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Celui que nul n'a jamais vu !
Nicodème

Dans les lycées ou les facultés, dans les quartiers, différentes cultures et différentes religions se rencontrent. Des jeunes appartenant au christianisme et des jeunes appartenant à l’islam sont amenés à se faire part de leurs façons de croire et de leurs convictions. Comment comprendre ses interlocuteurs et comment se présenter à eux ?

Cet article est le premier d’une série qui permet à des chrétiens de se situer par rapport à l’islam.

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Dieu des chrétiens et Dieu des musulmans

Musulmans et chrétiens sont les uns et les autres des monothéistes. On en conclut parfois que nous avons le même Dieu. Que faut-il en penser ?

Je n’aime pas qu’on associe à Dieu le verbe « avoir ». Dieu échappe à nos prises, on ne peut le posséder. Ce qu’on peut concevoir de Lui ne sera jamais adéquat à la réalité. On ne peut manquer de parler de lui mais ce qu’on dit ne consiste pas d’abord à dire qui Il est mais qui nous sommes les uns par rapport aux autres quand nous parlons de Lui. En ce qui concerne la profession de Foi des chrétiens, nous parlons de « Symbole des Apôtres ». Dans l’antiquité un « symbole » est une marque de reconnaissance entre des initiés. Le mot signifie ici que nous faisons partie de la communion chrétienne. De même, il suffit de prononcer la profession de foi musulmane pour entrer en islam (« J’atteste que Dieu est Dieu et que Mohammed est son Prophète »).

Juifs, chrétiens et musulmans affirment que Dieu est UN. En réalité, la façon de comprendre cette unité a donné lieu à des malentendus. Cette affirmation d’un Dieu unique est née de la rencontre de deux courants culturels différents. Au 5ème siècle avant Jésus, les Hébreux sortaient du polythéisme et prenaient conscience que « le Seigneur est Un ». Ils considéraient que celui-ci était à l’égard de leur peuple comme est un époux à l’égard d’une épouse. A la même époque, les grecs réfléchissant sur la marche du cosmos, en venaient à affirmer l’existence d’une cause première et unique à partir de laquelle tout devait pouvoir s’expliquer.

La pensée chrétienne s’est inspirée à la fois de l’affirmation biblique et de la pensée grecque. Les musulmans, pour leur part, ont surtout retenu l’image d’un Dieu créateur dont la raison peut reconnaître l’existence et comprendre son action ainsi que ses préceptes.

Alors, peut-on dire que le Dieu des chrétiens est aussi celui des musulmans ? A cette question-là j’en préfère une autre : Peut-on confondre la relation à Dieu des chrétiens avec celle des musulmans ? Il me semble qu’il faut répondre « non ».

Musulmans et chrétiens face à Dieu

En quoi cette relation est-elle différente ?

Les musulmans affirment que Dieu a dicté mot-à-mot son message à son prophète Mohammed au début du 7ème siècle ; les hommes n’ont plus alors qu’à s’incliner devant lui. Dieu est tout-à-fait hors de ce monde ; le croyant peut le rejoindre mais à condition de se soumettre à sa volonté, telle qu’il la fait connaître dans le Coran, tout autant qu’un effet est soumis à la cause qui le produit. Ceci conduit les fidèles à adopter deux types de comportements contradictoires. Ou bien on rend hommage à ce qu’on appelle sa Transcendance et on veille à exécuter scrupuleusement les consignes qu’il a révélées. Celles-ci sont plus importantes que les lois venant des hommes. Ou bien on se confond avec Lui au point de disparaître dans la mesure où sa volonté prend la place de la nôtre. Un mystique du 10ème siècle, Halladj, a été jusqu’à affirmer : « Je suis la vérité ! ». Le JE humain disparaissait pour faire place au Je de Dieu.

Le chrétien a sur Dieu un regard tout-à-fait différent. Certes Dieu est transcendant, il nous échappe mais en même temps il est avec nous : « Dieu nul ne l’a jamais vu mais celui qui est dans le sein du Père nous l’a fait connaître. » (Jean 1,18) Jésus n’est pas d’abord Celui qui, tel Mohammed, transmet des consignes venues de Dieu mais Celui dont le comportement et non le discours manifeste la compassion de Dieu. Ses gestes choquent ceux qui prétendent connaître la volonté de Iahvé ; l’Evangile les appelle scribes et Pharisiens. Où est-il Celui dont Jésus se réclame ? Nulle part ailleurs que là où on le voit agir : « Qui me voit, voit le Père » et encore « Croyez à cause de ce que je fais ». C’est un homme qu’on voit à l’œuvre, un homme véritable, limité comme tous les autres, plus que beaucoup d’autres : en pleine jeunesse, il est arraché à la vie et condamné à mort comme un brigand. Ce qu’il fait, ce qu’il vit est manifestation d’un Autre qu’il appelle Père, distinct et pourtant inséparable de Lui. Il appelle Esprit le lien qui le tient au Père et il nous le communique au lieu de nous transmettre des consignes et des connaissances théologiques. Entrer en relation avec Dieu, c’est vivre de cet Esprit qui est l’amour.

