Première étape :
le temps de la mémoire
L'histoire de Jésus au désert est une invitation à s’aventurer jusqu'au pays de sa mémoire, à prendre conscience des blessures de nos histoires. Ce faisant nous prenons le
chemin qui débouche sur la lumière et la tendresse de Dieu.
Evangile selon saint Marc :
Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan.
Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » (Marc 1, 12-15)
L’Evangile nous rappelle que Jésus, avant toute autre chose, était parti au désert pour un temps, pour y être seul, et où il vivait avec les animaux. On nous dit même,
qu’il y fut tenté de se désintéresser des hommes, auxquels il avait été envoyé – puisque celui que la Bible appelle Satan, c’est cette force qui nous
coupe des autres – et nous fait croire qu’on peut vivre isolé – sans se soucier des autres.
Cet épisode de la vie de Jésus nous invite, nous aussi, à prendre du temps pour revisiter tout ce qui nous habite,
et que si souvent nous avons enfoui en nous-mêmes, parce que ce qui s’est passé autrefois dans notre vie ne nous plaît qu’à demi,
parce que nous n’y avons pas été particulièrement brillants,
parce que nous avons laissé de côté un geste, une attention, une décision, qui par un autre côté nous aurait sortis de notre routine.
Il est vrai que de temps en temps il est bon pour chacun de récapituler un peu sa propre histoire. Et ceci quel que soit notre âge.
Tous plus ou moins, nous y avons reçu des blessures : manque de tendresse, échecs de certains rêves, ou de certaines tentations, gestes ou attitudes qui ont
plus ou moins pris la forme d’une culpabilité. Malheureusement la liste peut être longue, et chacun d’entre nous a sa propre mémoire et sa propre liste.
Il ne faut pas que tous ces souvenirs soient enfouis, nous fassent tomber, et nous découragent. L’Evangile nous dit que le jour où Jésus est allé
comme cela au désert il était soutenu par la force de l’Esprit, c’est-à-dire la force de l’amour de Dieu. On peut en effet penser qu’au désert Jésus a
revu en mémoire tous les drames de son peuple – crimes, idolâtries, vols, mensonges, mépris et oubli de Dieu – et qu’il avait bien pu en être
totalement découragé. Il n’en fut rien, et l’Esprit de son baptême demeurait avec Lui.
Nous n’avons heureusement pas tant de choses à nous remémorer. Cependant il faut bien voir l’importance de cet effort de mémoire
qui nous est demandé. Si nous avons été blessés par la vie, que ce soit par d’autres, ou de notre fait – et que nous n’en sommes plus très conscients,
il y a de fortes chances, que nous recommencions auprès des autres à réaliser les blessures que nous avons reçues ou données: la fille refait ce que faisait
sa mère, et le fils ce que faisait son père. L’adulte reprend des gestes d’enfant, et ainsi de suite... Le bénéfice de la mémoire, c’est
de se souvenir de ce qui fut une erreur ou une faute et de ne pas les recommencer. Et de ne pas en être accablé. Nous pouvons toujours
nous souvenir que l’Esprit Saint, l’amour de Dieu ne nous fait pas défaut. Nous pouvons tous d’une façon ou d’une autre, trouver dans
notre vie un ou des temps plus ou moins longs pour faire cet effort de mémoire.
La situation rêvée c’est de prévoir un temps – une heure, une demi-journée – pour beaucoup c’est probablement un rêve,
car nous sommes accablés d’occupations. Mais on peut prendre le temps d’un trajet, ou le temps d’une activité qui occupe simplement
nos mains, ou le temps que nous réservions à la lecture du journal. Alors si nous faisons tranquillement cette tâche, nous verrons
plus clair en nous-mêmes, nous verrons pourquoi nous nous mettons en colère, ou nous refusons une rencontre ou un service. Mais Saint Jean dit :
« Si votre cœur vous condamne, Dieu est plus grand que votre cœur. »
Au terme de son séjour au désert l’Evangile nous dit que Jésus est parti proclamer la bonne nouvelle de Dieu, et annoncer que les temps
sont accomplis. Naturellement il n’annonçait pas la fin du monde. Mais il annonçait que le temps de la miséricorde et de la paix
était arrivé et il nous invitait à les accueillir.
Si nous avons fait cette œuvre de mémoire dont je viens de vous parler, nous serons prêts à accueillir cette parole de miséricorde en vérité
comme parole qui est adressée à nous. Si non, ce sera une parole qui ne nous atteindra pas. Prenons le temps pour aller comme Jésus au désert
et y être réconforté par l’Esprit.
