Page d'accueil Nouveautés Sommaire Auteurs
Retour "Temps ordinaire" Retour "Année C" Contact - Inscription à la newsletter - Rechercher dans le site

29ème dimanche

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
Lc 18, 1-8

Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu'il faut toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : 'Rends-moi justice contre mon adversaire.' Longtemps il refusa ; puis il se dit : 'Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m'ennuyer : je vais lui rendre justice pour qu'elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête.' » Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice ! Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu'il les fait attendre ? Je vous le déclare : sans tarder, il leur fera justice. Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? »

La veuve et le juge
Michel Jondot

La prière de demande
Christine Fontaine

Croire malgré tout
Michel Jondot


La veuve et le juge


Le travail de la loi

Lorsqu'une demande nous est adressée, lorsque nous sommes face à une décision à prendre qui nous engage à l'égard d'autrui, nous sommes conduits souvent à un retour sur nous-mêmes. Nous nous apercevons que le premier mouvement n'est pas toujours le bon. Que dire à des enfants qui grandissent et qui réclament leur autonomie ? Comment réagir devant une proposition professionnelle qui risque de modifier la manière de vivre de mes proches ? Chaque vie humaine un peu sensée rencontre mille occasions où il faut y regarder à deux fois avant de s'engager par un oui ou un non. Qu'est ce qui est bien, qu'est-ce qui est mal ?

En réalité quand on s'interroge de la sorte ce qui travaille en nous, c'est le travail de la loi qui éclaire chaque conscience humaine normalement éduquée. En mettant en scène ces deux personnages de la parabole Jésus ne manque pas d'humour. Une plaignante se trouve devant un juge. C'est la veuve qui rappelle au spécialiste qu'elle a des droits et la loi oblige l'autre à exercer les devoirs attachés à sa fonction. Le juge, faisant retour sur lui-même, prend conscience que la vie sera pour lui impossible s'il se soustrait aux obligations qui découlent de sa charge (« je vais lui rendre justice pour qu'elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête »). Une société cesse d'être humaine quand les membres qui la composent ne sont pas éveillés aux droits et aux devoirs de chacun. Pas d'alliance humaine là où les sujets ne sont pas éveillés au respect d'un pacte reconnu par tous.

La loi nous met face à autrui

Cette loi dont chacun prend conscience nous permet de nous tourner les uns vers les autres. Elle nous indique les limites à ne pas dépasser afin que chacun puisse s'épanouir. Elle ouvre aussi le champ de la rencontre. Puisque nous avons des droits nous pouvons aller chercher celui qui pourra les satisfaire. Ainsi se déroulent tous les échanges possibles où tour à tour chacun est conduit à appeler ou à répondre, à demander ou à recevoir. Habilités à vivre les uns avec les autres, nous sommes conduits par la loi à percevoir ce que nous sommes en droit d'attendre d'autrui ou ce qu'autrui est en droit d'attendre de nous. Chaque personne humaine, dans un pays comme le nôtre, est en droit de demander un toit pour s'abriter, des remèdes pour se soigner, un travail pour gagner son pain.

Autrement dit, la loi nous conduit en un point assez mystérieux. C'est grâce à elle que nous pouvons aimer. Elle nous fait entrer dans le désir que nous avons les uns des autres puisqu'elle met chacun en situation d'être rejoint par un appel ou d'en appeler à autrui. Ce que chacun peut demander ou attendre est plus ou moins trivial ou plus ou moins noble selon les situations, mais toujours l'objet désiré nous met face à autrui. S'il n'y avait plus rien à demander, si toujours chacun était pleinement satisfait, tout amour serait impossible et l'humanité disparaîtrait. En réalité, au fil des années, toujours l'autre nous manque (« tu me manques » : c'est le langage de l'amour). Oui, toujours l'autre nous manque et c'est heureux. Heureux les pauvres, heureux ceux qui manquent, ils cherchent à qui parler. Heureux les pauvres, le désir traverse leur coeur d'hommes.

Le droit des pauvres

Heureux les pauvres ! Le désir qui les traverse manifeste la proximité de Dieu. Le bonheur d'être pauvre est bien mis en scène dans la parabole. Pour parler de la prière il met en scène une malheureuse veuve qui pourtant a le beau rôle dans son face à face avec un notable. Les droits de cette pauvresse sont bafoués mais elle a trouvé de quel côté se tourner pour les faire valoir. Cette recherche, cette quête de la justice est une entrée dans le Royaume de Dieu. « Heureux les pauvres, le Royaume des cieux est à eux ! » Au fond des églises, souvent, on trouve des cahiers sur lesquels on peut lire toutes sortes d'intentions confiées à la prière des croyants. N'hésitons pas à lire ces pages ; les propos qu'on y trouve son comme un écho des paroles de Jésus : son Royaume est attendu.

