Jésus dort
Jésus dort.
Il dort au plus profond de la tempête. Rien n’altère son sommeil. Jésus dort d’un sommeil profond. Toute la journée, il avait parlé à la foule en paraboles.
Il avait utilisé des images pour les faire entrer dans le mystère de Dieu. Maintenant, au milieu du lac agité par les flots, alors qu’ils ont quitté les
foules, Jésus demeure au milieu de ses disciples. Il dort au milieu d’eux.
Le sommeil de Jésus au milieu de la tempête exprime mieux qu’une parabole la force qui l’habite. La paix de Dieu, la sérénité de Dieu, s’expriment par ce
sommeil de Jésus. Aucun homme ne pourrait dormir au milieu d’une tempête s’il n’était habité par une force plus puissante que celles des éléments en furie.
Aucun homme, aucune femme – même un enfant qui dort pourtant mieux que les grands – ne peut demeurer dans un profond sommeil lorsqu’un tel péril s’abat
sur son embarcation.
C’était le soir, après une rude journée de travail. C’était l’heure de se reposer ! Jésus se repose des fatigues du jour. Rien ne peut l’empêcher de dormir
du sommeil du juste. Jésus repose en Dieu. Ce ne peut être que de Dieu qu’il reçoit la force de dormir. Le sommeil de Jésus manifeste la présence du Père et de l’Esprit.
Les disciples dorment
Les disciples prennent le sommeil de Jésus pour de l’indifférence ou de la démission. Ils sont trop effrayés par la violence des flots pour discerner la
force qui s’exprime par le sommeil du Maître. Ils ne voient pas qu’en dormant, Jésus non seulement ne les abandonne pas mais les pousse à demeurer dans
la sérénité comme lui. Alors Jésus se réveille pour redonner confiance à ses amis.
Il interpelle le vent avec vivacité et dit à la mer : « Silence, tais-toi. » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : ‘Pourquoi
avoir peur ?
Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ?’ Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : ‘Qui est-il donc, pour que même le vent et
la mer lui obéissent’ ? »
La foi des disciples était endormie. Ils étaient assaillis par les vagues du doute, de l’inquiétude, de la peur. En vérité, ce sont les disciples qui dormaient :
leur confiance en Jésus était non pas éteinte mais assoupie. Jésus leur avait dit : « Passons sur l’autre rive. » Et Jésus les fait passer, de la peur des
éléments en furie à la crainte devant le mystère qui l’habite, de l’effort désespéré pour sortir de la tempête à un grand calme.
« Il se fit un grand calme » : Jésus leur communique sa Paix intérieure. Que Jésus dorme ou qu’il se réveille, il est là au milieu d’eux pour redonner confiance
à ceux que le doute et la peur assaillent.
En vérité, Jésus ne dormait pas. Par son sommeil comme par son réveil il poussait ses compagnons à demeurer sereins au milieu des épreuves de la vie. Jésus,
au milieu de nous, ne dort jamais que pour nous pousser à lui faire confiance envers et contre tout. « Non, il ne dort pas, il ne sommeille pas, le gardien
d’Israël », dit un Psaume.
Jésus nous réveille
« Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule en paraboles. Le soir venu, il dit à ses disciples : ‘Passons sur l’autre rive’. »
Toute la journée, Jésus et ses disciples avaient eu les pieds sur la terre ferme. Le Maître avait raconté des histoires de graines jetées en terre et qui
portent du fruit ou d’un grain de sénevé qui devient un grand arbre. Si la foule ne comprenait pas grand-chose, elle demeurait intriguée et, à l’écart, il
expliquait tout à ses disciples, dit l’Evangile juste avant le passage que nous venons d’entendre. Ceux-ci avaient sûrement l’impression de comprendre ce que
disait Jésus, au moins de pouvoir le suivre dans ses explications.
C’est alors qu’il leur dit : « Passons sur l’autre rive. » Sur l’autre rive, ils reprendront pieds sur la terre ferme, fortifiés par l’épreuve qu’ils auront
traversée. Mais d’une rive à l’autre, survient la tempête qui risque de submerger la barque et où ils voient bien – à vue humaine - qu’ils vont tous périr au
milieu des flots. D’une rive à l’autre, au moment de la tempête Jésus dort et semble bien se désintéresser totalement de leur sort. Ainsi en va-t-il de chacun
d’entre nous. On ne passe pas d’une rive à l’autre, sans faire l’épreuve des tempêtes et de toutes sortes d’épreuves. Arrive toujours le moment où le
disciple de Jésus-Christ se voit sombrer dans la peur de perdre sa vie en même temps que la foi. Arrive l’heure où notre couple qui paraissait le socle
sur lequel bâtir une famille est emporté par les tourbillons de la tempête. Arrive le jour où ceux pour qui nous étions prêts à tout donner nous reprochent
ce que nous avons fait pour eux. Arrive le temps où nos engagements n’ont plus de sens pour nous, où nous ne trouvons plus de raison de vivre. Arrive le moment
où notre enfant nous dit son homosexualité alors que nous n’y étions pas du tout préparés ou bien celui où un jeune se découvre homosexuel tout aussi dépourvu
que ses parents. Nous perdons totalement pied et nous nous sentons abandonnés des hommes et de Dieu. A cette heure, comme les disciples l’ont fait, nous sommes
invités à crier notre peur mais à la crier vers Dieu lors même qu’il nous paraît bien étranger à nos épreuves, bien assoupi.
Passons sur l’autre rive, dit Jésus à ceux que le doute tenaille, que les périls assaillent, que la peur prend aux entrailles. Passer d’une rive à l’autre,
c’est découvrir progressivement que nous n’avons pas à craindre les épreuves ni la nuit la plus sombre puisque Jésus veille même lorsqu’il semble dormir. Mais
passer sur l’autre rive ne va pas sans des moments où nous perdons pied, où s’effondrent nos assurances et nos certitudes. « Je la connais la source, disait
Jean de la Croix, elle coule, elle court mais c’est de nuit. » Et il ajoutait : « nul ne peut la passer à gué… » Alors n’ayons pas peur quand nous reprenons
pieds sur l’autre rive, d’avoir peur de ce que nous aurons à traverser demain. Croyons que lorsque Dieu semblera peut-être dormir ce sera pour réveiller en nous,
avec la foi, la joie de vivre avec Lui chaque jour davantage, pour passer dans sa barque d’une rive à l’autre !
Christine Fontaine