On cache la souffrance
Il va de soi que chacun vise à se maintenir en forme. Ne convient-il pas d’écarter la souffrance !
La publicité s’efforce de rejoindre, par la Télévision et par tous les moyens possibles, les attentes les plus évidentes des spectateurs à l’heure des informations ou d’attirer les regards des passagers lorsque l’on patiente sous un abribus. Pour faire vendre un produit, il faut toucher les consommateurs en les mettant face à des situations où ils se reconnaîtront. Les images qui accompagnent la promotion d’une marque ou d’un produit traduisent les besoins du plus grand nombre à l’intérieur de la société. On étale des corps et des visages rayonnants qui traduisent le but que tous se donnent à atteindre. La marche décontractée de telle silhouette féminine élégante traduit les bienfaits d’un médicament ou d’une margarine faisant diminuer le taux de cholestérol. Que de recettes pour éviter les tracas de la vie ! Que de prétextes pour exhiber des corps en bonne santé, surfant sur la mer ou s’étalant sur le sable chaud. Que de visages épanouis autour de la table à l’heure du repas, lorsqu’on voit parents et enfants consommer tel fromage ou tel gâteau. Et surtout, il convient de prévenir les effets du temps qui conduit à la vieillesse et à la mort. Un homme souriant, aux cheveux blancs mais aux allures sportives, fait oublier les méfaits du grand âge en vantant les mérites d’un engin qui permet de gravir les escaliers sans être essoufflé. Elle est touchante cette femme qui regarde son visage, toute satisfaite de constater qu’elle n’a plus de rides depuis qu’elle a trouvé la crème capable de « réparer du temps l’irréparable outrage ».
Ces images révèlent que notre façon de regarder la vie élimine la souffrance. Lorsque celle-ci surgit et nous atteint, on ne saisit plus. Nous parlons de scandale et d’injustice. On comprend qu’un malfaiteur soit puni mais pourquoi les honnêtes gens sont-ils frappés d’un mal irrémédiable : accident, maladie incurable, deuil cruel ? Il n’est pas rare que le chrétien s’interroge : « Qu’ai-je donc fait au Bon Dieu pour qu’il m’accable à ce point ? »
L'histoire de Job
Il est un livre de la Bible dont la portée est universelle tant on se réfère à lui et au héros dont il décrit le drame. Job était un homme droit, évitant le mal. Job était un homme heureux ; il possédait ânes et ânesses, chameaux et brebis en nombre incalculable. Job était un homme considéré, fier des sept garçons et des trois filles dont il était le père. Job était un homme pieux ; toute faute, il en était convaincu, appelle un châtiment ; aussi offrait-il à Dieu des sacrifices pour expier les fautes que ses enfants pourraient avoir commises.
Voici que le malheur surgit : ses troupeaux, ses biens et tous ses enfants lui sont brutalement enlevés. Dans un premier temps il demeure serein devant l’épreuve. Voici que la souffrance ravage son corps. La peau n’est plus qu’une plaie et, avec un tesson, il se gratte pour tenter en vain d’apaiser une irritation insupportable. Ses amis viennent le voir mais un dialogue s’établit manifestant une distance entre eux, impossible à franchir. Le voilà étranger dans son propre pays. On nous dit qu’il était particulièrement écouté dans sa région. Désormais, malgré la bonne volonté de ceux qui viennent le consoler, aucun discours ne peut le rejoindre. On essaie, en effet, de lui faire entendre raison ; on l’invite à fouiller dans sa conscience. Il semble évident que si Dieu est Dieu, il ne peut laisser souffrir un innocent. Le pauvre Job s’insurge et clame son innocence. Pire ! Il se considère comme victime et veut faire un procès à Dieu. Dans un système où priment la justice et la raison, la souffrance n’a pas de place : « Je veux plaider contre Dieu ! » En réalité tout procès est impossible : « Ce n’est pas un homme ; comment lui répliquer ? Comment le traîner en justice ? » La figure de Job indique une limite impossible à dépasser ; par-delà tout système qui fait des justes et des coupables, des innocents et des bourreaux, la souffrance ouvre sur un horizon qui échappe à toute sagesse humaine.