Deuxième étape :
le temps du désir
Il s’agit de découvrir le désir qui nous pousse. N’ayons pas peur de nos désirs ; sans eux nous n’avancerons pas à la suite de Jésus.
Recevons la question qu’il pose au début de son parcours : « Que cherchez-vous ? ».
Evangile selon saint Jean :
Le lendemain, Jean Baptiste se trouvait de nouveau avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait,
il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna,
vit qu'ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi (c'est-à-dire : Maître),
où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » (Jn 1, 35-39)
Un jour que je rencontrais un groupe de jeunes de 16-17 ans, je leur avais posé la question : vous êtes jeunes, avec plein d’années devant vous.
Et alors, que cherchez-vous ?
Je crois que c’est une question très forte qui pose chacun en face de lui-même. Ces jeunes avaient été très surpris que je leur pose
cette question. Peut-être ne s’étaient-ils pas trop formulé cette question à eux-mêmes, ou bien n’avaient-ils pas les mots pour dire
les mouvements intérieurs qui les habitaient. Si bien que les réponses qu’ils m’ont données – réussir en classe ou au sport, m’avaient un peu laissé sur ma faim.
Mais cette question : Que cherchez-vous ? se pose à nous aussi.
L’Evangile nous invite à nous la poser.
Mais c’est au fond tout homme qui devrait se la poser.
Que cherchez-vous ?
Savons-nous reconnaître ce qui nous fait vivre, ce qui suscite ou justifie nos initiatives.
Il ne s’agit pas de porter un jugement mais d’abord d’exercer une lucidité.
Que cherchez-vous ?
Chacun doit bien avoir une réponse, peut être non formulée, mais une réponse !
Supposons que nous n’en ayons pas.
Quel drame !
Vous ne cherchez rien ?
Un être sans désir, sans projet, sans avenir, proche ou lointain, serait une montagne d’ennui. Où et comment la vie peut-elle
avoir du prix, de l’intérêt, si nous ne cherchons rien. Avant toute chose, il faut que chacun sache répondre – un peu au moins – à cette question :
Que cherchez-vous ?
Si nous nous sommes mis un peu au moins dans cette disposition d’être des hommes ou des femmes qui cherchent quelque chose,
alors nous pouvons comprendre ce qui s’est passé sur les bords du Jourdain au temps de Jean-Baptiste. Jean-Baptiste voyait Jésus qui passait et
il avait dit : « Voici l’Agneau de Dieu ». Nous pouvons supposer qu’il conduisait les disciples qui étaient avec lui et
qu’il a vus vers Jésus qui passait celui que les disciples cherchent. L’Agneau de Dieu dont il est question ici – d’après les spécialistes que j’ai consultés -
c’est un jeune bélier, fougueux et plein de vitalité, qui va et vient et qui représente le dynamisme qu’on attribuait au Messie,
c'est-à-dire à celui qui allait ouvrir un avenir à Israël. Ainsi les disciples vont s’attacher à cet homme, plein d’avenir et
de dynamisme. Cet homme va les obliger à répondre à cette question : Que cherchez-vous ? Et ce qu’ils cherchent, c’est à demeurer avec lui
– demeurer avec le Messie – c'est-à-dire avoir avec lui une intimité, adopter son projet de faire un monde nouveau.
Ils ne savent pas encore que ce projet va rencontrer des obstacles très sévères qu’ils auront à affronter. Ils vont s’engager, aller chercher
des amis pour prendre ensemble ce projet en charge.
Tel est le début de l’Evangile – ici de St Jean. Il débute avec des hommes qui ont un désir – qui cherchent quelque chose - qui se mettent avec enthousiasme
dans le sillage de Jésus.
N’ayons pas peur de nos désirs – même les plus intimes – ayons le courage et la lucidité de les formuler et de les mettre
au service de Jésus. Si ces désirs en ont besoin, il nous réorientera. S’ils vont dans le bon sens, il nous fera progresser. Mais ne
soyons pas des êtres sans désir, sans vigueur, qui laissent les jours s’écouler sans qu’il ne s’y passe rien.
Jésus sera toujours pour le croyant le maître du Désir, celui qui nous ouvre des perspectives que nous n’avons pas encore sondées.
Aux disciples, Jésus répond : « Venez et vous verrez ».
Il nous invite sans cesse à recommencer l’aventure,
à nous retrouver au début quand on a de grands enthousiasmes.
