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Le Pape François : un homme de pouvoir ?
Nicodème


Nombreux sont les baptisés qui applaudissent les paroles et les gestes du Pape François. D'autres lui adressent des reproches. Que peut-on en penser ?

(0) Commentaires et débats

La succession de Pierre

La Pentecôte juive qui suivit la résurrection marque la naissance de l’Eglise.
La Pentecôte chrétienne est la fête de l’Eglise. Nous célébrons le jour où l’Esprit est descendu permettant que jaillissent, sur les lèvres de Pierre, des paroles enflammées : « Dieu l’a ressuscité, ce Jésus : nous en sommes témoins. Et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit-Saint, objet de la promesse et il l’a répandu. C’est là ce que vous voyez et entendez. »

Nul n’en doute parmi les chrétiens, qu’ils soient catholiques ou non, Pierre a présidé à la naissance et au gouvernement de l’Eglise primitive, à Jérusalem et à Antioche. Mais qui a exercé sa fonction après la mort des premiers témoins de la Résurrection ? Les catholiques affirment que les évêques ont relayé les apôtres et qu’au milieu d’eux celui de Rome succède à Pierre. Ceux-ci ont transmis leur charge dans une longue chaîne ininterrompue, maintenant ainsi sans faille le lien à Jésus ressuscité. Les orthodoxes contestent la place de Pierre dans le collège des évêques tandis que les protestants n’admettent d’autre autorité que celle de l’Ecriture et d’abord celle de l’Evangile.

En réalité, laissons les théologiens des différentes églises étudier le problème et reconnaissons que, par-delà les dogmes, un Pape ne se réduit pas à ce que l’Eglise catholique dit de lui. On ne peut enfermer aucun d’entre eux dans une définition. En se succédant, les Pontificats font apparaître des attitudes et des convictions profondément différentes. Quel contraste entre, par exemple, Jean XXIII et Jean-Paul II ! Le premier se méfiait d’une attitude dogmatique qui s’éloignait de ce que pouvait attendre le monde moderne : il s’était opposé, lors du dernier Concile, à la rédaction de formules faisant loi. Plutôt que de promulguer des vérités, il préférait être à l’écoute d’un monde en pleine transformation. Jean-Paul II, au contraire, a traduit dans un Code de Droit Canon, les textes de Vatican II. Reconnaissons que le Pape François ne ressemble pas à l’intellectuel très sérieux auquel il succède. Comme Benoît XVI, François a-t-il lu le philosophe Habermas ? Son comportement, en réalité, est moins théologique ou philosophique qu’évangélique. Ses gestes parlent mieux qu’un discours et manifestent qu’il sait entendre très fraternellement les souffrances du monde : songeons à son voyage à l’île de Lesbos et aux trois familles syriennes qu’il héberge au Vatican.

Le Pape François contesté

Il se trouve que ce Pape est contesté. Entre autres, une newsletter récente réalisée par un « vaticanologue » patenté sur le site de Chiesa on Line (1) vient de tenir sur lui des propos assassins : « Il centralise dans ses mains la plénitude des pouvoirs beaucoup plus que ne le faisaient ses derniers prédécesseurs. » Cet auteur justifie ses propos à partir de deux phrases prononcées aux deux sessions du dernier synode sur la famille. Le pape avait affirmé, lors de la Première session, que ce serait à lui que reviendraient les derniers mots en tant que Pasteur en possession de « la puissance suprême, pleine, immédiate et universelle ». L’autre, au cours de la deuxième session, lui paraît encore plus révélatrice : « La démarche synodale commence par l’écoute de ce que dit le peuple... Elle se poursuit par l’écoute de ce que disent les pasteurs... Enfin cette démarche atteint son point culminant avec l’écoute de ce que dit l’évêque de Rome qui est appelé à se prononcer en tant que pasteur et docteur de tous les chrétiens. »

L’infaillibilité pontificale

Le contexte de ce procès fait au Pape rend suspecte la démarche de ceux qui, comme Chiesa on line, l’accusent d’autoritarisme. On connaît le combat mené par Hans Kung au sein de l’Eglise. A l’issue du Concile, il a tenté de prolonger les réflexions sur l’Eglise, en particulier il s’est interrogé sur le dogme de l’Infaillibilité Pontificale. Celui-ci avait été promulgué dans un contexte particulier : celui de la guerre de 1870 et de l’affaire des Etats Pontificaux. Les temps ont changé. Ne conviendrait-il pas de reprendre ce texte pour l’ajuster aux temps nouveaux ? Hans Kung ne contestait pas le dogme mais, selon lui, il convenait de reprendre la réflexion. Pareille attitude a conduit Rome, dès l’arrivée de Jean-Paul II, à demander au théologien de cesser tout enseignement. L’interdit n’a pas éteint les convictions du théologien qui, cinquante ans plus tard, n’a pas hésité à écrire au Pape François pour lui demander s’il ne serait pas possible de revoir et de préciser ces questions d’infaillibilité. Le Pontife a répondu positivement et fraternellement, à en croire le théologien. Mais Chiesa on Line prend prétexte du fait qu’on ne connaît pas le texte de la lettre pour affirmer qu’il s’agit d’un piège.

Le Pape François est-il un homme de pouvoir ? Il est difficile de le penser lorsqu’on entend les propos qu’il tient sur la place des laïcs et sur la relation de ceux-ci avec le clergé. L’ancien archevêque de Buenos-Aires parle d’expérience lorsqu’il affirme que le « cléricalisme » est « l’une des déformations les plus grandes que l’Amérique latine ait affronté »
(2) ... « Ce n’est pas le pasteur qui doit dire au laïc ce qu’il doit dire et faire, il le sait bien et mieux que nous. »

Le Pontife tiendrait-il un double langage lorsqu’il affirme, au synode, son pouvoir universel ? En réalité, depuis l’Encyclique Humanae Vitae, en 1968, les questions concernant le couple et la famille n’ont guère été traitées que par les clercs eux-mêmes qui ont imposé leurs décisions sans tenir compte de la réalité vécue par « le Peuple de Dieu ». « La tâche des clercs est de servir les laïcs et non de se servir d’eux. » On peut penser que lors du Synode sur la famille, les Cardinaux et évêques présents avaient tendance à penser qu’ils avaient à légiférer. En affirmant son pouvoir sur les clercs, le pape sauvait la parole du peuple chrétien qui avait été consulté et qui méritait d’être honorée.

A en croire Chiesa on Line, le pape François a l’art de pratiquer des « ouvertures » qui sont accompagnées de retours en arrière « en un stop and go continu ». Peut-on dire que le texte rédigé à l’issue de ces deux sessions synodales vérifie cette affirmation ? Nicodème l’a lu et vous informe de ses conclusions. A chacun d’apprécier la lecture que nous en avons faite.
(3)

Au jour de la Pentecôte les paroles de Pierre étaient tellement joyeuses qu’on disait de lui et de ses compagnons : « Ils sont pleins de vin doux. » Plus de deux millénaires après la joie demeure au rendez-vous de cette fête : Amoris laetitia ! Puisse la joie de la Pentecôte habiter nos cœurs et nos maisons.

Nicodème

1) Article de "Chiesa on Line", mai 2016 "François Pape. Plus infaillible que lui il n'y a personne" : http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1351290?fr=y / Retour au texte

2) Cette citations et les suivantes sont extraites de la "Lettre du Pape François au cardinal Ouellet, président de la commission pontificale pour l’Amérique latine" : Le Pape appelle l’Église à servir les laïcs et non se servir d’eux / Retour au texte

3) Article de Nicodème : Amoris laetitia ou la joie de l'amour / Retour au texte