Derrière le visage de Job s’en profile un autre. Le livre d’Isaïe fait le portrait d’un personnage qu’on appelle le Serviteur souffrant (50,4-11). Lui aussi est accablé, moins par le sort que par la méchanceté : on lui frappe le dos, on lui arrache la barbe, on lui crache au visage. Tant d’outrages sont-ils un châtiment mérité ? Le serviteur n’a pas peur d’un procès : « Qui va plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Qui est mon adversaire ? » Les mots qui suivent sont particulièrement éclairants et rejoignent la problématique dans laquelle Job était pris. « Qu’il s’approche de moi celui qui me condamne ou celui que j’accuse ! »
Celui qui me justifie
L’expérience de Job laissait apercevoir un horizon inaccessible et dont l’épreuve à laquelle il était soumis faisait sentir la proximité. L’expérience du Serviteur souffrant permet de désigner un point signalant cette réalité à la fois proche et lointaine. S’il est vrai que dans son environnement aucun procès n’est possible, reste qu’il peut dire : « Il est proche Celui qui me justifie. » Qui donc est Celui-ci ? Aucun mot ne peut le désigner : même si nous sommes touchés par Lui, il est trop loin pour que nos discours puissent l’atteindre. Le Serviteur souffrant, pour évoquer ce mélange d’absence et de proximité d’un interlocuteur, a recours à quatre lettres imprononçables qui ne désignent rien de concevable (YHVH) : « YHVH va me venir en aide ! » S’il fallait un mot contemporain pour désigner cette instance qui échappe à la raison et au droit, à toute logique et à toute justice, on pourrait dire, à la suite de plusieurs spécialistes des sciences humaines, qu’il s’agit de l’Autre, avec un A. Il s’agit de pointer, avec ces lettres, un Autre de la vie en société sans lequel la société ne serait pas humaine.
Le Serviteur se présente comme un disciple à qui une langue fut donnée : « Le Seigneur m’a donné la langue de ceux qui apprennent. » Le disciple est précisément quelqu’un qui écoute la parole d’un maître : « IHVH éveille chaque matin mon oreille pour que j’écoute comme un disciple. » La fin du texte fait écho à ce travail avec une différence notable : celui qui écoute au départ est, aux derniers mots, celui qu’il faut écouter (« Quiconque craint IHVH écoute la voix de son serviteur »). Dans l’entre-deux le serviteur montre son corps endolori, mais pris dans la parole. Son corps écoute et parle. Pour fragilisé qu’il soit, le corps, pris entre écoute et parole, est solide : « C’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre et je sais que je ne serai pas confondu. » Il indique par là un dépassement de la raison qui ne peut rendre compte de son expérience et un dépassement de tout système judiciaire qui absout ou condamne. Sa souffrance fait entendre le passage de l’Autre; elle est, pour reprendre le mot d’un théologien, « encharnellement » de la parole.
Dieu au-delà de Dieu
L’expérience d’un mystique musulman savamment étudié par Louis Massignon, un grand chrétien, peut nous aider à comprendre. Halladj a eu l’intuition de ce point qui, pour être atteint, doit dépasser la loi et l’islam lui-même. Le prophète, dans son ascension nocturne, s’est arrêté à un seuil. Il n’a pas voulu pénétrer jusqu’à l’intimité divine ; Halladj a l’intuition de ce point inaccessible où il a la prétention de pénétrer : Dieu au-delà de Dieu. Pour rendre compte de ce passage, il tient ce propos étrange : « Entre toi et moi, il traîne un ‘c’est moi’ qui me tourmente. » Que faut-il entendre par ce mystérieux « c’est moi » ?
Chacun se situe dans la société, bien souvent, en s’enfermant dans une image de lui-même. Que survienne la souffrance, elle dépouille : le point d’honneur s’effondre. « Ce n’est plus moi » dit, par exemple le médecin écrasé par la maladie, incapable de soigner qui que ce soit. « Ce n’est plus moi ! ». Le « moi » qui s’effondre est sans doute cette barrière dont parlait Halladj quand il voulait se rapprocher de son Seigneur. Lorsque l’image se casse, on peut entrer dans la parole où le croyant décèle le passage de Dieu. On devient sujet ; on peut dire « Je » en vérité en se tournant vers autrui pour l’appeler à l’aide. On passe la plus grande partie de son temps à se « crever les yeux » ; la souffrance peut rendre la vue.
