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Martin Luther
par Matthieu Arnold

6- L'émergence d'une nouvelle théologie

Textes :
Dispute contre la théologie scolastique (1517)
Controverse tenue à Heidelberg (1518)


7- L'affaire des indulgences et ses développements

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Martin Luther et Martin Bucer

6- L'émergence d'une nouvelle théologie

Le 4 septembre 1517, Luther préside la dispute contre la théologie scolastique de Frantz Günther, qui s’en prend à Duns Scot, Guillaume d’Occam, Pierre d’Ailly et Gabriel Biel. La Théologie combattue par Luther était de type semi-pélagienne : sans nier la souveraineté et la grâce de Dieu, cette théologie associait cependant l’homme à son salut, puisque, n’ayant pas perdu sa nature bonne, il pouvait se préparer à la grâce de Dieu, en « faisant ce qui est en son pouvoir » (par ex., en renonçant au péché).

La théologie luthérienne se caractérise par un certain pessimisme anthropologique, qui l’oppose à la fois aux scolastiques et aux humanistes ; de par sa nature, l’homme est mauvais et ne vise qu’à s’enorgueillir et s’émanciper par rapport à Dieu. Ce n’est que face à Dieu (coram Deo), par la relation à son Créateur, qui lui annonce qu’en Jésus-Christ il lui a pardonné sa rébellion, que l’homme peut accomplir des œuvres bonnes. Mais il est incapable d’aimer Dieu si celui-ci ne lui a pas accordé au préalable sa grâce.

Dans cette perspective, le péché n’est pas simplement un manque de justice originelle auquel le don surnaturel de la grâce pourrait remédier, mais la tendance innée de l’homme au mal, qui demeure même chez le chrétien.

De même, la grâce de Dieu, elle n’est pas une qualité conférée à l’homme, qui lui serait attribuée « comme la blancheur au mur », mais une attitude de Dieu qui, dans sa miséricorde, ne lui impute pas son péché, mais lui pardonne à cause du Christ.

Dieu ne se contente pas de proclamer juste l’injuste, mais il le rend également juste, par son Esprit Saint qui agit en l’homme. La grâce qu’il confère à l’homme n’est pas un don stable (habitus) qui le dispenserait de se tourner sans cesse vers Dieu (la grâce habituelle de la théologie scolastique), mais la communion continuellement renouvelée avec le Christ ressuscité. L’homme ne devient pas juste en lui-même, en ce qu’il est de fait. Il l’est dans la communion avec Jésus-Christ. C’est ainsi que jaillissent les œuvres bonnes. Cela se fait dans la mesure ou l’homme croit, c'est-à-dire s’en tient au Christ.

Parlant non plus de l’homme en soi, avec un certain nombre de qualités, mais de l’homme en relation avec Dieu – coram Deo - et qui demeure tributaire de la Parole de Dieu et du Christ, Luther introduit une nouvelle manière de faire de la théologie : non plus une théologie ontologique (qui s’intéresserait aux propriétés de Dieu), mais une théologie relationnelle.

Cette nouvelle manière de faire de la théologie trouvera son apogée dans la dispute de Heidelberg (avril 1518), qui enthousiasmera un certain nombre de théologiens, parmi lesquels Martin Bucer, le futur réformateur de Strasbourg.

Luther y précise en effet son opposition à la théologie scolastique, en 28 thèses de théologie et 12 thèses de philosophie, munies d’un bref commentaire. Plus nettement qu’auparavant, la première thèse théologique critique la loi comme chemin du salut. Celle-ci doit seulement révéler le péché de l’homme. Les thèses de 19 à 24 constituent la partie la plus originale de la dispute. Elles opposent deux manières de faire de la théologie : l’une voudrait trouver Dieu dans la création, par la spéculation ou par la voie de la morale (c’est la théologie de la gloire), l’autre au contraire (la théologie de la croix) cherche Dieu à travers la souffrance et la croix, à la fois celle du Christ et des chrétiens. Luther opte résolument pour la seconde, qui est conforme à la manière paradoxale dont Dieu s’est révélé comme Seigneur et Sauveur.

Textes de Martin Luther:
Dispute contre la théologie scolastique (1517)

XVII : L’homme ne peut vouloir naturellement que Dieu soit Dieu ; bien au contraire, il veut être lui-même Dieu et que Dieu ne soit pas Dieu.

XXIX : La meilleure et l’infaillible préparation à la grâce, et l’unique disposition à cette grâce résident dans l’élection et la prédestination éternelles de Dieu.

XXXVII : Même dans une œuvre bonne en apparence et extérieurement, la nature se glorifie et s’enorgueillit nécessairement dans son for intérieur.

XL : Nous ne sommes pas rendus justes en accomplissant des œuvres justes, mais, rendus justes, nous accomplissons des œuvres justes.

L : En bref, tout Aristote est à la théologie comme les ténèbres à la lumière.

XCV : Aimer Dieu, c’est se haïr soi-même, et ne rien connaître sauf Dieu.

Controverse tenue à Heidelberg (1518)

III. Les œuvres des hommes, quoiqu’elles soient toujours de belle apparence et qu’elles paraissent bonnes, sont cependant, selon toute probabilité, des péchés mortels.

XVI. L’homme qui pense qu’il a la volonté de parvenir à la grâce en faisant ce qui est en son pouvoir ajoute le péché au péché, de telle sorte qu’il est rendu doublement coupable.

XVIII. Il est certain qu’il faut que l’homme désespère totalement de lui-même pour être rendu apte à recevoir la grâce du Christ.

XXV. Celui-là n’est pas juste qui œuvre beaucoup, mais plutôt celui qui, sans œuvre, croit beaucoup au Christ.

Martin Luther