Troisième étape :
le temps de la lumière
Soyons-en conscients, nous sommes plus beaux qu'il n'y paraît. En réalité réside en nous une face cachée que révèle le Mystère de
Jésus qui pour tous est une promesse.
Evangile selon saint Luc :
Le premier jour de la semaine, de grand matin, les femmes se rendirent au sépulcre, portant les aromates qu'elles avaient préparés.
Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau.
Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.
Elles ne savaient que penser, lorsque deux hommes se présentèrent à elles, avec un vêtement éblouissant.
Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
Il n'est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu'il vous a dit quand il était encore en Galilée :
'Il faut que le Fils de l'homme soit livré aux mains des pécheurs, qu'il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.' »
Alors elles se rappelèrent ses paroles. (Luc 24,1-8)
Jésus cet homme qui est passé en faisant le bien est mort voilà bientôt trois jours. Il a voulu jusqu’au bout affirmer, témoigner et même crier aux hommes l’amour que Dieu
leur porte. Certains habitants furent déçus d’un tel message. Ils y ont vu sans doute le message d’un rêveur. Ils auraient, et de beaucoup, préféré que cet homme
soit à leur disposition pour rétablir le peuple d’Israël dans sa grandeur passée. Et comme Jésus continuait de refuser de se prêter à ce projet ils ont
vu en lui d’abord un gêneur, puis finalement un obstacle à leur projet. Ils se pensaient, eux, les véritables hommes de Dieu. Et le Dieu qu’ils croyaient
servir était un Dieu de puissance et de gloire. Autant donc supprimer cet homme qui invoquait un Dieu d’amour et qui mettait en question leur projet et leur religion.
Ce raisonnement a conduite Jésus, le témoin de l’amour, à mourir sur une croix, délaissé même par les siens.
Restaient quand même quelques fidèles amis, des femmes qui l’auraient suivi. Dès qu’elles le purent elles partirent au cimetière, honorer leur ami mort.
Or en arrivant devant la tombe, elles découvrirent la face cachée de la personne de Jésus : Il n’est pas demeuré dans la mort. Cette face cachée elles
ne l’avaient pas toujours pressentie avant : ce qui guidait Jésus pendant qu’il était au milieu d’elles, était-ce de belles idées,
ou de bons sentiments, des gestes sympathiques de ceux qui disparaissent ou s’effacent avec la mort de celui qui les pose ? Tout ce qu’il était, tout
ce qu’il avait fait, ce qu’il avait dit, elles s’aperçoivent que tout cela échappait à la mort, et que Jésus réalisait la grande promesse
faite aux hommes de traverser la mort.
Il avait désamorcé la haine, ruiné le prestige de la violence, investi avec chaque homme des relations toutes neuves ; Il avait porté respect et
amour à tout homme et à toute femme. Et ces gestes qu’on avait pu simplement attribuer à un homme exceptionnel, elles découvraient qu’ils manifestaient
une dimension cachée de l’homme – de Jésus et de tout homme – qui faisait de chacun non pas un cher disparu mais l’acteur d’une vie nouvelle,
à laquelle tout homme est destiné.
De ce fait la personne de Jésus, son histoire et son message gardent aujourd’hui si nous voulons bien y prêter attention, une force
de percussion exceptionnelle. Je ne sais pas si notre société actuelle, est plus difficile à vivre qu’une autre. Mais je vois que beaucoup
d’entre vous, risquent de participer à un pessimisme ambiant. Informés de ce qui se trame dans le monde, nous entendons parler de guerres,
et de violences, nous voyons la haine qui sans cesse revient, nous regardons les hommes se blesser ou se tuer, avec tout le cortège de souffrances
que cela comporte pour leurs enfants, leur famille. Plus près de nous, il y a d’autres violences, pas nécessairement physiques, mais bien réelles,
avec la menace souvent réalisée de perdre son travail, de n’être pas reconnu à notre juste valeur.
Nous ressentons durement que ceux sur qui nous pouvions compter, nous ont laissé tomber, ou que notre couple que nous pensions solide
est en train de se fissurer. Tout cela peut nourrir la morosité ambiante. Nous pourrions nous laisser aller à penser que nous
sommes réduits à vivre au jour le jour une vie sans avenir, se dirigeant inexorablement vers une fin. C’est cette attitude négative, que Jésus veut transformer.
Au jour de Pâques, nous apprenons de Jésus que nous valons plus et mieux que cela.