Le "moi" imaginaire
Ceci suppose, il faut le souligner, que ceux à qui l’appel s’adresse soient eux-mêmes dépouillés de leurs images et abandonnent le « c’est moi » imaginaire qui enferme et met à distance. Les amis de Job, pourtant physiquement à portée de voix d’un homme souffrant, s’avéraient incapables de le rejoindre, enveloppés qu’ils étaient dans leur manteau de personnages connaissant la justice et les secrets de Dieu. Les propos du pauvre accablé sont cinglants : « Vous nous rapiécez des mensonges, tous vous soignez par des sornettes ! Taisez-vous ! » La souffrance fait tomber les images et plonge dans le mystère. Elle suscite l’écoute et le respect et, pour cela, elle invite au silence. Pour qui sait écouter, elle laisse deviner, mieux que les discours des plus grands prédicateurs, le travail de l’Autre.
Le mot « idole », si l’on se fie à son origine grecque, traduit bien la réalité imaginaire de ceux qui s’enferment en eux-mêmes et restent sourds à la voix de l’Autre lorsqu’il se fait entendre dans la souffrance d’autrui ou dans leur propre souffrance. On s’en aperçoit lorsqu’on se souvient de la belle prière de Pascal (Pour le bon usage des maladies) : « O Dieu qui devez détruire toutes ces vilaines idoles et tous ces funestes objets de nos passions…je vous loue et je vous bénirai tous les jours de ma vie de ce qu’il vous a plu me réduire dans l’incapacité de jouir des discours de la santé et des plaisirs du monde et de ce que vous ayez anéanti en quelque sorte, pour mon avantage, les idoles trompeuses… ».
Là où disparaissent les leurres
Dira-t-on que cette approche du mystère de la souffrance a quelque chose de masochiste ? Sous prétexte de voir en elle la chute des illusions, ne risque-t-on pas de condamner la joie et le bonheur de vivre ? Une telle conviction reviendrait à ignorer qu’en réalité la souffrance est le passage obligé pour accéder à la vie. Il n’est de vie vraiment humaine que là où la parole s’incane en vérité et la parole n’est vraie que là où disparaissent les leurres.
L’expérience de Job donne à réfléchir. Au terme de son aventure, Job a changé. Il est intéressant de comparer le début et la fin de cette histoire. Certes, le nombre de ses troupeaux, à la fin, est multiplié par deux mais cette transformation symbolise un autre changement. On voyait en lui un Patriarche qui pouvait se flatter d’avoir une belle descendance : sept fils et trois filles. Il est devenu un père qui a remplacé la fierté par la tendresse ; désormais ses trois filles ont un nom. « L’une, il l’appelle Yemina. La deuxième, Qetsia. La troisième, Kerên Happouk » Ses relations avec Dieu ont changé. Il a cessé de présenter des offrandes pour que son Seigneur ait pitié de ses enfants. Il sait sans doute qu’on ne marchande pas avec Dieu et que « la miséricorde vaut mieux que les sacrifices ». Enfin il n’est plus le personnage officiel « qui compte le plus parmi les Orientaux ». L’image du notable a disparu ; le voici devenu l’ami à qui l’on offre des cadeaux et avec lequel on partage le repas. Désormais il ne règne plus en maître sur de nombreux domestiques: sa relation à autrui n’est plus que fraternelle. Par la souffrance, Job est passé à une nouvelle mani-re d’appréhender la vie.
