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Julien, le 3/1/2017
Merci à Christine Fontaine d'avoir exposé avec clarté et argumentation son point de vue. J'avoue de mon côté ne pas avoir réellement suivi cette affaire, mais il me semble en effet indispensable de bien faire le distinguo entre la Justice, comme concept moral transcendant, et le Droit, comme formalisation de règles décidées entre les Hommes. Je ne prend ici que le cas du droit dit "positif" édicté dans des sociétés qui se veulent démocratiques.
Un point de vue éclairant sur ce sujet est exprimé par François Sureau, écrivain et homme de droit à l'origine, dans l'un de ses livres : "Le chemin des morts". Il relate comment une décision qu'il a prise en parfaite conformité au droit, et juste en apparence, a conduit à l'injuste mort d'un homme, alors qu'il était tout jeune énarque au Conseil d'Etat. De surcroît, cet homme (un réfugié politique) ne s'était pas dérobé à l'application de la décision alors qu'il aurait pu le faire sans en être réellement inquiété.
Les commentaires qui suivent proviennent de la page Facebook de Christine Fontaine où on trouve le même article.
Michel Jondot, le 30/12/2016
On peut aligner les bonnes raisons de refuser la grâce ou, au contraire dire qu'Hollande a raison. Mais "La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y a une infinité de choses qui la dépassent; elle n'est que faible si elle ne va jusqu'à connaître cela" (Pascal). Il en va de la justice comme de la raison; elle ne peut tenir sans être dépassée et la grâce est ce dépassement.
Aubin Hello, le 30/12/2016
D'accord de bout en bout avec toi, Christine , y compris sur le déroulé des évènements...
Francis Sagard, le 30/12/2016
J admire ton analyse et ton ecriture !
Tu devrais publier dans une revue.
Jean-Michel Cadiot, le 30/12/2016
Je suis d'accord avec toi sur la notion de grâce totale, sa légitimité, et aussi sur le fait que prêter des arrières-pensées politiques à Hollande est injuste. La justice peut être dépassée par la grâce. Et nul beosin d'être croyant pour le penser, comme tu le soulignes en citanr Derrida. En revanche, tout le combat, très juste, qui était celui de celles et de ceux qui ont soutenu Jacqueline Sauvage, c'était de faire reculer les violences faites aux femmes. C'est un combat absolument nécessaire et juste.Or, tu dis que la grâce totale n'a pas pour fin de faire reculer cette violence. Je pense que si. C'est en tout cas ce que disent les avocats et les artistes comme Eva Darlan qui ont fait de Mme Sauvage une figure emblémtique. Or, je me méfie des figures emblématiques. Chaque personne doit être jugée, ou grâciée, ou amnistiée en fonction de sa situation précise, particulière. C'est du reste peut-être, paradoxalement, la vision de François Hollande qui dit que la place de Mme Sauvage n'est pas en prison mais dans sa famille. Un autre aspect me dérange dans cette histoire. Le mari ne pouvait se défendre lui-même, et pour cause. Or, il aurait fallu un procès à son encontre. C'est uniquement Mme Sauvage qui a été jugée et condamnée pour son acte. Les témoignages de la famille du mari, ou de ses amis le présentant différemment, ne le qualifiant pas de violent dangereux, sont passés par profits et pertes. Enfin, de fait, malheureuement, les politiques, par exemple Valérie Boyer, se précipitent sur cette grâce pour en obtenir une extension de la légitime défense. Mme Sauvage va devenir le symbole de la légitime défense.
Christine Fontaine
@ Jean-Michel Cadiot, le 30/12/2016
Le problème c'est que dans cette affaire on mélange tout : le bien-fondé de la grâce présidentielle en général, son opportunité dans ce cas particulier, l'extension de la légitime défense, le combat contre les violences conjugales. A tout mêler, on ne comprends plus rien.
J'ai essayé de distinguer les questions. Sur la question de la grâce accordée à Jacqueline Sauvage, je ne vois pas ce qu'on peut reprocher à Hollande (sauf si on est contre tout droit de grâce). L'extension de la légitime défense ou les sanctions pour violences conjugales sont de tout autres questions qui nécessitent de se pencher sur le Code pénal pour l'ajuster ou non. Ce sont des questions qui concernent la justice pénale. Le droit de grâce, non.
A mon avis ce qu'il y a à dénoncer en l'occurrence c'est la confusion des genres.
Je n'ai pas tout suivi de cette affaire mais j'ai entendu une des deux avocates de J. Sauvage juste après la grâce présidentielle. Elle faisait bien la distinction entre cette grâce qui est par-delà la justice, qui dépasse sans pour autant contester les décisions de justice. Il est possible que par ailleurs elle ait d'autres discours par exemple sur l'extension de la légitime défense. Mais c'est par ailleurs. Si elle ne faisait pas la différence il faudrait le lui faire remarquer. Sinon à mon avis, encore une fois, on embrouille tout.
