Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ;
mais les disciples les écartèrent vivement.
Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit :
« Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas,
car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis :
celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant
n’y entrera pas. » (Marc 10,13-15)
J’aime les gosses, dit Dieu, Je veux qu’on leur ressemble.
Je n’aime pas les vieux, dit Dieu, à moins qu’ils soient encore des gosses.
Aussi Je ne veux que des gosses dans mon Royaume, c’est décrété depuis toujours.
Des gosses tordus, des gosses bossus, des gosses ridés, des gosses à barbe blanche, toutes les sortes de gosses que vous voudrez, mais des gosses, que des gosses.
Il n’y a plus à revenir, c’est décidé, il n’y a pas de place pour les autres.
J’aime les petits gosses, dit Dieu, parce que Mon image en eux n’est pas encore ternie.
Ils n’ont pas saboté Ma ressemblance, ils sont neufs, purs, sans rature, sans bavure.
Aussi quand doucement Je Me penche vers eux, Je Me retrouve en eux.
J’aime les gosses parce qu’ils sont encore en train de grandir, parce qu’ils sont encore en train de s’élever.
Ils sont en route, sur la route.
Mais les grandes personnes, dit Dieu, il n’y a plus rien à en tirer.
Elles ne grandiront plus. Elles ne s’élèveront plus.
Elles sont arrêtées.
C’est désastreux, dit Dieu, les grandes personnes, elles se croient arrivées.
J’aime les grands gosses, dit Dieu, parce qu’ils sont encore en train de lutter, parce qu’ils font encore des péchés.
Non pas parce qu’ils les font, dit Dieu, vous Me comprenez, mais parce qu’ils savent qu’ils les font, et qu’ils le disent, et qu’ils tâchent de ne plus les faire.
Mais les grandes personnes, dit Dieu, Je ne les aime pas, elles n’ont jamais fait de mal à personne, elles n’ont rien à se reprocher.
Je ne peux rien leur pardonner, elles n’ont rien à se faire pardonner.
C’est navrant, dit Dieu. C’est navrant parce que ce n’est pas vrai.
Mais surtout, dit Dieu, oh ! surtout ! J’aime les gosses à cause de leur regard. C’est là que je lis leur âge.
Dans mon Ciel il n’y aura que des yeux de cinq ans, car Je ne connais rien de plus beau qu’un pur regard de gosse.
Ce n’est pas étonnant, dit Dieu, J’habite chez eux et c’est moi qui me penche aux fenêtres de leur âme.
Lorsque vous vous trouvez sur le chemin d’un regard pur, c’est Moi qui vous souris à travers la matière.
Mais, par contre, dit Dieu, Je ne connais rien de plus triste que des yeux éteints dans une figure de gosse.
Les fenêtres sont ouvertes, mais la maison est vide.
Il reste deux trous noirs, mais non plus de Lumière, deux yeux, mais non plus de regard.
Et Je suis triste à la porte, et J’ai froid, et J’attends, et Je frappe. J’ai hâte de rentrer.
Et l’autre est seul : le gosse.
Il s’épaissit, il se durcit, il se dessèche, il vieillit. Pauvre vieux, dit Dieu !
***
Alléluia, Alléluia, ouvrez tous petits vieux.
C’est votre Dieu, c’est l’Éternel ressuscité qui vient ressusciter en vous le gosse !
Dépêchez-vous, c’est le moment, Je suis prêt à vous refaire un beau visage de gosse, un beau regard de gosse…
Car J’aime les gosses, dit Dieu, et Je veux qu’on leur ressemble.
Michel Quoist