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Martin Luther
par Matthieu Arnold

4- La formation théologique
Texte : Extrait du Cours sur l’épître aux Romains

5- La crise religieuse

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Martin Luther

4- La formation théologique

A l’été de 1507, Luther entreprend des études de théologie au studium generale d’Erfurt, commun aux Augustins, aux Dominicains et aux Franciscains.

Le fondement de cet enseignement est constitué par les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard (1100-1160), manuel de dogmatique essentiel au Moyen Age. Il se familiarise aussi avec les grandes synthèses théologiques médiévales, de Thomas d’Aquin et de Duns Scot.

A l’automne de 1508, Luther est envoyé à l’université de Wittenberg, fondée 6 ans auparavant : il y occupe le poste de lecteur en philosophie, donnant des enseignements sur l’Ethique à Nicomaque. Il y poursuit aussi ses études en théologie, acquérant le grade de bachelier biblique en mars 1509 : ses cours portent désormais sur l’Ecriture Sainte. Le grade de sententiaire, acquis à l’automne suivant, lui permet de donner des cours sur les Sentences. Luther retourne alors au couvent d’Erfurt.

Outre la lecture de la théologie scolastique et des œuvres d’Aristote dont elle s’est en grande partie inspirée, Luther se plonge dans des écrits de Saint Augustin, tels que La Cité de Dieu et La Trinité. Ces lectures, de même que la fréquentation littéraire des mystiques, l’amèneront à considérer de manière de plus en plus critique la scolastique du bas Moyen-Age.

Selon le vœu de Staupitz (et, semble-t-il, bien malgré lui), Luther se prépare en 1512 à l’ultime étape du cursus universitaire, le doctorat. Le 4 octobre, il obtient la licence en théologie, et le 18 ou le 19 octobre, il est promu docteur en théologie.

Ce grade, qu’il avait hésité à acquérir parce qu’il s’en estimait indigne, jouera un rôle capital dans l’attitude de Luther par rapport aux doctrines et aux pratiques de l’Eglise de son temps : le doctorat l’autorise à juger entre les opinions théologiques, et il s’en prévaudra lorsqu’il prendra ouvertement position contre les indulgences.

Désormais, il lui faut donner des cours d’exégèse biblique (principalement d’Ancien Testament), matière qu’il professera sa vie durant à l’Université de Wittenberg.

De 1513 à 1515, il donne son premier grand cours sur les Psaumes (Dictata super Psalterium), en se servant aussi bien des commentaires de la tradition latine (en particulier Jérôme, Augustin, Nicolas de Lyre, etc.), que des instruments exégétiques fournis récemment par les humanistes (Reuchlin, Lefèvre d’Etaples). Luther suit alors la méthode traditionnelle qui consistait à tirer de chaque passage quatre sens différents : outre le sens historique, le sens allégorique, qui a trait à l’Eglise, le sens moral, qui se rapporte au croyant, et le sens anagogique, qui concerne la fin des temps. Plus tard il se restreindra au sens historique, estimant que le recours au trois autres sens permettait aux interprètes de comprendre l’Ecriture à leur guise. Commentant les psaumes, Luther leur confère principalement une interprétation christologique : ils s’appliquent à la personne du Christ.

En 1515, Luther aborde l’épître aux Romains, puis en 1516-1517 celle aux Galates, et enfin l’épître aux Hébreux (1517-1518). Depuis la fin février 1516, il dispose de l’édition du Nouveau Testament grec publié par Erasme.

A côté de son enseignement, il préside à des disputes (thèses rédigées par les professeurs et défendues par les étudiants), qu’il met au service de sa polémique contre la scolastique.

C’est l’époque aussi où Luther se rapproche des humanistes. En 1514, il se met à correspondre avec Georges Burkhardt, dit Spalatin, qui sera plus tard chapelain, bibliothécaire et conseiller de Frédéric le Sage, le prince-électeur de Saxe. La même année, il se range aux côtés des défenseurs de Jean Reuchlin : pour s’être opposé à la destruction des écrits juifs non bibliques, l’humaniste avait encouru les foudres des dominicains de Cologne, au premier rang desquels le Juif converti Pfefferkorn.

Cependant, il exprime des points de désaccord avec Erasme dès 1517 : « J’approuve, assurément, qu’il accuse et condamne les religieux autant que les prêtres, avec autant de science que de conscience, pour leur ignorance invétérée et leur engourdissement. Mais je crains qu’il ne mette pas suffisamment en valeur le Christ et la grâce de Dieu. […] Chez lui, les choses humaines l’emportent sur les choses divines. » Mais la querelle entre les deux hommes n’éclatera que sept ans plus tard, en 1524.

Texte :
Extrait du Cours sur l’épître aux Romains

« Imagines-tu donc, ô homme qui juges ceux qui font de telles choses,
et les fais toi-même, que tu échapperas au jugement de Dieu ? » (Romains II, 3.)


Semblable est le cas des puissants qui exploitent le peuple en levant des impôts sans nécessité ou qui, en changeant et dévaluant la monnaie, font tort à leurs sujets par lucre ou avarice. Est-ce là autre chose que vol et pillage des biens d’autrui ? Quelqu’un irait-il jusqu’à excuser ceux qui perçoivent même des impôts légitimes et des redevances justifiées et qui, pourtant, ne rendent pas au peuple le service qu’ils lui doivent, en le protégeant, en lui assurant la prospérité et en rendant la justice ? Ils n’ont en vue que la domination et la quête des richesses, ne cherchant qu’à tirer gloire de leurs acquisitions, dans la plus vaine des ostentations.

Les princes de L’Eglise, eux-mêmes se conduisent ainsi, pour ne rien dire de plus, dans leur profond aveuglement : les enfants eux-mêmes en sont témoins dans les rues. Débauche, ambition, luxe, envie, avarice, gloutonnerie et un universel mépris de Dieu : On croirait que rien de tout cela ne tombe sous le jugement de Dieu tant ils en sont pleins. En revanche, s’il arrive à leurs sujets de toucher à leurs privilèges et à leurs ressources, même s’il s’agit de peu de chose, s’ils soustraient quoi que ce soit de leurs revenus, aucun jugement et aucune peine ne sont alors trop graves.

Martin Luther