Qui est notre Dieu ?
Le Dieu de ma grand-mère
Quand j’étais petite fille, j’étais parfois gardée par ma grand-mère. C’était une femme qui cachait sa bonté sous une autorité peu commune. Matrone italienne, elle
ne passait guère les incartades de ses petits enfants. Dans mon souvenir, il fallait bien se cacher pour pouvoir faire des bêtises sans risquer ses foudres.
Je l’aimais bien. C’était ma grand-mère. Puis lorsque j’eus 10 ans, elle mourut. Mes parents, qui n’étaient guère croyants, me dirent quand même pour me consoler
de son départ : « Ta grand-mère est au ciel avec Dieu, toi tu ne la vois plus mais elle, de son côté, te vois. » Elle se prénommait « Santa » et de son nom de
jeune-fille « Casadio » (Maison de Dieu) et par surcroît elle était morte un vendredi saint ! Je n’invente rien… de quoi, pour une petite fille, être complètement
terrorisée pendant plusieurs années ! Ainsi ma grand-mère habitait la maison de Dieu d’où l’on ne pouvait plus lui cacher aucune bêtise ; elle me surveillait non
plus seulement lorsque j’étais sous sa garde mais à chaque instant… Je n’avais plus de secret pour elle… C’était tellement invivable que, lorsque j’eux 12 ans,
je décidais d’être athée. C’était le seul moyen que j’aie trouvé pour me libérer de ma grand-mère et de ce Dieu dont elle habitait la maison.
« Tout homme qui croit en lui (Dieu) ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle », dit Jésus. Cependant, pour moi, mieux valait vivre sans Dieu que de
mourir de peur sous son regard ! Il était bien préférable de ne pas croire à la vie dans l’au-delà plutôt que de vivre sur la terre dans la terreur d’être prise
en faute à longueur de jours. Depuis je suis toujours demeurée vigoureusement athée de ce Dieu-là…
Le Dieu de Jésus-Christ
Le Dieu juge suprême et empêcheur de vivre est l’image que le démon veut nous en donner… C’est l’image de Dieu que le serpent de la genèse cherche à insinuer.
Il rampe dans nos pensées ou dans notre inconscient pour nous distiller son venin. Il veut nous faire croire que Dieu se complaît à agir comme un Maître tout puissant
qui voit tout, sait tout, surveille tout. Un Dieu que le fait de nommer « Père » rend encore plus redoutable puisque ce nom signifie l’autorité qu’il entend exercer
sur nous. De ce Dieu là, notre société ne veut plus entendre parler quand elle se déclare athée. Depuis Freud nous savons qu’il faut tuer le père pour que les
descendants puissent commencer à vivre. Dieu est mort ! Ce Dieu là ne ressuscitera pas, espérons-le.
Mais ce Dieu Maître de l’humanité n’est pas celui de Jésus-Christ : « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui,
le monde soit sauvé. » Il faut parfois passer par l’athéisme pour être délivré des fausses images que nous nous forgeons de Dieu. Le Dieu de Jésus-Christ est celui
qui se manifeste sur la Croix, celui qui se vide de toute puissance autre que celle d’aimer à en mourir chacun d’entre nous. Celui qui en appelle à l’amour du Père
pour nous en implorant la grâce et la vie pour ceux qui ne savent pas toujours ce qu’ils font : « Père pardonne leur, implore Jésus en Croix, car ils ne savent pas
ce qu’ils font ! ». Jésus-Christ vient nous sauver de la peur du Jugement de Dieu. Il sauve les croyants des fausses images qu’ils se font du Seigneur.
Pour les athées comme pour les chrétiens, le Dieu Juge et Maître est définitivement mort. Pour les athées, cette place doit demeurer vide. Pour les chrétiens ce vide
est plein de l’amour immense manifesté au jour de la Croix par Jésus-Christ. Sous le regard de ce Dieu qui renonce à tout sauf à nous aimer sans fin, il fait bon vivre.
Les saints en sont la preuve, eux qui n’ont d’autres désirs que de marcher sous le regard de Dieu.
Le Dieu des chrétiens
Malheureusement, dans l’Eglise, certains –prêtres ou laïcs - prétendent parler au nom du Dieu de Jésus-Christ et ne font que reproduire le langage du Dieu de nos
grands-mères. Ils déclarent savoir ce qui est bon ou mauvais pour chacun et demandent qu’on se soumette à leurs prétentions. Ils jugent du comportement de l’humanité
entière et s’en déclarent « expert » comme si chacun de nous n’était pas un cas particulier avec une histoire singulière. Ils occupent alors la place dont Dieu s’est
lui-même vidé mais il ne la remplisse pas pour autant d’amour. Ceux-là ne poussent-ils pas nos contemporains à faire profession d’athéisme ?
L’Eglise n’a de sens en ce monde que si elle est le signe de la Croix Glorieuse c’est-à-dire de l’amour sans fin qui est porté par Dieu à chacun. Elle ne peut manifester
qu’elle est portée par cet Amour qu’en vivant dans la charité, on dirait aujourd’hui en pratiquant « l’hospitalité ». Accueillir l’autre ne consiste pas à savoir mieux
que lui ce qu’il doit faire mais à se laisser toucher pas ses joies et blesser par ses détresses. Exalter la Croix c’est refuser de vivre en juges les uns des autres
pour devenir le frère de chacun, un frère dont on n’a pas à craindre le regard. Alors dans la maison de Dieu il fera bon vivre pour tous, que l’on soit athée, agnostique
ou croyant. Françoise Dolto à qui on parlait de Freud et du meurtre du Père déclarait : « Mais c’est le mauvais père qu’il faut tuer pour vivre… Surtout pas le Bon ! »
Christine Fontaine