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Marianne, le 27/10/2014
Je me retrouve beaucoup mieux dans la position que Michel Poirier décrit comme étant plus récente du culte protestant dans l'inter-communion et,
si je conviens avec lui que cela peut poser problème pour certains et notamment pour le pouvoir hiérarchique de l'Église, je ne pense
absolument pas comme il l'écrit qu'il s'agisse d'une démarche "simpliste", qui sème "confusion" et "illusion". J'aimerais beaucoup appartenir
à une communauté oecuménique et je suis opposée à l'égalité de registre entre la communion eucharistique et ecclésiale, si j'ai bien tout compris !
Jean-Pierre J., le 27/10/2014
Bonjour,
J’avoue me poser beaucoup de questions en ce qui concerne les notions de chrétienté et d’églises !
Se dire “chrétien“ signifie pour moi croire au mystère de l’incarnation de Dieu en son fils Jésus pour partager le sort de l’humanité, y compris la mort et vaincre
cette dernière par la résurrection le troisième jour. Prendre ce témoignage comme le témoignage de la volonté de Dieu d’offrir son pardon à tout homme quoi qu’il est
fait afin de lui permettre de participer à la création de son royaume, celui des béatitudes.
Il s’agit pour moi d’une démarche personnelle dans une volonté d’action collective : celle de la reconnaissance en chaque être humain de l'image de Dieu.
Je pense que seul Dieu est “un“. Qu’il n’existe qu’une seule Église universelle, celle des disciples du Christ.
Nous trouvons plus confortable de nous entourer de certitudes telles que des dogmes, une organisation avec des rites et des lois, un droit canon !
Mais en fait, en tant que disciples du Christ, ne devrions nous pas prioritairement chercher en chaque être l’image de Dieu ? Ne devrions nous pas décider de chacun de nos
actes selon son poids d’amour envers l’autre considéré comme notre frère en Dieu ?
Le mystère Eucharistique, quel que soit le nom ou le sens qu’on lui donne ne devrait-il pas être une démarche de rencontre dans l’unicité de Dieu via le mystère de l’incarnation ?
J’admets que nous ne soyons pas tous au même niveau de réflexion et de conclusions vis à vis de ce mystère, mais les “églises“ ne devraient-elles pas inciter à chercher cette
possible rencontre commune autour de ce mystère ?
Comme il est dit par ailleurs, cette participation à l’eucharistie ne devrait pas être considérée comme un droit avec des condition, mais comme
une démarche de volonté d’adhésion à un mystère qui nous dépasse, mais qui est appelé à orienter nos actes.
Une démarche précédée de la reconnaissance de nos faiblesse et de notre gratitude envers un Dieu témoignant d’un tel amour.
Nous avons transformé un grand mystère en un banal rite que nous voulons réglementer. Au nom de quoi ? De quel droit ? Ce mystère ne nous appartient pas, il appelle simplement
une réponse de la part de chacun de nous, et avec l’éclairage voulu par le Christ : “ Si quelques uns se réunissent en mon nom, je serai au milieu d’eux. “
Christine Fontaine, le 28/10/2014
J'ai travaillé en paroisse pendant 12 ans et j'y préchais, en alternance avec Michel Jondot (prêtre) aux messes du dimanche. Très vite, nous y avons rencontré Daisy et Bertrand de Luze.
Bertrand était alors pasteur dans l'Eglise Réformée et directeur du journal protestant "Réforme". Ils étaient nos voisins et venaient un dimanche sur deux à l'église et ils allaient l'autre dimanche au temple.
Nous sommes devenus très vite des amis très proches. Daisy, qui avait fait comme moi mais bien avant moi de la théologie, me soutenait pour trouver ma place de jeune-femme à un poste de responsabilité dans
l'église. Séduits par notre manière d'aborder la parole de Dieu dans les homélies, ils en sont très vite venus à communier au cours des messes dominicales, sans en faire pour autant un geste ostentatoire.
Simplement le partage de la Parole allait pour eux avec le partage du Pain eucharistique.
Cette fraternité, vécue dans la foi au fil des semaines, nous a amenés par la suite à constituer un groupe de réflexion (et de publications) oecuménique avec toi Michel et ton épouse Marie-Thérèse, Michel Jondot
et moi-même pour la partie catholique, Michel Evdokimov pour la partie orthodoxe, enfin pour la partie protestante Florence Taubmann (Pasteure dans l'Eglise Réformée), Daisy et Dertrand de Luze.
Je te rappelle cette histoire commune pour signaler que, si ton article commence par énoncer des "principes théologiques" pour se terminer sur le primat de la fraternité, notre expérience a commencé par la fraternité
(qui s'exprimait en particulier par le partage du pain et de la parole); et c'est cette expérience qui nous a conduit à un partage théologique.
Ne te semble-t-il pas que parfois la pratique permet de faire avancer plus vite le débat théologique ?
Michel Poirier, le 1/11/2014
« Si j’ai bien tout compris », écrit Marianne. Elle a bien compris. Elle a compris que le nœud du problème c’est bien l’articulation entre
communion eucharistique et communion ecclésiale. À partir de là, on peut avoir des réactions diverses. On peut voir dans la communion une affaire
entre le Christ et soi, et alors peu importe de qui on la reçoit. Mais puis-je faire abstraction de la dimension communautaire de la communion,
tellement présente depuis les origines ?
Quand je communie dans une communauté qui est actuellement séparée de la mienne, je suis en même temps dedans et dehors. Dedans parce que j’y
participe à ce qui l’unit, dehors puisque nos communautés ne sont pas en communion. Pour qui accepte d’être lucide, il y a là quelque chose
de paradoxal. Un paradoxe que je puis assumer, et même considérer comme prophétique, quand une circonstance de particulière fraternité rendrait
insupportable de ne pas manifester cette fraternité dans le partage eucharistique, mais aussi un paradoxe qui, s’il venait à devenir une routine,
falsifierait la réalité en occultant le fait que nos deux communautés, si elles sont heureusement en marche vers plus de communion, sont cependant
encore en état de séparation, et qu’il faut donc encore progresser.
J’avoue volontiers que les engagements que j’ai pris depuis pas mal d’années dans une association œuvrant pour l’œcuménisme influencent ma
position. Car l’action et la prière d’une telle association se situent dans l’espérance qu’un jour, quand Dieu voudra et comme il le voudra,
nos institutions ecclésiales se rejoindront pleinement et retrouveront la communion. Rompre, par des transgressions systématiques et habituelles,
la solidarité avec l’Église à laquelle on appartient, c’est alors accroître la division plus que la résorber. Qui est moins engagé est peut-être
plus libre d’agir comme il en a envie.
Michel Poirier, le 5/11/2014
Pour répondre à Christine
Si mon article a commencé par des principes théologiques, c’est parce que tu m’avais demandé d’expliquer où en sont nos Églises actuellement
sur cette question, et que leur attitude se fonde sur une théologie. Mais si on remonte aux origines (et c’est ce que j’ai cherché à faire)
on s’aperçoit que cette théologie n’est pas abstraite, qu’elle n’est pas née du désir d’intellectuels d’aligner des idées sur l’Église et
l’eucharistie. Elle est née de la nécessité pour des communautés et pour leurs pasteurs de prendre des décisions pour organiser la fraternité
d’une part, et faire face d’autre part à des situations conflictuelles qui se sont présentées. L’origine de cette théologie est pastorale,
elle a surgi de la vie même des Églises.