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La révélation selon l'islam
Nicodème

Comme les chrétiens, les musulmans affirment que Dieu a parlé aux hommes. Mais les uns et les autres se réfèrent de manière différente à leurs Écritures.

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Révélation

Lorsqu’un chrétien dit que Dieu a parlé, il affirme que son message nous parvient à travers la culture et la sensibilité de personnages ancrés dans l’histoire de leur temps. L’accent du prophète Jérémie est différent de celui du rédacteur de la Sagesse et, dans le Nouveau Testament, les textes de Paul ne ressemblent pas à ceux de Saint Jean. La parole de Dieu – telle est la foi des chrétiens – a pris chair en la personne de Jésus : les évangélistes ne séparent pas son message de son histoire humaine. A travers les messages que nous recevons de lui, nous décelons la situation de la Palestine au début de l’ère chrétienne. On ne peut pas séparer la Révélation que Dieu fait de lui-même et l’histoire concrète de ceux qui la reçoivent.

Il en va tout autrement de la Révélation du Coran. Dans son principe elle est indépendante des événements et contenue dans un Livre situé dans les cieux. De là elle serait « descendue » sur Mohammed. L’archange Gabriel serait venu dicter à l’oreille du prophète de l’islam, le discours prononcé par Dieu de toute éternité. Celui-ci aurait été communiqué à l’humanité dès les origines mais la perversité humaine l’aurait altéré ; Dieu aurait alors envoyé des prophètes, tout au long des siècles, pour rétablir la situation. Jésus serait le dernier d’entre eux mais sa prédication a été refusée par les Juifs et gravement modifiée par les chrétiens ; c’est pourquoi, pour rétablir la Vérité communiquée dès l’origine, Dieu aurait envoyé le dernier prophète en la personne de Mohammed. Avec lui, la Révélation serait achevée.

La langue arabe et le langage de Dieu

Cette manière de comprendre explique deux sortes de réactions chez beaucoup de musulmans. D’une part un grand respect pour la langue arabe qu’ils considèrent comme la langue de Dieu. S’il voit un texte arabe, fût-il profane, traîner par terre, un vrai fidèle le ramasse avec respect. Un bon musulman se doit d’apprendre cette langue : la parler conduit à rencontrer Dieu. Le premier mot communiqué par l’Archange Gabriel est « iqra » : il signifie « récite » et le mot « Coran » en est le dérivé. L’injonction s’accompagne de précisions sur la façon de placer la langue pour prononcer les mots transmis. Des courants traditionnalistes prétendent qu’il faut aller en Arabie Saoudite pour y apprendre à parler la langue avec les accents du pays où Dieu aurait été entendu, afin de se rapprocher de Lui. Certains mystiques ont appris par cœur le Coran ; ils le récitaient du matin jusqu’au soir pour se laisser pénétrer par le langage de Dieu au point d’en venir à penser qu’ils disparaissaient pour laisser toute la place à leur créateur.

Le Coran

Cette manière de comprendre la Révélation entraîne aussi un intense respect pour le livre. Celui-ci est apparu sous sa forme actuelle plus de vingt ans après la mort du Prophète. Au fur et à mesure que Mohammed prononçait la parole reçue, on écrivait les messages sur des feuilles de palmiers ou sur des omoplates d’animaux ; ils étaient ensuite mémorisés et psalmodiés lors des rassemblements de la communauté. Au fur-et-à mesure que disparaissait la première génération, les textes risquaient de s’évanouir ; c’est pourquoi le Calife Othman les réunit en un volume qui désormais fait autorité. Parce qu’il contient ce que l’on considère comme la parole réelle de Dieu on doit l’aborder avec d’infinies précautions et lorsqu’il est proclamé dans les assemblées rituelles, les croyants affirment qu’ils sont « remués jusqu’aux entrailles ». Par un certain côté, on peut dire que la prononciation des mots est plus importante que leur signification.

La manière dont fut composé le Livre est particulière. Il n’est pas construit en fonction de thèmes précis mais d’après la dimension des ensembles qu’on avait conservés. A l’exception de la prière d’entrée (Fatiha), les chapitres (sourates) sont classés à partir de leurs dimensions en commençant par les plus longs.

La lecture du Coran

Ceci ne facilite pas la lecture. Le texte, en effet, comporte de nombreuses affirmations contradictoires. Par exemple, en se référant à « Jésus, fils de Marie, à qui nous donnâmes l’Evangile », le livre fait dire à Dieu : « Nous inspirâmes douceur et charité à ses disciples » (50,27). Mais, dans un autre endroit, on lit : « Ceux qui disent que Dieu est le Messie, fils de Marie, sont des infidèles » (5,17).

L’exégèse coranique s’est efforcée de résoudre ces contradictions à partir de deux instruments de compréhension : « les circonstances de la révélation » et « l’abrogation ».

La Révélation serait « descendue » sur Mohammed au fur et à mesure des événements qu’il vivait. Une première partie s’est déroulée à La Mecque où il a eu à croiser le fer avec la classe des riches marchands. En ce premier temps de sa vie, sa prédication portait sur la fin des temps et sur les châtiments menaçant ceux qui exploitaient le pauvre. Menacé de mort il se réfugia à l’oasis de Yatrib qui, grâce au prophète, devint « Médine », une véritable nation avec une constitution. Selon les cas, le prophète de l’islam affirmait entendre l’archange Gabriel lui dicter la conduite à tenir. Selon cette manière de lire, il convient de retrouver dans quel cadre s’était produite telle ou telle révélation pour trouver le bon comportement dans les circonstances semblables au cours de notre vie.