Il y a en nous une dimension, une face cachée
qui s’est révélée en Jésus de Nazareth
qui nous habite nous aussi,
qui est devenue éclatante au jour de Pâques,
plus forte que tous les pessimismes, et plus forte que la mort.
Nous ne sommes pas faits pour la violence et la haine,
mais pour la tendresse et l’amour ;
nous ne sommes pas faits pour le mépris, et le rejet,
mais pour la rencontre, la reconnaissance, et la compréhension de l’autre.
Nous ne sommes pas faits pour la tristesse et le deuil,
même s’ils nous adviennent, car ceux que nous pleurons, ont déjà bondi dans la vie de Dieu.
En Jésus s’est révélée la face cachée de l’homme, qui est pour nous tous une promesse. Et Jésus nous invite à surmonter
tous les pessimismes – car il nous a révélé que nous sommes aimés de Dieu. Et même si la route est devant nous, même si la
promesse demeure pleine d’obscurité, aujourd’hui une lumière s’est levée sur notre chemin. Jésus ressuscité est à jamais et
pour tous, franchissement de ce qui paraît improbable, promesse de surmonter la mort.
Quatrième étape :
le temps de la marche
Sur les chemins de vie, où conduisent nos pas ? Comment ne pas se fourvoyer ? Qui nous le dira et saurons-nous l’écouter ?
Evangile selon saint Marc :
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements
devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils
s'entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes :
une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » (Marc 9, 2-8)
On compare souvent la vie d'un homme ou d'une femme à un chemin, à une marche sur la route pour rejoindre une ville, une maison, un point de
rendez-vous. En effet sur les chemins sur lesquels nous marchons il y a des passages faciles, mais d'autres sont plus difficiles, parce qu'ils
sont montueux ou sinueux. Il y a aussi des moments dangereux, pénibles, des moments où nous nous interrogeons sur la direction à prendre,
sur le but que nous voulons atteindre. Il y a aussi des haltes pour le repos et pour reprendre des forces, et des moments où ce qui nous
pousse à continuer c'est que nous nous représentons l'endroit que nous voulons rejoindre : un endroit de rencontre et de repos, à l'écart
des obstacles de la route, dans la lumière et le calme.
Cette comparaison entre la marche sur le chemin et notre vie est très parlante car dans notre vie nous rencontrons des obstacles, plus ou
moins surmontables ; des passages plus calmes ; le choix entre plusieurs chemins ; la nécessité d'espérer rejoindre sans trop
de difficultés les objectifs que nous nous sommes fixés. C'est parce que nous faisons cette comparaison entre notre vie et
un chemin qui mène quelque part que nous parlons de sens à notre vie. Si nous n'avions pas un peu ce sens, nous serions errants,
sans repère. C'est d'ailleurs ce que nous disons souvent, à tort ou à raison, à propos des jeunes des banlieues. Ils seraient sans repères, privés de sens à la vie.
Jésus et ses amis n'ont pas échappé à cette façon de voir. Jésus suit un chemin, qui s'inscrit d'ailleurs sur le terrain : Il monte vers Jérusalem.
Et cette montée signifie qu'Il veut annoncer et témoigner de l'amour de Dieu jusqu'au cœur de la grande ville, jusqu'au cœur du peuple
hébreu. Mais, lucide, Il voit qu'il va y avoir un grand danger. Peut-être même en voudra-t-on à sa vie. En chemin, Il veut donc
réconforter ses disciples et leur faire entrevoir le sens du voyage qu'Il envisage. C'est pourquoi Il se donne à voir sous un autre aspect :
dans des vêtements blancs et en compagnie de Moïse et Elie. Ces deux personnages sont les deux plus grands de l'histoire d'Israël,
et suivant la tradition, ils ne sont pas morts et ont été emportés près de Dieu.
Ainsi Jésus manifeste à Pierre, Jacques et Jean que tel est le bout du chemin:
rejoindre la proximité de Dieu.
Les trois amis préfèreraient être déjà arrivés.
Mais Jésus, Lui, sait qu'Il doit affronter la mort.
Ce n'était qu'une pause.
Il faut reprendre le sac : l'amour de Dieu n'est pas partout annoncé.
Ainsi en est-il pour nous. Bien sûr nous n'allons pas sur la montagne, mais nous voulons suivre le Christ. Nous savons que c'est le sens
de notre vie : rejoindre Jésus, Moïse et Elie près de Dieu. Alors, il y a la voix qui se fait entendre "Ecoutez-Le !"…
Cinquième étape :
le temps de la réponse
Nous croyons que Dieu nous parle. Comprenons-nous qu’il nous appelle ? Il nous invite à son festin. Savons-nous y répondre ?
