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Paul Cézanne

Pour admirer d’autres œuvres de cet artiste : https://www.eternels-eclairs.fr/tableaux-cezanne.php



Cézanne
La Montagne Sainte-Victoire
1904, huile sur toile, 90 x70 cm, Philadelphia Museum of Art

Paul Cézanne (1839-1906) compte parmi les fondateurs de la peinture moderne ou contemporaine grâce à son son travail de construction par la couleur et de géométrisation des formes qui annonce et prépare le cubisme de 1906-1907.

Cette Montagne Sainte Victoire près de laquelle il est né, à Aix en Provence, le peintre l’a aimée passionnément, et représentée plus de quatre-vingts fois. C’est à la suite de son retour dans sa région natale, en 1881, après son séjour à Paris, à Pontoise puis à l’Estaque, près de Marseille, qu’il commence à travailler ce motif, repris sans cesse dans sa quête infinie d’une forme radicalement nouvelle. Reprendre jour après jour les mêmes chemins dans la campagne et s’installer à des endroits différents face à ce massif qui domine, de ses mille mètres d’altitude, le paysage environnant, tel est son exercice quotidien de la peinture comme une véritable vocation.

Que voit-on, au juste, dans cette composition qui est une de ses dernières toiles, terminée certes mais dans un état de quasi inachèvement, visible dans le fond ? L’ensemble se construit par une succession de plans colorés, les uns de couleurs froides, bleus ou verts, les autres dans des teintes chaudes, ocres et orangées. L’espace se creuse ainsi par cette alternance de couleurs froides qui s’éloignent de notre œil et de couleurs chaudes qui paraissent se rapprocher. En arrière plan se détache le massif de la Sainte Victoire, cette montagne près de laquelle la légende veut qu’ait eu lieu en 102 avant Jésus-Christ la bataille mémorable entre Marius et les Cimbres et Teutons. Mais, pour notre toile, nulle histoire ou anecdote ne compte ! C’est la recherche de la forme qui s’impose, de la justesse de la sensation face aux rochers, aux végétations, aux constructions. Le ciel lointain paraît lui-même plus dense que transparent, et rime par son coloris avec la verdure du premier plan.

Cézanne regarde le réel, peint sur le motif dans la campagne comme ses prédécesseurs les Impressionnistes puis rentre le soir dans son atelier et continue, la nuit ou les volets fermés, à construire avec son pinceau la vérité de sa vision. Il affirme dans cette toile le double impératif, contradictoire apparemment, de son art : être fidèle à sa sensation, à sa vision du monde extérieur avec laquelle il lui faut ne pas tricher, et composer, construire, inventer sur la toile une forme qui transmette la violence de l’émotion première. On connait sa célèbre et énigmatique formule, adressée le 23 octobre 1905 à Émile Bernard : « Je vous dois la vérité en peinture, et je vous la dirai ».

La peinture moderne n’est pas affaire de goût ou de couleur, de mode ou d’amusement, mais de vérité, à la fois reçue dans le regard porté sur le monde et construite dans la patience d’une élaboration sur la toile. La vérité est comprise ici comme une dette, que le peintre doit à son très cher ami peintre comme il se la doit à lui-même aussi bien. Et un trésor, qui se donne en partage. La vérité est toujours de l’ordre du don et de l’invention !

Paul-Louis Rinuy