Quant à l’abrogation, elle consiste à considérer que c’est la dernière révélation qui est à prendre au sérieux ; elle abroge les précédentes « comme le vent efface les traces sur les sables ». On justifie cette manière de lire par un verset du Livre où l’on entend Dieu dire : « Nous n’abrogeons ni ne faisons oublier un verset sans en procurer un meilleur ou de valeur égale. » (1,106)

Le Coran et la loi

Le Coran est d’abord un livre de spiritualité, mais il contient des prescriptions sur la manière de vivre en société. Il adoucit les mœurs des tribus qui l’avaient précédé ; c’est ainsi qu’il reconnaît des droits aux femmes qui jusqu’à lui n’étaient que des possessions aux mains d’un homme. Il limite le nombre des épouses qui obtiennent des droits, inférieurs à ceux des hommes, c’est vrai, mais qui sont réels ; par exemple elles ont leur part d’héritage et on peut faire appel à leurs témoignages lors d’un jugement. C’est le Coran qui fixe les manières de prier et de vivre en société, entrant souvent dans les détails. Il parle, on le sait, du vêtement. Le problème du voile en France nous le rappelle. En réalité, il s’agit d’une invitation à la pudeur qui s’adresse non seulement aux femmes mais aux hommes. Bien sûr, l’enseignement le plus important concerne la prière dont les rites obligatoires scandent les journées.

A Médine, où Mohammed vécut de 622 à 633, tous les détails de la vie étaient méticuleusement réglés. Lorsqu’un imprévu surgissait une révélation, venue de Dieu par les lèvres du Prophète, indiquait la marche à suivre. Après la mort de ce dernier, l’islam s’est répandu d’une manière fulgurante. Ces hommes et ces femmes du désert se sont trouvés dans des situations inédites. C’est alors que s’est produit un immense travail juridique qui s’est appuyé non seulement sur le Coran mais sur une autre source de la révélation qu’on appelle la sunna. Celle-ci consiste en un ensemble de propos tenus par le Prophète et d’anecdotes le concernant : on les appelle des « hadiths ». En s’appuyant sur eux et sur le Coran, des juristes (qu’on appelle des oulémas) ont constitué cinq écoles où, à partir des situations rencontrées, est défini le comportement des musulmans.

A part ce qu’on appelle les cinq piliers (Profession de foi, Les heures de la prière rituelle, le Pèlerinage à La Mecque, l’impôt pour les pauvres, le jeûne du Ramadan), les prescriptions varient sensiblement d’une école à l’autre. Pour parler schématiquement, les différences tiennent à ce que les Oulémas se sont situés par rapport à la Révélation de deux manières différentes en s’appuyant soit sur la tradition soit sur le raisonnement. S’appuyer sur la tradition consiste à s’efforcer de reproduire dans les détails de la vie la façon de vivre du prophète. S’appuyer sur la raison consiste à réfléchir sur le meilleur comportement à adopter pour vivre avec son temps et avec ses contemporains sans perdre son identité ni la volonté de se soumettre à Dieu.

La sharia aujourd’hui

Ce travail juridique à partir du Coran et de la Sunna s’est arrêté au milieu du Xème siècle. Depuis ce moment les hommes de religion définissent les comportements à adopter pour être conforme aux exigences d’une loi qui est entrée autrefois dans les détails de la vie. Cette loi s’appelle la Sharia et la décision des juristes s’appelle une fatwa. Tout comme aux origines, ces hommes de loi sont portés soit à réfléchir sur la façon de faire face à la modernité soit à reproduire des comportements passés et dépassés. Il se trouve qu’en France bien des fidèles sont entraînés dans le sillage particulièrement conservateur de l’Arabie saoudite.

L’islam en France est à la recherche des moyens de vivre en Occident. Manifestement ce n’est pas facile : les musulmans ont toujours vécu dans des sociétés où les comportements étaient, pensaient-il, expression de la volonté de Dieu. La formule bien connue le manifeste : « Inch’Allah, si Dieu le veut ! » Et voilà qu’ils entrent dans un monde sécularisé reposant sur des lois humaines !

Le Coran et les chrétiens

Les chrétiens se doivent de porter, sur les musulmans et sur leurs difficultés, un regard fraternel. Mais il arrive parfois que des chrétiens en viennent à lire le Coran pour y rencontrer Dieu. Ils vont jusqu’à voir en Mohammed un vrai prophète. Bien sûr, il convient de reconnaître que beaucoup de musulmans ont une vie authentiquement spirituelle. Mais la manière dont Dieu parle en islam est tellement différente de la nôtre qu’il faut respecter les écarts.

Nous ne pouvons, bien sûr, suivre les affirmations selon lesquelles les Évangiles auraient trahi le message de Jésus. Le malentendu sur ce point est total. La Vérité, pour les disciples de Jésus, ne tombe pas du ciel, inaltérable ; elle circule entre nous dans un jeu de recherche où, par-delà les aléas de l’histoire, nous avons à inventer sans cesse la manière d’être fidèle à Celui qui demeure avec nous. Certes les Écritures chrétiennes contiennent parfois des contradictions : l’Évangile de Jean ne se confond pas avec celui de Marc. Mais tous les textes sont des témoignages qui maintiennent aujourd’hui un appel aussi vivant qu’autrefois sur les routes de Palestine.

Nicodème
Reproduction de Corans anciens et peintures de Rembrandt

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