Sortir de l'imaginaire
En sortant du ventre de sa mère l’enfant crie. Au cœur de la souffrance on crie encore. Il n’est pas interdit d’y voir le présage ou l’espérance d’une vie transfigurée. « Je crie sous la torture » dit Job. Le cri surgit lorsqu’on sort de l’imaginaire et que s’établit la relation à L’Autre d’où peut naître la parole vraie, délestée de tout mensonge et tournée vers l’autre, le prochain qu’elle appelle. « Je crie sous la torture» et Job ajoute : « Ayez pitié, vous mes amis. Pitié pour moi ! » La vie nouvelle qu’appelle la souffrance a un aspect « politique ». Elle concerne les relations qui se nouent entre les sujets humains. On peut miser sur l’épanouissement des individus grâce au jeu des marchés. Mais, plutôt que de craindre ce qui menace l’intégrité de chacun, mieux vaudrait permettre l’écoute de ceux qui sont accablés. La souffrance des uns devrait appeler la compassion de tous. Celle-ci est possible : on en prend conscience lorsqu’un tsunami ravage un peuple et plonge des hommes, des femmes et des enfants dans le malheur. Les moyens de communication faisant connaître ces détresses déclenchent des mouvements de solidarité révélateurs de notre condition, certes, mais, hélas, éphémères ! Au fil des jours on reste sourd aux appels des étrangers qui essayent d’échapper à la famine en franchissant nos frontières. Réussira-t-on un jour à concevoir des villes ou des usines où les handicapés n’auront plus de mal à vivre ? La peur de l’autre pourra-t-elle jamais se muer en haine du mal qui l’accable ? Une société comme la nôtre devrait pouvoir revivre l’expérience du Serviteur souffrant : il accepte que le Seigneur lui ouvre l’oreille. Que serait le monde si, plutôt que par les lois du marché, il se laissait conduire par les cris et les pleurs de tous les malheureux ?
L’espérance juive est tournée vers l’attente du Messie. Le philosophe Emmanuel Lévinas fait remarquer que le nom du Messie (Menahem) signifie « consolateur ». Il en conclut que chaque disciple de la Torah, chaque croyant s’appuyant sur la promesse des prophètes est, en réalité, le Messie de IHVH. A chacun d’être à la « hauteur » de sa condition. Lorsque nos yeux croisent le regard du sans-abri qui nous implore, nous découvrons, en contemplant son visage, l’appel à vivre qui, si l’on en croit Lévinas, est manifestation de l’Autre !
Jésus ouvre le chemin
Nous voici au point où le message chrétien peut prendre sens. On comprend que la pauvreté, dans la mesure où elle indique la relation à l’Autre, est promesse de bonheur et ouvre les portes de cette société que Jésus appelle « le Royaume » : « Heureux les pauvres ! Le Royaume des cieux est à eux ! » Chacune des Béatitudes pourrait être prise pour illustrer ce mouvement qu’indique la souffrance : le passage au réel, la disparition des illusions et la promesse d’une société nouvelle. Il convient de souligner l’une de ces Béatitudes puisqu’elle nous rend proches de Lévinas : « Heureux ceux qui pleurent ! Ils seront consolés. » Les larmes sont un appel. Ceux qui l’entendent et qui répondent sortent de la solitude celui qui n’en peut plus (telle est la signification du mot consoler : cum-solo). Heureux ceux qui pleurent, si leur entourage est pour eux « Messie », c’est-à-dire consolateur.
On dira peut-être que pour le chrétien le Messie est déjà venu. De fait, à lire les Evangiles, Jésus sait entendre les appels de tous ceux qui viennent à lui. Il vit avec la souffrance des autres ; les foules l’entourent et il guérit les malades, il rend la vue aux aveugles, il fait parler et entendre les muets comme les sourds. Il remet le paralytique sur ses jambes ; on le conduit auprès d’une petite fille gisant sur son lit : la prenant par la main, il la relève (« Petite fille, mets-toi debout ! Talitakoum). Il ouvre le chemin : « Celui qui croit en moi, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ! »
Ce mot « croix » permet au chrétien de se situer par rapport à la souffrance. Jésus n’est pas seulement celui qui vient faire connaître Dieu. Il révèle ce qu’est l’homme. Au cœur de sa passion, après avoir comparu pour un procès inique, avant même d’être condamné à mort, roué de coups, le front lacéré par une couronne d’épines, revêtu, par dérision, d’un manteau de pourpre, pour qu’on se moque de lui, on l’exhibe aux regards de la foule : « Ecce homo », voici l’homme ! Non pas cet homme qui a été livré, non pas un homme parmi tant d’autres mais l’homme tel qu’il est dans sa véritable condition. Les rêves de grandeur qui habitent l’humanité apparaissent pour ce qu’ils sont : couronne et manteau royal, comme toutes les marques d’un pouvoir quelconque, ne méritent qu’un éclat de rire.
