Le Greco
Pietà
1580-1590, huile sur toile, 121 x 155,8 cm
Collection Niárchos ©Collection particulière
Sous le sobriquet du Greco, le « grec », le métèque, se cache un des maîtres de la peinture espagnole, né en Crète en 1541 (sous la domination de Venise, à l’époque) et mort à Tolède (Espagne) en 1614.
On sait mal comment vécut cet homme, qui commença comme peintre d’icônes, connut un moment la gloire à la cour du roi Philippe II à Madrid puis mourut ruiné. Sa peinture bizarre qui lui avait valu la célébrité sombra alors dans l’oubli jusqu’à la fin du XIXe siècle puis fut redécouverte, comme un exemple marquant de singularité et de style original, précurseur de notre modernité contemporaine.
Ce tableau s’impose par son format horizontal, correspondant à l’horizontalité même du Christ mort. Joseph d’Arimathie, Marie, Marie-Madeleine, prennent soin de ce cadavre blafard et le portent, le soutiennent. La couleur même du corps mort de Jésus se retrouve sur le visage de sa mère Marie, qui lui fait tragiquement écho. Les visages, les attitudes, les couleurs, tout dans cette composition renvoie à l’expérience pathétique de la finitude humaine. Vrai homme, Jésus est vraiment mort, et son décès crucifie de douleur ceux qui l’aiment.
L’évidence de la chair, de l’homme condamné à une mort certaine mais qui demeure, par delà sa disparition, objet de soins, d’amour, de compassion, donne à cette toile sa puissance et son éclat. La seule ouverture vient de la verticalité de la croix, dans le fond. Sortir de l’horizontalité de l’entre nous pour ouvrir vers un ailleurs, inconnu, invisible, mais qui donne sens à tout ce que nous vivons ici bas.
Paul-Louis Rinuy