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Les confessions d'Edith
Edith Kuropatwa

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Je me présente: je m'appelle Edith, je suis née en 1933 à Bruxelles d'un couple juif polonais qui s'aimait beaucoup et m'aimait beaucoup; illuminée par cet amour, j'ai pu traverser de terribles épreuves sans me laisser abattre et en cherchant à temps l'aide amicale et/ou psychologique pour ne pas sombrer complètement dans la dépression. En 1942, mes parents ont été arrêtés à Bruxelles par la Gestapo parce qu'ils travaillaient pour la presse clandestine.

Ils ont été déportés à Auschwitz et je n'ai plus reçu de leurs nouvelles. Cependant, ma mère avait réussi à faire parvenir un message à ses parents qui habitaient aussi à Bruxelles, leur demandant de me mettre à l'abri dans une famille belge à la campagne. Ce qui fut fait. J'ai vécu pendant 2 ans chez ces braves Ardennais qui ne s'embrassaient jamais! J'étais tout à fait ignorante à 9 ans des "choses de la vie" et plus tard, je me suis demandé comment ils avaient pu donner naissance à leurs 3 filles et à un garçon! J'ai eu la chance de pouvoir suivre les cours de l'école (catholique) du village, alors que beaucoup d'autres enfants juifs dans les pays occupés sont restés enfermés pendant ces 2 terribles années dans une cave ou un grenier! Bien sûr, j'ai dû apprendre le catéchisme mais j'ai refusé de le réciter comme un perroquet: j'ai exigé de mon institutrice qu'elle me pose les questions auxquelles je répondais par la phrase idoine!

Comme j'étais en manque de marques de tendresse, j'ai raconté à mon institutrice et aux mamans de mes condisciples qui j'étais réellement ce qui me valut en retour plein de bisous et de câlins, dont j'avais encore plus besoin que de pain! A la libération, ma grand-mère est venue me chercher et m'a ramenée à Bruxelles; malheureusement, elle était restée confinée dans une chambre louée chez de braves gens, n'osant sortir dans le jardin arrière que par les nuits sans lune. Elle avait trouvé moyen de se disputer avec son mari -qui, horloger,- travaillait chez un patron belge, et gagnait leur pain quotidien- lequel l'avait abandonnée. Nous avons récupéré l'appartement de mes parents et nous avons espéré leur retour...en vain! Ma grand'mère est devenue folle, folie de la persécution, a été abandonnée par son mari et sa 2e fille (ma tante): dès mes 14 ans, j'ai fait une révolte adolescente 4 étoiles et j'ai renoué en cachette des relations très fortes avec mon grand'père et ma tante.

J'ai réussi convenablement mes études secondaires, puis 2 années d'école normale secondaire et je suis devenue institutrice. (en fait, j'avais réussi les études de "régente littéraire", ce qui signifie en Belgique, prof. de français et d'histoire pour les classes inférieures du lycée, pour des élèves de 12 à 14 ou 15 ans). Etant prioritaire pour un emploi, j'ai obtenu rapidement un poste d'institutrice en province et j'ai pu, grâce à l'amitié d'une collègue plus âgée et bien introduite au ministère, échanger ce poste contre un autre à Bruxelles. Ma directrice, qui m'aimait bien, m'a proposé un jour de postuler un poste d'institutrice à la 1e école européenne qui s'était ouverte à Luxembourg peu avant. J'y ai travaillé 5 ans avec grande joie et non sans difficultés, car nous étions pionniers de la 1e école européenne.

J'arrête ici mon récit, car cela devient trop long; pour résumer, j'ai demandé le baptême à l'âge adulte, j'ai fait une expérience monastique qui ne m'a pas réussi, j'ai alors recouru à une longue thérapie de type rodgérien et 2 années de psychodrame, au bout desquelles un participant Français m'a dit qu'il m'aimait! Ce fut comme un coup de tonnerre dans ma vie, dans mon coeur, je ne m'y attendais pas...au bout de quelques années, nous nous sommes mariés et avons été très heureux, si ce n'est que je n'avais plus l'âge d'enfanter et que mon coeur en a beaucoup saigné. Mon mari est -hélas!- décédé, il y a 3 ou 4 ans, je ne sais plus bien, car mon chagrin est immense. J'espère ne pas vous avoir ennuyée avec mes "Confessions"!

Edith Kuropatwa, veuve de Louis Fèvre.
Pastel de Pierre Meneval