Jean-Michel Cadiot
@ Christine Fontaine, le 30/12/2016
C'est vrai que tout est embrouillé. Et tu as raison de faire la distinction entre tous les problèmes juridiques et moraux que pose cette affaire
Michel Jondot
@ Jean-Michel Cadiot, le 30/12/2016
Par-delà toutes ces motivations - les tiennes et celles des personnes que tu évoques - ce que nous disons, Christine et moi même , c'est qu'il ne peut y avoir de justice sans grâce. La grâce accomplit la loi. Amitiés !
Jean-Louis Schlegel, le 30/12/2016
Je ne sais pas si Hollande irait jusqu'à ces (justes) considérations théologiques. Mais le fait est que, quoi qu'il fasse, il est dans le Hollande bashing. Alors ... Un trouble cependant : selon le récit (sérieux) du procès, J. Sauvage n'était pas seulement "inconsciente" de la gravité de son geste, mais il y avait des doutes sérieux sur sa sincérité, d'où le jugement des cours d'assises...
Michel Jondot
@ Jean-Louis Schlegel, le 30/12/2016
Ces considérations sont-elles seulement théologiques ? Cf Derrida (Le pardon )...
Jean-Louis Schlegel
@ Michel Jondot, le 30/12/2016
Oui, bien sûr, bon rappel. Pour Derrida, voire réponse à Christine.
Christine Fontaine
@ Jean-louis Schlegel, le 30/12//2016
Bonjour Jean-louis! Mes considérations n'ont rien de théologiques à moins de considérer que Derrida par exemple (Nancy aussi ou encore Certeau) soit théologien... Mais il est vrai qu'elles pourraient avoir leur traduction chrétienne.
J'ignore tout des considérations de Hollande et, à vrai dire, je m'en moque. Je constate simplement que ses actes ont inscrit de "l'inconditionnel" ou du "par-delà", ou de l'Autre, au sein de la société française qui en avait grand besoin.
Voici la lecture que je fais :
- La justice condamne Jacqueline Sauvage à 10 ans de prison. Est-ce à cause des doutes sur sa sincérité, peu importe. François Hollande prend acte de la décision de justice, sans la contester.
- Il demande qu'une grâce partielle lui soit accordée. Une grâce partielle est une grâce "SOUS CONDITION": à condition que la justice donne son accord.
- La justice ne donne pas son accord parce que, pour les juges, les CONDITIONS de sa libération ne sont pas remplies : elle n'a pas suffisamment conscience, selon eux, de la gravité de son acte. François Hollande en un premier temps s'incline. Sa position est alors toujours CONDITIONNEE par le fait que le dernier mot (dans le cas d'une demande de grâce partielle) revient à la justice, et par le fait que les conditions d'une libération ne sont pas remplies selon la justice.
- Reste alors une ultime possibilité : passer dans L'INCONDITIONNEL (sans pour autant remettre en cause les décisions de justice). C'est ce que permet la grâce totale. Elle n'est pas sans la justice et les conditions qu'elle prescrit mais elle ouvre sur Autre que la pure et simple raison ou la pure et simple justice. Ce faisant Hollande inscrit une ouverture, une altérité au sein de la société. En ouvrant la prison de Jacqueline Sauvage, il ouvre sur de l'Autre les frontières de la société française où elle court le risque de s'enfermer plus sûrement que dans une prison.
Vous pourrez me dire que François Hollande n'était pas conscient de cela. Et je vous répondrais que je me moque de ce qu'il pense. L'important c'est qu'il l'ait fait. Quoi qu'il arrive, on ne pourra pas faire qu'il n'y ait pas eu cette ouverture. A nous de maintenir au moins le pied dans la porte pour qu'elle ne se referme pas complètement sinon on va mourir asphyxié plus sûrement que par la pollution de l'air!
En toute amitié!
Jean-Louis Schlegel
@ Christine Fontaine, le 30/12/2016
J'étais favorable à la décision de Hollande pour des raisons plus prosaïques... mais je lis avec intérêt ce que vous dites, et cela me donne amicalement à penser. J'ai parlé de "théologie" parce que vous parlez d'"inconditionnel".... C'est quand même un registre particulier, qui rappelle des choses... (il est vrai qu'en philosophie on parle plutôt d' "inconditionné"). Vous mettez aussi l' "Autre" avec une majuscule... Quant à Derrida, est-il si loin de la théologie par moment? Je ne me souviens plus très bien, mais il me semble aussi qu'il s'interrogeait sur la possibilité même du pardon, par des victimes, pour ce qu'elles avaient subi. La "grâce présidentielle" relève-t-elle de ce registre? C'est aussi une question qu'on peut soulever, je crois. Amitiés, donc!
