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Le dynamisme qu'on appelle l'amour
Antoine Delzant

La Pentecôte est l’occasion de se rappeler que l’Esprit est à recevoir. Avec l’Esprit, nous entrons dans le mystère de Dieu où chacun se donne tout entier à l’autre pour qu’il existe. En recevant l’Esprit, en entrant dans le mystère de Dieu, nous sommes pris dans un dynamisme qu’on appelle l’amour et qui transfigure le monde.
A l’aide de quelques textes d’Evangile commentés par Antoine Delzant, laissons-nous transformer par l’Esprit.

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Première étape :
Recevoir l’Esprit

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jn 20,21)

Evangile selon saint Jean

Le soir de Pâques, le premier jour de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors de nouveau : « Paix à vous ». Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus ». (Jn 20, 19-23)

La Pentecôte est une grande fête chrétienne que nous célébrons cinquante jours après Pâques. Même si nous y participons de tout notre cœur, nous ne savons pas très bien de quoi il est vraiment question, ni ce que nous pouvons en attendre. Il s'agit bien sûr du don de l'Esprit de Dieu aux Apôtres, mais comment cela nous concerne-t-il ?

On peut essayer de comprendre un peu mieux en se souvenant qu'il y a d'abord eu la mort de Jésus sur la croix. Tout au long du procès puis du supplice de Jésus, les Apôtres, à part Jean, ont laissé tomber Jésus, ce qui est quand même une des pires choses qu'on peut faire : laisser tomber un ami menacé dans sa vie. Ensuite, ils ont dû perdre leurs illusions à propos de Jésus. Ils espéraient qu'il rétablirait la royauté en Israël (Ac 1, 6). Ils ont dû faire leur deuil de cet espoir. Et, même s'ils ont retrouvé Jésus après Pâques présent au milieu d'eux, il leur faut découvrir qu'Il est là par un acte de Dieu qui les oriente vers tout à fait autre chose qu'une prise de pouvoir. Ils ont donc eu tout un chemin à parcourir.

Les Evangélistes Luc et Jean racontent le terme de ce chemin de façon différente. Jean montre Jésus présent parmi les Apôtres et offrant son pardon à ces hommes qui l'ont laissé tomber : "La paix soit avec vous". Ainsi se manifeste ce que Jean écrira ailleurs : "Si ton cœur te condamne, Dieu est plus grand que ton cœur". Et il ajoute : "Recevez l'Esprit Saint", c'est-à-dire le dynamisme, l'énergie qui vous permettra d'aller au cours de votre vie jusqu'à la réalisation de vous-mêmes. Alors, vous pourrez, vous aussi, remettre debout les hommes qui sont, comme vous l'étiez, accablés par leur propre vie, et leur annoncer l'avenir qui est le leur.

Luc va aussi raconter comment les Apôtres reçoivent le même Esprit Saint. Ce sur quoi il insiste, c'est le fait que Jésus ayant, le premier des hommes, traversé la mort, c'est tout homme qui est convoqué à traverser la mort et à recevoir le dynamisme et l'énergie de Jésus. Les hommes de toute nation et de toute race sont invités à recevoir le même Esprit qui conduit chaque homme vers le sens de sa vie, qui est Celui que nous appelons Notre Père.

La Pentecôte est donc bien le don de l'Esprit fait aux Apôtres, mais aussi à nous tous pour nous sortir de tout remords ou de toute culpabilité, et faire de nous des hommes et des femmes libres, orientés vers Notre Père, en étant frères ou sœurs de tous les humains.

Ce que nous venons chercher aujourd'hui, en ce jour de Pentecôte, c'est le dynamisme qu'on appelle amour et qui nous porte vers les autres, non pour les rendre semblables ou les accaparer, mais pour les accueillir avec toutes leurs particularités, pour éveiller et conforter leur liberté.

La Pentecôte, c'est l'anniversaire de naissance de l'Eglise, ce lieu où nous reconnaissons Jésus comme Seigneur et où nous formons des communautés fraternelles au service de tous les hommes.