Les risques du monothéisme

Que veut-on dire quand nous parlons de religions monothéistes ?

La question est importante.

On comprend parfois le monothéisme d’une façon perverse. Si Dieu est la cause première, on en vient à penser que les croyants sont les seuls à pouvoir connaître ce qui est vrai. Ou encore, si Dieu est UN et si l’humanité est à son image, il faut construire un monde où tous sont soumis à un chef unique, Calife suprême ou Souverain Pontife.

Les catholiques ont voulu convertir le monde en prétendant soumettre tous les hommes à la vérité dont ils s’affirmaient dépositaires ; cela a conduit l’Eglise d’Occident à condamner au bûcher ceux qui prétendaient échapper au dogmatisme romain. L’islam a tendance à considérer qu’elle a pour devoir de contraindre tous les hommes à entrer en islam. Bien des musulmans, en France et en Europe, relativisent cette façon de voir mais DAESH prétend être fidèle au Coran en voulant soumettre ses adversaires à la Charia, c’est-à-dire à la loi qui fait des musulmans.

Nous, chrétiens, que disons-nous quand nous affirmons que Dieu est UN ? Au moment de les quitter Jésus disait devant ses disciples : « Qu’ils soient UN comme nous somme UN. » Père et Fils, à en croire l’Evangile, s’effacent l’un devant l’autre. Au jour du baptême au Jourdain le Père s’écarte ; il ne se fait entendre que pour laisser la parole à Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le. » Au terme de sa mission Jésus s’écarte à son tour devant son Père : « Non pas ma volonté mais la tienne. » En réalité l’unité à promouvoir est celle que produit l’amour (en langage chrétien, l’Esprit). Les amants s’écartent l’un devant l’autre et chacun des deux vit de la liberté que l’autre fait naître en lui.

L’entrée dans le mystère de Dieu

On entend dire que les musulmans nous méprisent parce que nous affirmons que Dieu s’est fait homme et qu’Il est Trinité. Que leur répondre ?

Je ne suis pas sûr qu’il soit possible de leur répondre. Mais à coup sûr il ne faut pas oublier nous-mêmes de quoi nous parlons. Soyons bien conscients qu’on n’a pas compris ce mystère tant qu’on en reste aux affirmations dogmatiques. Il est vrai qu’à travers plusieurs Conciles, aux 4ème et 5ème siècles, des théologiens ont inventé des termes pour mieux saisir ce qu’on appelle la Révélation ; on parle de nature et de personne pour comprendre l’expérience de la foi. Le travail des Conciles est assez génial. Il permet de préciser les liens entre Jésus, son Père et leur Esprit ainsi que les liens de Dieu avec l’humanité. Ces conciles nous permettent de prendre conscience de ce que nous pensons vivre quand nous disons « Au Nom du Père et du Fils et du St Esprit ». De Dieu à nous il y a de la distance, comme il y a de la distance entre nous et comme l’Esprit est la distance entre le Père et le Fils. Le Fils n’est pas le Père, l’homme n’est pas Dieu et nous sommes différents les uns des autres.

Entre le Père et le Fils, la distance n’est pas séparation. En Jésus nous découvrons que nous sommes rejoints par le Père. Entre Dieu et nous, la distance est infinie ; Dieu est hors du monde et loin de nous. En ce sens nous ressemblons aux musulmans. Pourtant, contrairement à eux, nous affirmons que celui qui est hors du monde est avec nous dans le monde. Comment comprendre ? L’Esprit est l’amour qui, par-delà ce qui les distingue, tient unis le Père et le Fils. Nous croyons qu’en Jésus l’Esprit nous est donné et que nous avons à en vivre. Ceci suppose qu’on ne peut rencontrer Dieu qu’en nous tournant les uns vers les autres. « Aimez-vous les uns les autres » : on est trop habitué à cette parole de Jésus. Il est une façon de la comprendre qui devrait nous émerveiller : se tourner vers les autres c’est entrer dans le mouvement, dans l’Esprit, qui tourne l’un vers l’autre le Père et le Fils. Autrement dit la Trinité avant d’être un dogme est une manière de vivre.

Nicodème
Sculptures de Jurga

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