons solidaires du monde entier.
Les temps que nous traversons sont durs à vivre : les fins de mois sont difficiles quand on est au chômage ; l’inquiétude est grande lorsque l’entreprise
où l’on travaille est aux bords de la faillite. Cette conjoncture est peut-être une invitation à ouvrir nos yeux, à nous rapprocher les uns des autres
et à inventer des façons de vivre nouvelles. Rejoignons en vérité ceux qui souffrent ; partageons notre nourriture avec ceux qui s’approvisionnent
aux Restaurants du Cœur. Ouvrons l’Ecriture ; Pierre, Jacques et Jean n’auraient jamais deviné de quoi ils étaient témoins s’ils n’avaient pas
connu Moïse et Elie dont on nous parle aujourd’hui.
Enfin, regardons les événements de chaque jour comme des cadeaux que Dieu vous fait ; il est une manière de les accueillir et de les vivre qui nous...
« transfigure » quand on change de regard.
Michel Jondot
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