Deuxième étape :
Vouloir que l’autre existe

« C’est de mon bien qu’il recevra » (Jn 16,14)

Evangile selon saint Jean

Au moment où il passait de ce monde à son Père, Jésus disait à ses amis : "J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, Il vous introduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de de lui-même mais ce qu’il entendra il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. Lui me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous dévoilera les choses à venir. Lui me glorifiera car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous le dévoilera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous dévoilera. (Jn 16, 12-15)

Dieu est amour. Cette expression qui se trouve dans l'Epître de St Jean est quelque chose d'extraordinaire. Elle entre en résonance avec beaucoup de choses de notre vie. L'amour peut être un sentiment qui nous enveloppe et nous protège, comme l'amour de nos parents. Ce peut être une amitié. Dans ce cas l'amour est réciproque. Ça peut être une certitude, très forte, pas toujours perceptible, mais qui nous assure d'une sorte de solidité du monde et de nous-mêmes. Ainsi, quand nous disons Dieu est amour, cette expression peut signifier diverses choses et demande à être précisée.

D'abord dans le véritable amour, il y a sortie de soi pour aller vers l'autre par des paroles, des pensées, des gestes qui peuvent nous engager complètement. Donc l'amour c'est toujours entretenir une relation avec quelqu'un ! Sinon les sentiments qui sont en nous s'appellent égoïsme. Ce qu'on aime c'est nous-mêmes ; mais alors ce n'est plus de l'amour. Une autre situation que nous appelons amour mais qui ne l'est pas encore vraiment, c'est quand cet amour est à deux personnes. Parce qu'il n'y a pas encore vraiment relation : On croit aimer l'autre, mais ce qu'on aime, c'est soi, en l'autre. L'autre me renvoie, comme un miroir, l'image de moi-même. Retenons que dans l'amour il y a sortie de soi pour rejoindre l'autre là où il est et il y a aussi vouloir que l'autre existe pour lui-même. Ces quelques réflexions sur l'amour, essayons de les appliquer comme nous pourrons à Dieu lui-même.

Pour penser l'amour comme sortie de soi, les Hébreux ont d'abord pensé au souffle (appelé aussi Esprit). L'esprit de Dieu planait sur les eaux (Gen 1, 2). Le souffle en effet, c'est la respiration : L'air entre et sort de nous. Et le souffle est vie. Ils ont aussi pensé à la parole qui sort de celui qui parle pour rejoindre celui qui écoute. Le souffle et la parole ne sont pas indépendants, car il faut pouvoir respirer pour parler. Là encore, la grande sortie de soi de Dieu c'est la création. "Dieu dit, et cela fut". Créer, c'est vouloir que l'autre existe. Ce sont de très belles façons de se représenter Dieu : Quelqu'un qui a du souffle, quelqu'un qui a une parole. Mais la parole demeure encore imprécise. Qu'est-ce que la parole ? Etait-ce la parole des prophètes, des sages, des scribes ?

Vient Jésus. Il est la Parole faite chair (Jn 1) il est la grande sortie de Dieu de lui-même vers nous. Il est l'amour de Dieu vers nous. Et si Dieu donne quelque chose – ici sa parole – Il ne retient rien pour Lui comme nous pourrions le faire quand nous donnons. Il se donne lui-même ! Jésus est donc Dieu lui-même qui se donne, et que Dieu veut vivant. Nous disons aussi cela autrement avec la Bible. Jésus est le Fils de Dieu, égal du donateur que nous appelons Dieu le Père.