Le désir que Dieu a de nous

Je commençais cette homélie en évoquant la découverte que chacun peut faire : la découverte du travail de la loi lorsqu'on fait retour sur soi pour répondre à une sollicitation. La parabole de ce jour nous conduit aussi à faire retour sur nous-mêmes et sur notre expérience de la prière. Nous découvrons qu'en nous tournant vers Dieu, en lui demandant par exemple, comme Jésus nous a appris à le faire, le pain de chaque jour, nous découvrons qu'en nous tournant vers Dieu, nous entrons dans une alliance qui n'est pas seulement celle qui fait les sociétés humaines. Par-delà ce que nous demandons nous trouvons l'Autre que nous appelons « Père ». Par-delà l'objet demandé, nous percevons que nous entrons dans le désir que le Père a de nous. On perçoit comme une inquiétude à travers les propos de Jésus qui concluent sa parabole : « Le Fils de l'Homme, quand Il viendra trouvera-t-il la foi sur terre ? » Qu'est-ce que la foi sinon la réponse de l'homme à l'appel que Dieu nous adresse en envoyant sa parole en Jésus, fils de Marie. Qu'est-ce que prier sinon entrer dans le désir que Dieu a de nous à travers toutes les attentes qui tissent notre existence ? Et si Dieu semble sourd, si nos attentes sont déçues, laissons cette parabole réveiller notre foi : « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu'Il les fait attendre. Je vous le déclare, sans tarder, il leur fera justice ». Non, Dieu n'est pas sourd. Il donne quand nous nous tournons vers Lui. Il donne son Esprit qui nous fournit l'accès, sans attendre, dans le Royaume des Cieux.

Michel Jondot


La prière de demande

Que ta volonté soit faite !

Si nous devinons un tant soit peu que notre Dieu est Juste et Bon nous croyons que nous avons tout intérêt à connaître sa Volonté et à l’accomplir. Nous ne savons pas toujours ce qui est bon pour nous, mais Dieu ne peut se tromper : à coup sûr il connaît ce qui convient pour chacun.

Aussi, pour peu que nous ayons la prudence de faire confiance à Dieu lorsque nous le prions il nous suffit de demander : « Que ta Volonté soit faite ». Cette demande récapitule toutes les autres, elle les contient toutes. Pourtant, il nous faut bien reconnaître que cette seule demande nous laisse bien pauvres pour faire face à l’existence.

En quoi cette seule prière peut-elle nous aider à connaître ce que Dieu veut lorsque nous hésitons sur telle décision à prendre ? En quoi cette prière – même formulée jour après jour et sans se décourager, comme le demande Jésus Christ – nous permet-elle de discerner que Dieu répond à nos demandes ? Quelle est donc cette volonté dont nous croyons qu’elle est bonne pour nous mais dont nous ignorons tout ?

Que justice me soit rendue !

Lorsque Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager, il met en scène une veuve. Une femme qui n’a plus l’appui de son mari et qui cherche l’appui d’une autorité humaine pour lui rendre justice contre son adversaire.

Si vous êtes dans la situation de cette veuve, dit Jésus Christ, si devant une situation très précise vous n’avez pas l’appui d’un proche pour vous délivrer de l’adversité, ayez recours à celui qui est l’autorité suprême, priez votre Dieu et il vous fera justice.

La prière, à en croire Jésus, ne consiste donc pas seulement à demander à Dieu que sa Volonté soit faite d’une manière générale. Elle porte sur des situations de la vie quotidienne, sur des situations très précises. En cas de litige entre les hommes – dans telle situation bien particulière qui nous touche – Jésus déclare qu’il faut prier sans se lasser pour demander que justice nous soit rendue.

Cette veuve avait l’assurance que sa cause était juste. Pour notre compte, nous sommes souvent portés à penser qu’en cas de litige la justice est de notre côté… Mais nous pouvons nous tromper ! Aussi est-il plus prudent, lorsque nous prions, de toujours ajouter : « Que ta Volonté soit faite ». Une telle prière est toujours exaucée « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit. Est-ce qu’il les fait attendre, je vous le déclare : sans tarder, il leur fera justice. »

Que justice soit faite !

Si Dieu, comme le dit l’Evangile, ne tarde jamais à montrer à chacun ce qui est juste et bon pourquoi Jésus nous recommande-t-il de persévérer dans la prière, de prier sans se décourager ? Si Dieu – à en croire Jésus - ne peut tarder pas à répondre, alors c’est peut-être nous qui tardons à comprendre que ce que nous pensions juste ne l’était pas forcément. Il faut, dit Jésus, continuer à demander jusqu’à ce que nous comprenions vraiment la réponse de notre Dieu.

Car Dieu répond toujours, mais il faut de la persévérance pour que Dieu puisse éclairer notre intelligence et notre jugement. Si nous demandons quelque chose de mauvais à Dieu en pensant que c’est bon, il nous donnera ce qui est réellement bon en déplaçant progressivement l’objet de notre prière. Tant que nous ne voyons pas clairement ce qui est bon, il ne faut pas lâcher, il faut persévérer, insister. Dieu finira par nous rendre justes. Alors nous découvrirons que Dieu a toujours exaucé nos demandes.