Souffrance et dignité humaine
Avant le procès, au jardin des oliviers, lorsqu’il rejoint notre condition dans sa fragilité, à l’heure où tout s’écroule, au moment où il va être livré en pâture dans les mains des soldats, il traverse l’angoisse. Le voilà par rapport à Celui qu’il appelle Père (l’Autre dont le désir l’habite), dans la position de Job lui-même à l’heure où son créateur reste sourd et où ses amis sont incapables de le consoler (« Vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi ! »). Le voilà aussi dans la position du Serviteur souffrant : il ne se dérobe pas à ceux qui pourraient lui tirer la barbe et lui frapper le dos. Comme le serviteur, il reste ferme. Certes le calice sera dur à avaler mais sa volonté est solide, dure comme pierre. Sa volonté rejoint le désir de l’Autre dans lequel il est pris (« Non pas ma volonté mais la tienne ! »). « Allons-y : Levez-vous ! Voici que vient celui qui me livre. »
Après le procès, après le rude chemin qu’il faut gravir pour arriver au Calvaire, la souffrance atteint un point difficile à imaginer. Les clous, le corps pendu et les muscles qui se tendent créent une situation intolérable. Là n’est pas le pire. Le silence de l’Autre ne se dissipe pas (« Pourquoi m’as-tu abandonné ? ») et pourtant la confiance demeure (« Entre tes mains je remets mon esprit »). « Poussant un grand cri il expira » Ce cri est encore à entendre. Jésus est nu quand il le pousse, nu comme au jour de Noël, à l’heure de la naissance. Ce cri est comme celui du nouveau-né : un appel et une promesse de vie. Une poignée de femmes, deux jours plus tard, reconnaîtront qu’un rendez-vous leur est donné : « Il vous précède, il vous attend. » Les disciples, bientôt, sauront répondre à l’appel ; ils reconnaîtront le cri de Jésus dans les gémissements de l’homme ou de la femme qui ont faim ou soif, qui ont froid parce qu’ils sont sans toit ; ils le reconnaîtront dans le désespoir du prisonnier qu’on a mis à l’écart, dans les plaintes du malade qui geint. C’est lui, le maître, qu’ils rejoignent en s’approchant de ceux qui souffrent. Lévinas, bien qu’ignorant le mystère de Jésus, a raison. Nous sommes appelés à « consoler », à suivre le chemin du Messie, à devenir Messie nous-mêmes (Menahem).
Nos amis musulmans refusent de croire à la Passion : Dieu ne peut abandonner Jésus, l’innocent et le modèle de la sainteté. L’occasion nous est donnée de faire entendre pourquoi il ne nous est pas possible de les rejoindre. Grâce à la Passion de Jésus nous pouvons reconnaître que la souffrance n’est pas un châtiment mais la condition même de notre dignité. Elle est un appel à reconnaître la volonté de Dieu non dans la lettre d’une loi mais inscrite dans la chair de l’humanité. Nous disons de Jésus qu’il est la Parole du commencement s’incarnant dans l’histoire. Ce mystère n’appartient pas au passé mais s’accomplit dans chaque « aujourd’hui ». Il se manifeste là où l’humanité souffrante voudrait se faire entendre. Elle est une invitation à faire advenir un monde nouveau où la compassion l’emportera sur la volonté de pouvoir ou le désir de richesse.
Michel Jondot,
mis en ligne sur ce site le 14/11/2020
Peintures de Cirilo Martinez Novillo
1-
Article paru dans La Maison Islamo Chrétienne n°21, Printemps 2012 La souffrance / Retour au texte