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Michel Poirier, le 10/01/2023

Le texte « Pour un christianisme sans religion » est constitué d’extraits d’un livre, que je n’ai pas eu jusqu’ici entre les mains. Nicodème a certainement choisi les passages les plus caractéristiques, mais un tel choix écarte forcément des nuances. C’est pourquoi, en même temps que je juge extrêmement stimulant et riche tout ce qu’il propose positivement, je demeure perplexe devant un certain unilatéralisme du texte, qui semble ignorer ou écarter des choses dont on ne peut probablement pas se débarrasser si facilement.

« Jésus n’apparaît jamais comme le fondateur d’une religion ». D’une religion à la manière du judaïsme de son temps, certainement pas en effet. Et d’une religion qui se résumerait à des dévotions, évidemment. Mais il fonde bien une communauté (« faites des disciples et baptisez-les ») dans laquelle des croyants vont vivre leur rapport avec Dieu, et une communauté organisée : il a choisi les Douze, à qui il a confié ses dernières consignes, et qui, mus par l’Esprit avant même la Pentecôte, vont avoir conscience qu’ils doivent perpétuer leur collège (élection de Matthias) et qu’ils ont à gérer la communauté (institution des Sept pour une mission particulière, etc.). Que le rapport avec Dieu doive passer par le rapport avec l’humain, j’en suis pleinement d’accord, mais il y a bien rapport communautaire avec Dieu, autrement dit religion. Et je ne refuse pas que la liturgie soit un des moyens parmi bien d’autres d’exprimer ce rapport.

« Les gens qui ont fréquenté Jésus n’ont jamais vu en lui une incarnation de Dieu ». Soit. Mais ils ont senti en lui quelque chose de mystérieux, d’indéfinissable, ils l’ont vu accomplir des œuvres considérées alors comme réservées à Dieu (maîtriser les éléments déchaînés, pardonner les péchés, etc.), et les générations suivantes ont peu à peu scruté ce mystère, jusqu’à l’affirmation positive de l’Incarnation. Elles n’ont pas eu tort.

J’espère qu’on me pardonnera d’avoir cédé à la tentation du rééquilibrage.

Yann Richard, le 02/04/2023

Merci à Michel Poirier d’avoir rappelé quelques bases de ce qui constitue notre Eglise et la relie au Christ.
Je regrette également qu’on ait publié ces extraits du livre sans plus de réserve et sans présentation.
Personnellement ces extraits m’ont incité à acheter le livre et à le lire. Il est vrai que je venais de lire le livre insipide (et anti-chrétien par certains aspects) de Paul Valadier, Eloge de la religion, et j’avais besoin d’un antidote.
Bruno Mori se range à fond dans le scientisme de Y.N. Harari, qui séduit tellement de nos contemporains par son vernis d’érudition et son regard supérieur sur l’histoire de l’humanité. Donc, pour Mori, la religion disparaît avec la modernité. Sa lecture du récit biblique, entièrement démythologisée, fait comme si un message de salut, la Rédemption, l’annonce des Béatitudes… n’avaient plus de sens pour nous aujourd’hui. Je souhaite à Mori de ne jamais faire l’expérience de la mort, celle d’un proche, la sienne un jour, une expérience qui, comme Ricœur nous l’a rappelé, est la seule qui nous ramène aux questions essentielles, peut-être à une interrogation religieuse.

Quelle religion ? Celle qui nous aide à devenir plus humain, à donner à l’humain sa dimension divine, oui, merci à Mori de nous rappeler cette exigence première du message chrétien.

Ce qui est stimulant chez Mori, c’est la dénonciation de l’Eglise héritière de l’Empire romain, de Constantin. Oui, là, on peut le suivre et nous avons tout à réinventer aujourd’hui. Dommage qu’il n’analyse pas plus finement en quoi nous sommes encore prisonniers de cette vision byzantine de la foi chrétienne dont notre Credo est tellement marqué.

Christine Fontaine, le 02/04/2023

@Yann Richard
J'avais soigneusement sélectionné ce qui, dans le livre de Bruno Mori, me semblait libérateur pour l'expression de la foi aujourd'hui. J'avais volontairement omis tout ce qui relève d'un certain scientisme qui, effectivement, me semble très réducteur, comme tu le fais remarquer. Notre site ne véhicule pas du tout cette théologie mais nous ne pouvons pas occulter pour autant que la réflexion de certains reposent sur d'autres fondements que les nôtres. Nous aurions sûrement dû le signifier. Mais ce n'est pas simple de le faire en quelques mots de présentation d'un texte. Nous tâcherons de faire mieux la prochaine fois et je te prie de m'excuser de t'avoir fait lire ce livre sans prévenir de la cohérence dans laquelle il se situe.

Sur le titre "pour un christianisme sans religion" et sur la remarque de Michel Poirier, je dirais que tout dépend de ce qu'on entend par religion. Je crois que le christianisme dans sa version catholique, depuis des siècles et aujourd'hui encore, se présente comme une monarchie absolue de droit divin, comme l'exprimait il y a quelques jours Mgr Jean-Paul Vesco :

« L’Église catholique a calqué son modèle d’organisation sur celui d’une monarchie absolue de droit divin. Comme pour le sacre d’un roi, l’évêque, détenteur des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire reçoit lors de son ordination un anneau, une mitre en guise de couronne, une crosse en guise de sceptre, une cathèdre en guise de trône, un blason et un titre. Tout cela, évidemment, est investi d’un sens spirituel qui sublime ces gestes et leur donne une consistance, mais il faut être conscient de leur substrat humain inspiré du modèle politique monarchique. » Entretien de M.-L.K. avec Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, dans le journal La Vie, 23 mars 2023.

C'est cette forme de religion qui tue, selon moi, la religion en tant que "rapport communautaire à Dieu". Mais tout ceci demanderait de longs développements.