Christine Fontaine


Croire malgré tout

La folie de croire

Je connais deux mamans, deux sœurs qui, lors de leur adolescence, eurent à vivre une rude épreuve. Leur mère était atteinte d’un cancer. Autour de celle-ci la prière fut intense. Les deux jeunes filles l’accompagnèrent à Lourdes ; on leur avait parlé des miracles qui s’y étaient produits et elles étaient persuadées que leur foi les conduirait à obtenir la guérison qu’elles demandaient « sans se décourager ». Hélas ! Rien n’empêcha le mal de faire son œuvre de destruction et en peu de temps ces deux gamines devinrent orphelines. Le temps a passé. Elles sont adultes aujourd’hui. L’une d’entre elles a perdu la foi : à quoi bon se tourner vers un Dieu qui reste sourd aux prières qu’on lui adresse ? En revanche, l’autre est demeurée croyante. N’est-ce pas folie ?

La loi et la foi

C’est sans doute à des situations de ce genre que Jésus fait allusion en mettant en scène cette pauvre veuve qui avait besoin qu’on lui rende justice. Elle savait qu’elle avait la loi pour elle. Elle avait raison d’insister et de s’insurger ; la loi était plus forte que les juges et finirait par s’imposer. Avec Jésus, la loi est dépassée ; il est lui-même la loi nouvelle qui fait entendre la volonté du législateur, le Père qui est aux cieux. Si malgré sa paresse ce juge est acculé à intervenir, à plus forte raison Dieu ne peut manquer d’entendre et de répondre à ceux qui se tournent vers lui.

Jésus disait cette « parabole sur la nécessité de toujours prier sans se décourager ». Comment croire que nos prières sont exaucées quand on voit la mort continuer à faire ses ravages et à s’étendre comme un feu de forêt en plein été ? Nous savons bien que nos prières n’agissent pas comme des causes qui produisent nécessairement les effets que l’on attend. Ceux qui se soumettent à la loi nouvelle ont à découvrir où est le salut auquel elle nous conduit. La foi nous fait entrer dans le désir de Jésus ; Celui-ci nous révèle que son désir est que les hommes aient la vie en abondance, dès cette terre. Ce bonheur n’est satisfait que lorsque notre cœur, par-delà les objets qui le touchent, demeure orienté vers le Père. Evidemment, au cours de notre histoire, nous ne pourrons jamais être satisfaits, tant il est vrai que, comme le dit St Jean « Dieu est plus grand que notre cœur ».

Bien sûr les jeunes filles dont je parlais avaient raison de prier pour leur mère ; leurs cœurs lui étaient attachés et il vient de Dieu l’amour qui nous lie les uns aux autres. Mais ne nous bouchons pas les yeux : il est au fin-fond de nous un inconscient plus fort encore que celui que nous révèle la psychanalyse et que Jésus vient nous manifester. Par-delà nos plus belles amours, par-delà les plus belles causes auxquelles nous nous dévouons, nous cherchons à rejoindre celui que Jésus est venu nous faire connaître. Au soir de la Résurrection, sur la route d’Emmaüs, à la suite d’un deuil deux disciples marchaient la tête basse mais leur cœur était tout brûlant jusqu’à ce qu’ils reconnaissent, dans une auberge, non plus le rabbi qui les avait séduits sur les routes de Galilée ou de Judée mais leur Seigneur et Maître.

La prière et la foi

« Ô cœurs lents à croire » disait à ces deux amis l’inconnu qui les avait rejoints. Qu’est-ce donc que croire ? Qu’est-ce que la foi ? La foi est un miracle qui nous permet, au cœur de nos échecs, au cœur de nos deuils, au cœur des cataclysmes qui s’abattent sur notre histoire, de relever la tête. La foi est la force de dépasser toutes les formes de la mort et de marcher encore et malgré tout, grâce à Jésus et avec Lui, sur les chemins qui conduisent au Dieu vivant.

« Il disait une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager. » Son histoire se termine par une question : « Le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » Cette expression n’a rien d’une prophétie. Il s’agit plutôt d’un mouvement d’impatience pour éveiller la vigilance de ses disciples. Retenons simplement que l’expression allie la foi à la prière. Qu’est-ce que prier ?

On entend parfois des chrétiens qui considèrent que la prière n’a rien à voir avec une demande. Le catéchisme d’avant le dernier Concile enseignait que prier c’était se tourner vers Dieu pour le louer, le remercier et implorer sa grâce. A s’enfermer dans cette formule, on a trop tendance à négliger la prière des enfants qui implorent la guérison de leurs parents ou celle des parents qui veulent voir un fils ou une fille malade retrouver la joie de vivre. On considère parfois avec pitié voire avec mépris les malades qui n’ayant plus rien à attendre des médecins se tournent vers le ciel. C’est oublier la pitié de Jésus à l’égard des paralytiques, des sourds et des aveugles, des miséreux de toutes sortes.

A quoi bon prier en sachant que nos demandes n’ont que peu de chances d’aboutir ? Implorer le ciel est une façon de rendre hommage à Dieu. Implorer implique l’acte de désirer ; nos demandes, en fait, nous tournent vers la vie et nous lient ainsi au désir de Dieu et à son combat contre les forces de mort. Celles-ci n’ont pas encore disparu mais gardons patience ! La vie l’emportera ! Nous avons la loi pour nous. Nous avons Jésus, la loi nouvelle, avec nous.

Michel Jondot