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5ème dimanche de pâques

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 14, 1-12

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Pour aller où je m'en vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond: «Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu. » Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : 'Montre-nous le Père' ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c'est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres oeuvres. Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des oeuvres. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes oeuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père."

Le chemin vers le Père
Michel Jondot

Le passage est ouvert
Christine Fontaine

Se mettre en chemin
Michel Jondot


Le chemin vers le Père

La morale de notre temps

Les points de repère disparaissent en notre temps : la morale de la société n’est plus celle de l’Eglise. Naguère, dans notre pays, nous étions tous d’accord pour respecter la vie d’un embryon et celle d’un malade ou d’un vieillard jusqu’à son dernier souffle ; aujourd’hui l’avortement est possible et l’euthanasie sera peut-être bientôt légalisée. Le mariage cesse d’être une institution respectée : les divorces sont monnaie courante. Les couples n’hésitent pas à cohabiter sans que la rencontre engage l’avenir. Les couples homosexuels ont désormais droit de cité ; nombreux sont celles et ceux qui voudraient que les femmes soient autorisées à porter en leur sein l’enfant d’un couple étranger.

Face à ce décalage, quel comportement adopter ? Les Juifs ont la Torah qui leur indique la voie à suivre ; les musulmans ont la Charia qui, elle aussi, entre dans tous les détails de la vie. Ces deux mots ont une signification assez semblable. On pourrait aisément traduire le premier par « signes de piste » et le second désigne « le chemin qui conduit à une source ». Les uns et les autres se réfèrent à un législateur accrédité par Dieu : Moïse pour les uns et, pour les autres, Mohammed.

Les chrétiens, certes, ont eux aussi une morale particulière mais celle-ci est l’œuvre de l’Eglise et non de Jésus qui ne se présente pas comme un législateur. Il ne vient pas apporter une loi nouvelle : « Je ne suis pas venir abolir la Loi. » Jésus n’est pas un moraliste mais il désigne son attitude devant Dieu, devant autrui, devant la vie, par une métaphore semblable à celle de la loi juive ou musulmane : « Je suis le chemin. » Comment comprendre ?

Entre le Père et l'humanité

La situation de Jésus par rapport à ses disciples, dans l’Evangile de Jean, est assez singulière en cette heure où il prononce ses dernières paroles : au terme de l’entretien, il s’en ira dans le jardin où les autorités juives et les soldats viendront l’arrêter. Jusqu’à présent ses amis avaient surtout été témoins de ses actions, « de ses œuvres » comme dit le texte. Au cours de cette conversation, ils sont en vis-à-vis ; ils se regardent. Jésus leur indique qu’il s’en va « vers le Père » et qu’ils auront le même voyage à faire : « afin – dit-il – que là où je suis vous soyez vous aussi. » Dans ce cadre, Jésus prononce cette parole mystérieuse : « Je suis le chemin. »

Le lieu où se déroule ce dernier échange est le point de départ d’un voyage qui conduit à « la maison du Père » : en effet, Jésus est la Parole de Dieu adressée à l’humanité. Lorsqu’un ami s’adresse à vous, si vous l’écoutez, sa parole opère un lien. Quand on se tait face à quelqu’un, un écart se crée ; on garde des distances que les mots échangés abolissent. Les propos que nous nous adressons sont l’espace humain à l’intérieur duquel nous cohabitons comme dans une maison : « Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père. » Encore faut-il sortir du silence et de la surdité pour y parvenir. Jésus s’efforce de révéler à ses amis qu’entre lui et le Père la distance est abolie : puisqu’il est la parole envoyée par Dieu, il est le chemin qui les unit. « Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » demande Thomas. Il suffit d’ouvrir les yeux ; en regardant le rabbi qui est encore vivant, on entre dans le dialogue entre le Père et l’humanité ; on abolit les distances entre le Père et l’humanité. Ils sont dans l’espace humain où la parole fait son travail.