Evangile selon saint Matthieu :
Jésus se remit à parler en paraboles :
« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci
ne voulaient pas venir. Il envoya encore d'autres serviteurs dire aux invités : 'Voilà : mon repas est prêt, mes boeufs et mes bêtes grasses sont égorgés ;
tout est prêt : venez au repas de noce.' Mais ils n'en tinrent aucun compte et s'en allèrent, l'un à son champ, l'autre à son commerce ; les autres empoignèrent
les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.
Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : 'Le repas de noce est prêt,
mais les invités n'en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce.'
Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce, et lui dit : 'Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir
le vêtement de noce ?' L'autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : 'Jetez-le, pieds et poings liés, dehors dans les ténèbres ; là
il y aura des pleurs et des grincements de dents.' Certes, la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. »
(Mt 22, 1-13)
La réaction spontanée que nous avons en écoutant cette parabole du roi qui invite à la noce de son fils est de nous dire que si ce roi
représente Dieu, il s’agit d’un Dieu bien étrange, qui se met en colère, brûle la ville et chasse un invité mal habillé. Il nous faut avant
tout lever cette difficulté si nous voulons recevoir le message de cette parabole. Cette parabole raconte en image l’histoire d’Israël, avec
les difficultés qui se sont dressées entre le peuple hébreu et son Dieu. Nous reconnaissons aisément tous les appels que les prophètes ont adressés
à ce peuple de la part de Dieu. Nous reconnaissons les prophètes qui ont été tués à diverses occasions et enfin, la ou les diverses destructions
de la ville de Jérusalem au cours de son histoire, jusqu’en 70 après Jésus-Christ. Les Hébreux pensaient que c’était Dieu qui agissait
directement alors qu’aujourd’hui nous sommes plus attentifs aux choix et aux décisions des hommes, des états - et des pays - et des chemins indirects
par lesquels Dieu se manifeste.
Donc, ce roi, déçu par ceux qui étaient ses amis, les invités - le peuple d’Israël -, appelle toutes les nations. Ce qui est
remarquable c’est qu’on nous dit : les mauvais comme les bons, tous sont donc appelés et le roi, c’est-à-dire Dieu, ne regarde pas aux qualités que nous avons.
Qu’en est-il alors de celui qui se fait jeter parce qu’il n’a pas changé ses vêtements ? Nous changeons de vêtement quand nous allons à une fête,
ou participons à un événement important ou quand nous rentrons du travail pour vivre autrement. Cet homme qui n’a pas changé de vêtement n’a pas vu
ou voulu voir qu’il était dans une situation nouvelle.
Cette situation nouvelle, c’est d’être invité.
Ainsi il ne se considère pas comme un invité.
Peut-être trouve-t-il cela normal d’être invité,
peut-être même considère-t-il que cela lui est dû
ou que cela n’a pas grand intérêt.
De toute façon il n’a rien fait pour se considérer comme un invité
et donc il n’a pas répondu vraiment à l’invitation,
c’est pourquoi il se fait jeter.
Nous voyons mieux quel est le message que Jésus veut nous faire passer à travers cette parabole : ce message est simple – c’est « vous êtes tous des invités
de Dieu » et la question c’est : « comment allez-vous répondre ? ».
Nous avons vu les premiers prendre peur devant cette nouveauté. Ils partent vers leurs tâches habituelles : labourer le champ, vendre les produits
de la terre et même se mettre en colère. Nous condamnons vite ces invités froussards. Mais il est très difficile de passer de la peur à la foi.
Accepter une invitation pour sa vie, c’est un peu risqué – car nous n’avons qu’une seule vie -. Mais c’est de courir ces risques qui
rend la vie intéressante et parfois c’est faute de s’être risqué dans une aventure qu’on trouve la vie ennuyeuse. Ainsi nous le voyons,
l’invitation qui nous est adressée à tous vers la noce du Royaume, c’est de passer de la peur à la foi. D’avoir confiance - que l’appel de Dieu est pour notre bien.
Antoine Delzant
Peintures de Guermaz
« Le plus grand explorateur de cette terre
ne fait pas d’aussi longs voyages que celui qui descend au fond de son cœur
et se penche sur les abîmes
où la face de Dieu se mire parmi les étoiles » (Julien Green)