Et Jésus, vivant, Fils de Dieu est habité par le souffle de Dieu, l'Esprit de Dieu qui donne la vie de Dieu. C'est la moindre des choses, puisque le souffle, l'Esprit, c'est la vie que Dieu donne. Là encore Dieu ne donne pas une parcelle de vie pour en garder un peu par-devers Lui. Il aime, donc Il se donne lui-même. Ce souffle en Jésus, qui est respiration et vie, ne peut être que Dieu lui-même. Et Jésus avec le Père se donne lui-même, comme souffle, Esprit pour que l'autre existe. Il le fait dans deux directions. Dans la direction du Père. Ce que le Père a donné, c'est-à-dire soi-même, Il le lui rend. Ainsi Père, Fils et Esprit sont UN. Mais Jésus se donne aussi dans la direction des hommes. Ainsi nous vivons de Dieu, de l'esprit de Dieu qui habite en nous.

Toutes ces explications peuvent paraître difficiles. Elles le sont ! Que faut-il alors en retenir : Dieu donne et se donne, sans reste. Après avoir donné Sa Parole, Il donne son Esprit "qui habite en nos cœurs". Ce que nous résumons en disant Dieu est amour.

Troisième étape :
L’énergie qui nous habite

« Vous êtes la lumière du monde » (Mat 5,14)

Evangile selon saint Matthieu

« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s’affadir, avec quoi le salera-ton ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté de hors et foulé aux pieds par les gens.

Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne se peut cacher qui est sise au sommet d’un mont. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Mat 5, 13-16).

En lisant cet Évangile, où Jésus déclare à ses amis réunis autour de Lui sur la montagne : "Vous êtes la lumière du monde", j'ai pensé à un retour en avion de nuit, en direction de Paris. Une demi-heure avant d'arriver, je voyais à l'horizon une grande lumière, qui jaillissait de Paris et de ses alentours. Cette lumière provenait de l'énergie électrique qu'il y a dans cette ville où vivent 12 millions d'habitants. Dans cette ville, qui brille ainsi la nuit, il y a sûrement des gens très divers : des gens merveilleux, et d'autres qui le sont moins. Mais cette lumière qui éclaire la nuit provient d'une énergie qui n'est pas simplement d'électricité, mais aussi de la volonté de vivre, d'exister, qui habite ces 12 millions d'habitants de Paris et de sa banlieue. Ces hommes et ces femmes, par le jeu d'éclairages de toute sorte, illuminent toute une région.

Quand l'Évangile dit aux chrétiens : "Vous êtes la lumière du monde", vous êtes cette lumière qui éclaire autour de vous, et qui fait signe de loin, on peut se demander quelle énergie habite donc les chrétiens et les fait rayonner dans le monde. Ou encore : quelle énergie doivent-ils recevoir pour devenir ainsi lumière pour le monde ?

S'agit-il simplement d'une volonté de vivre, d'un amour de la vie, d'une sorte d'optimiste indéracinable ? Ça ne serait déjà pas si mal ! Et le monde des hommes a grand besoin de tels hommes, qui ne sombrent pas dans le pessimisme. Mais la question ne fait que rebondir. D'où vient cette volonté d'apprécier la vie et de rayonner autour de soi ? Il y a en effet des hommes ou des femmes habités d'une énergie telle qu'il fait bon vivre à côté d'eux. Mais où puisent-ils cette force ?

Comme croyant, je pense au tout début de la Bible, où justement il est question de Lumière. Dieu dit "Que la lumière soit", et la lumière fut. La lumière est la première œuvre de Dieu. Avant toute chose, Dieu dispose une énergie qui va briller dans la totalité du monde : les astres, les animaux, les hommes, sont dès le début habités de cette lumière. L'énergie qui fait briller la vie, les êtres, c'est l'acte créateur de Dieu, dont on dit aussi qu'il est Amour. C'est parce que nous venons de Dieu, que nous pouvons être dits Lumière du Monde.

D'une autre façon, c'est ce qu'avait vu Isaïe quand il dit : "Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri… ne te dérobe pas à ton semblable, alors ta lumière jaillira". Chaque fois que nous nous conduisons en frères, en fils d'un même Père, la lumière qui est en chacun d'entre nous depuis la création du monde se remet à jaillir. Et en voyant ce que nous faisons de bon, les hommes reconnaissent notre Père source de l'énergie qui nous habite tous.

Antoine Delzant
Peintures de Dominique Doulain