Un entretien humain

Les disciples ont sous les yeux, pour quelques instants encore, un visage de chair. Les paroles échangées ne sont plus des paroles d’un maître devant lequel les disciples doivent s’incliner en silence. Pour l’intelligence du texte, il est important de remarquer que le discours n’est pas à sens unique : Thomas interroge et conteste peut-être ; Philippe formule une demande. Le fourmillement des pronoms impressionne (je, tu, nous, vous) ; il indique le rapport des sujets les uns par rapport aux autres. Le cadre, en effet, est humain, comme le visage sur lequel se posent le regard de ceux que Jésus appelle « des amis ». Ceci est assez étrange : on nous parle du lien à Celui que le Credo, aujourd’hui, appelle « le Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre » ! Cette révélation de la grandeur de Dieu est inséparable de la rencontre paisible d’une poignée de Galiléens.

L’originalité chrétienne

Ce contraste entre la grandeur de Dieu et la familiarité du dernier entretien de Jésus avec ses amis nous éclaire sur le chemin à prendre au milieu des aléas de l’histoire. Certes les catholiques se réfèrent à une morale mais là n’est pas l’originalité chrétienne ; là n’est pas pour eux le chemin qui conduit à Dieu. Sur ce point nous nous distinguons des Juifs et des musulmans. Face à ses amis, Jésus s’avérait comme le chemin menant au Père dans la mesure où il avait visage humain. Jésus s’est effacé pour que ceux qui se réclameraient de lui découvrent que la route est encore ouverte et que toute rencontre humaine est pour eux le moyen de s’orienter vers leur Seigneur. Jésus révélait à ses amis qu’en se montrant à eux il ouvrait le chemin qui conduit au Père : « Qui me voit, voit le Père. » Mais Jésus lui-même savait que ses « œuvres », lorsqu’il marchait sur les routes de Palestine, étaient réponse à son Père dont il reconnaissait l’accent lorsqu’il décelait les attentes du paralytique ou du lépreux, du publicain et du pécheur. Autrui est parole du Père. Chemin qui conduit au Père.

Michel Jondot


Le passage est ouvert

Le chemin passé

Ses apôtres sont autour de Lui, c’est le Jeudi Saint. Ils ont fait du chemin avec Jésus depuis le jour, trois ans auparavant, où il les avait appelés. Lorsque les pharisiens commencèrent à vouloir supprimer Jésus, il leur avait demandé : « Vous aussi allez-vous me quitter ? » Et Pierre avait répondu : « A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle. »Ils sont demeurés jusqu’à cette heure, ils sont demeurés fidèlement à l’écoute du Seigneur.

Les apôtres ont fait du chemin avec Jésus et pourtant, ils ont encore du chemin à faire. Jésus, en ce Jeudi Saint, leur livre ses dernières paroles et ils ne comprennent pas. Ils ne connaissent pas encore Jésus. Ils ignorent toujours le mystère qui l’habite : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas, Philippe ? … Croyez ce que je vous dis; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des œuvres… »

Les apôtres jusqu’au dernier moment, à l’heure où Jésus va partir, demeurent encore extérieurs au mystère de Dieu que Jésus est venu leur faire connaître. Les apôtres, jusqu’au dernier moment, à l’heure où Jésus s’en va, ont une foi bien petite… « Croyez ! dit Jésus, croyez ! »

Jésus pourrait désespérer de ses amis, il pourrait désespérer de l’homme : après tant de proximité avec lui, ses proches lui demeurent étrangers ! Et c’est pour Jésus l’heure de l’espérance.

Le chemin à venir

« Je pars vous préparer une place » dit Jésus dans un tressaillement d’allégresse. Voici venir le jour auquel il aspirait, voici venir le jour de son départ. Il part pour faire place au mystère de Dieu dans la vie de ses disciples.

Ils ont du chemin à faire. Jésus exulte et s’en réjouit ! Ils ont encore à recevoir, ils ont à croire davantage, à découvrir l’amour du Père, ils ont encore tout à apprendre, tout à découvrir.

« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ! » dit Jésus, à l’heure où il s’en va leur préparer une place dans la Maison du Père. Il est le Chemin, lui seul peut ouvrir le passage et il le fait. Jésus les emmène avec lui, il ne part pas sans eux : désormais ils chemineront avec lui !

Jésus prononça ces paroles le Jeudi Saint. Le lendemain ses apôtres le verront mourir en Croix et ils s’enfuiront, écrasés de tristesse et de peur. Ils avaient du chemin à faire entre ce Jeudi Saint et ce jour d’après Pâques où ils se souviennent des dernières paroles de Jésus ! Ils avaient à parcourir un chemin de Croix. Ils avaient à prendre le chemin de la Croix, la route de l’espérance !

Le passage

Nous sommes dans le temps de Pâques. Les apôtres découvrent la croix sous son vrai jour : la Croix est la Victoire de la Vie sur toutes les forces de mort, la Croix est la Victoire de Dieu sur le péché, la tristesse, le malheur et la mort. La Croix est l’arbre de Vie : « Moi, avait dit Jésus, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »

Entre la maison du Père où Jésus demeure et ses amis demeurés sur la terre, le passage par la Croix est ouvert. Il est ouvert pour tous ceux qui reconnaissent qu’ils ont du chemin à faire ! Entre notre pauvre existence humaine marquée par l’égoïsme, l’orgueil, l’incompréhension et la haine et la maison du Père, il nous reste une longue rouer à parcourir !

La Croix du Seigneur mort et ressuscité est notre arme de victoire : par elle la vie de Dieu surabonde. Le chemin de la Croix c’est le bonheur de manquer : Dieu ne peut se donner qu’à ceux qui manquent et il le fait à profusion.

Avant Pâques, le péché faisait obstacle entre Dieu et nous. C’était une pierre énorme impossible à déplacer par nos propres forces. Après Pâques, par Jésus, l’Amour a fait craquer la pierre. Notre péché, ce qui nous sépare de Dieu nous permet d’en appeler à Lui, par Jésus, pour en être délivré. Pour aller là où Il demeure, le chemin peut être long mais il est définitivement ouvert !

Christine Fontaine


Se mettre en chemin

L'avenir est ouvert

Rappelez-vous les circonstances de votre vie où vous étiez engagés dans une conversation et brusquement vous avez pris conscience que la parole reçue était celle que, sans le savoir, vous attendiez. Réciproquement rappelez-vous les moments où vous preniez conscience que le message que vous vouliez transmettre avait touché juste. On discerne comme une lumière sur le visage de son interlocuteur. Je pense aux enseignants ; il leur faut parfois beaucoup de patience pour expliquer, reprendre, insister afin de rejoindre des esprits dissipés, peu enclins à recevoir la leçon. Il arrive pourtant que, sans qu'on sache pourquoi, l'esprit s'éveille, les yeux s'éclairent, les visages se tendent ; ils sont véritablement présents. Quelle joie pour le professeur à ces instants-là. Ces circonstances privilégiées sont parfois celles où une parole va bouleverser la vie ; je pense à ces moments où un jeune homme, une jeune femme entendent l'autre dire la parole d'amour qui va décider de l'avenir. Le premier « je t'aime » qui entraîne une réponse, manifeste une attente intérieure qui parfois s'ignorait mais qui ouvre un avenir prometteur.