Christine Fontaine
@ Jean-louis Schlegel, le 30/12//2016
Vous avez raison. J'aurais du dire "inconditionné"... en tout cas je ne faisais surtout pas allusion à l'inconditionnel des diktats ecclésiastiques! Pour terminer l'année en beauté, je vous offre ce texte de Derrida que j'avais implicitement en tête à propos de la grâce présidentielle :
"Si l'on ne pardonnait que le pardonnable, il n'y aurait pas de pardon. C'est l'impardonnable qui appelle le pardon. Face au pire crime, à ce que le langage religieux appelle le péché mortel, le pardon n'est possible qu'à faire l'impossible. Il est l'impossible même.
Les crimes monstrueux commis au 20ème siècle sont connus, archivés. Leur démesure est telle qu'ils échappent à la justice humaine. C'est leur excès qui appelle le pardon. Le mal absolu détermine une sorte d'horizon transcendantal au-delà du droit, de la politique, de l'histoire, qui a conduit au concept juridique de l'imprescriptible. Ethique au-delà de l'éthique, au-delà de l'horizon d'une rédemption ou d'une réconciliation, tel est le lieu introuvable du pardon.
Ce lieu inscrit dans le pouvoir monarchique (le droit de grâce) n'est pas conditionné par un échange. Que le criminel ait ou non demandé pardon, qu'il se soit ou non amendé, peu importe puisqu'on s'adresse au coupable même, au coupable en tant que coupable, indépendamment de tout repentir, de toute expiation. Quand la victime et le coupable ne partagent aucun langage, quand ils n'ont rien de commun, alors on a affaire à l'impardonnable absolu qui est l'élément même de tout pardon possible." Jacques Derrida (Foi et savoir)
Jean-Louis Schlegel
@ Christine Fontaine, le 30/12/2016
Merci, vraiment un cadeau excellent... Et en plus il parle de la "grâce royale", donc on est bien dans le bon registre. Bonne année 2017 donc, en persistant dans les pensées qui insufflent de l'air dans nos têtes...
Brigitte L.
@ Jean-louis Schlegel et Christine Fontaine, le 30/12//2016
Bonjour Madame Christine Fontaine et Bonjour Monsieur Schlegel. Merci pour vos échanges... Je ne suis pas théologienne, ni trop "littéraire", je veux juste vous dire que vos propos m'ont beaucoup intéressés et m'ont fait du bien. Mme Fontaine, je partage vos propos. Merci à vous pour la publication du texte de Mr Derrida ! Bonnes fêtes de fin d'année à vous ! Sincèrement.
Charlie, le 30/12/2016
La cour d'assises a été trop sévère, Hollande trop charitable. Ainsi je résume cette affaire ! Si j'avais été juré dans cette affaire, pour le crime de Mme Sauvage, j'aurais demandé une peine de 5 ans de prison dont 3 avec sursis. Car il s'agit d'un crime, pas de légitime défense à retardement ! Une balle dans l'dos, c'est pas de la légitime défense.
Résumé des faits sur lesquels j'aurais demandé sa condamnation à la peine sus visée : Jacqueline Sauvage n’a jamais porté plainte pour violences conjugales et n’avait donc pas tenté de trouver une autre solution que celle de tuer son mari.
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Christine Fontaine
@ Charlie, le 30/12/2016
Oui mais là tu poses une autre question que celle de la grâce présidentielle. Dans le cas de la grâce présidentielle, il ne s'agit pas d'une révision de peine qui dépendrait, elle, d'un tribunal et de juges. Hollande ne s'est pas du tout situé là. S'il l'avait fait on aurait pu à juste titre lui dire qu'il ne respectait pas la séparation des pouvoirs. Il n'a pas contesté la décision des juges mais il a fait usage de son droit de dispenser du reste d'une peine qui, pour être juste, n'en était pas, selon lui, pour autant bonne pour cette personne en ces circonstances.
Sur la question de la légitime défense qui elle dépend uniquement du droit et du code pénal, il faudrait à mon avis creuser la question. Certains sont tout à fait contre au nom du bien des personnes qui subissent des violences conjugales. Je vois que c'est un problème complexe sur lequel il faut à mon avis, prendre le temps de la réflexion. Parfois ce qui semble meilleur conduit au pire... Là je n'ai pas d'avis.
Charlie, le 30/12//2016
Selon la loi, compte tenu de la préventive et de sa détention depuis sa condamnation, elle était libérable en conditionnelle dans douze mois !