Dans ce discours après la Cène, la parole produit, entre le Maître et ses disciples, un travail de ce genre. Jésus est pris dans un long dialogue avec ses disciples et, pour une fois, les propos qu'il tient atteignent leur but. Que d'incompréhensions, que de lenteurs à recevoir le message. Après la Transfiguration, ils se demandaient entre eux « ce que pouvait bien signifier : ressusciter d'entre les morts. » Rappelez-vous leur réaction après le récit de la parabole du semeur ; apparemment Jésus a parlé dans le vide ; ils l'entourent : « explique-nous ce que tu as dit ! ». Jésus s'impatientait parfois : « Esprits lents à croire ! » Mais voilà qu'à cette heure où nous conduit la lecture de ce jour, « à cette heure où il passait de ce monde à son Père », les disciples sont vraiment rejoints par celui qui va les quitter. Les questions et les réponses se croisent et lorsque cet entretien se termine, juste avant la longue prière de Jésus, « ses disciples lui disent : « voilà que maintenant tu parles en clair et sans figures ! »(16/27). Ce sont les dernières paroles qu'ils prononcent avant les retrouvailles qui suivront la Résurrection. Certes, dans les heures qui viennent, pendant les heures du procès et de la Passion, l'écart sera grand entre Jésus et ses amis. Mais il fallait que Jean rapporte ce dernier dialogue ; cette illumination du Jeudi ouvrait l'avenir, le temps où nous sommes maintenant : « Celui qui croit en moi accomplira les mêmes oeuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes ».

Trouver le chemin

Il est bon de s'attarder sur cet échange que la liturgie vient de nous rapporter. Il éclaire le mystère des relations humaines à l'intérieur desquelles nous sommes pris. Entre les uns et les autres, une distance est à franchir. Jésus et les siens se côtoient depuis longtemps. Il y a pourtant un chemin à parcourir encore pour qu'ils se rencontrent : pour qu'ils en viennent à se rejoindre, pour qu'ils soient en vérité là où il est, il convient de se mettre en marche ; au terme, les disciples seront là où est leur maître, celui-ci le promet « Là où je suis, vous y serez aussi. Pour aller où je m'en vais, vous connaissez le chemin ». Les parents dont les enfants grandissent sont bien placés pour comprendre cette situation. Pendant les premières années, père et mère n'ont aucun mal à comprendre les enfants qu'ils voient grandir. Arrive le temps où se creusent les distances et où l'on ne comprend plus : comment se rejoindre ? C'est la question de Thomas : « Nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le chemin ? ». L'histoire d'une amitié, l'histoire d'un amour passent toujours par des questions de ce genre ; l'histoire de l'humanité tout entière est prise dans cette question.

Méditez les propos de Jésus ; il est lui-même le chemin. Le Verbe sort du Père pour rejoindre l'Humanité. Sortir ou se mettre en chemin : les deux expressions sont équivalentes. Sortir du Père, dans la cohérence évangélique, revient à sortir de son propre désir, à abandonner ses propres attentes pour ne vivre que des attentes de l'autre (« Que ta volonté soit faite et non la mienne »). Jésus réalise à la perfection cette sortie qui lui permet de nous rejoindre, au Nom du Père. Pour les disciples, poser les yeux sur le visage de celui qui sera bientôt crucifié, c'est reconnaître le Père. Etre témoin des oeuvres qu'il accomplit, c'est déceler le travail porté par le désir du Père.

Le chemin qui conduit vers autrui

Entrer dans le travail du Père, aujourd'hui, c'est prendre ce même chemin ; c'est passer par le chemin de Jésus. Croire en Lui, c'est se laisser prendre dans la même cohérence. C'est aller là où, sortant de soi, on répond à l'attente de l'Autre ou, ce qui revient au même, c'est aller là où la parole d'un autre risque de nous rejoindre et de faire jaillir la joie. Lorsque nous sommes croyants et que nous sommes conduits là où la parole fait merveille, nous avons à reconnaître ce travail du Père et cette dimension trinitaire dans laquelle nous sommes pris. Franchir les distances qui nous séparent, c'est accepter de vivre là où, abandonnant nos rêves ou nos illusions de bonheur, nous nous laissons prendre par ce désir qui, manifesté naguère dans la vie du Fils de Marie, prend chair aujourd'hui dans nos propres vies mortelles animées de l'Esprit du Père que Jésus nous donne.

Prenons le chemin qui nous conduit les uns vers les autres, laissons-nous prendre par l'Esprit et nous reconnaîtrons la pertinence des mots de Jésus : « Celui qui croit en moi, accomplira les mêmes oeuvres que moi »

Michel Jondot