Donnez-leur vous-mêmes à manger !
La détresse
La faim, la misère, la détresse nous assaillent tous les jours. Des hommes et des femmes meurent de faim, d'autres sont victimes de la guerre, d'autres encore sont enfermés dans des camps injustement, chassés loin de leur terre. Autour de nous des hommes et des femmes connaissent le chômage, d'autres sont sans aucun revenu, sans droits, sans logis, d'autres encore sont victimes du racisme.
Mais aussi, certains sont malades dans leur corps, d'autres sont âgés et impotents, d'autres encore sont victimes de la drogue ou de l'alcoolisme.
Et encore des hommes et des femmes souffrent dans leur coeur, certains sont écrasés de solitude, d'autres se déchirent, se détestent ou s'ignorent, d'autres encore sombrent dans le désespoir.
Et toujours la faim, la misère, la détresse aux mille visages !
Ils étaient environ cinq mille, ce jour-là, autour de Jésus sans compter les femmes et les enfants.
Jésus était parti en barque pour un endroit désert à l'écart.
Depuis des jours et des jours, il était assailli par les foules. Depuis des jours il guérissait les malades, les impotents, les lépreux de corps et d'âme, les paralysés de l'existence, les parias, les délinquants. Tous accouraient vers lui dans l'espoir de retrouver la santé. Et, au bout de tant et tant de jours passés au milieu de la détresse humaine, Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l'écart. Lui, le Fils de Dieu, a besoin de prendre du recul. Il n'en peut plus de tant de misères. Il a besoin de se mettre quelque temps à distance. Et, comme Jésus, devant la détresse de nos frères il nous arrive de partir ou de désirer être à l'écart. Nous aimerions ne plus voir la détresse aux mille visages.
La compassion
Jésus partit en barque pour un endroit désert à l'écart. Les foules l'apprirent et ,quittant leurs villes, elles suivirent à pied...
Pauvre cortège d'estropiés... de boiteux... cortège de pauvres qui se mettent en marche vers celui qui peut les guérir, foule en haillons... foule de pauvres !
En débarquant, Jésus vit une grande foule de gens ; il fut saisi de pitié et guérit les infirmes.
A celui qui désire partir pour un endroit désert, à l'écart parce qu'il n'en peut plus d'être assailli par les sollicitations de ses frères, Jésus ne reproche rien. Lui-même l'a fait ou a désiré le faire. A celui-là Jésus dit qu'il est bon d'avoir compassion de soi, qu'il est utile de reprendre souffle, qu'il est nécessaire de compter avec ses propres limites. Mais, dit Jésus, sur ta route tu rencontres des estropiés, des malheureux, des pauvres de toutes sortes et s'ils en appellent à toi alors, que la compassion que tu as pour eux l'emporte sur celle que tu as pour toi ! Laisse-toi saisir de pitié et oublie ta propre fatigue. Considère qu'ils sont plus fatigués que toi, plus pauvres que toi.
Le soir venu, les disciples s'approchèrent de lui et lui dirent: «L'endroit est désert et il se fait tard, renvoie donc la foule : qu'ils aillent dans les villages s'acheter à manger!»
Pauvre cortège d'affamés... d'assoiffés, foule de pauvres autour de Jésus, ils sont venus les mains vides vers celui dont ils attendaient tout. Aucun n'avait emporté de nourriture pour la route. Seuls les disciples avaient quelques réserves : cinq pains et deux poissons !
Alors Jésus leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger!»
Le partage
Les disciples disaient à Jésus: «Nous n'avons là que cinq pains et deux poissons.» Jésus dit: «Apportez-les moi ici...» Il prononça la bénédiction; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent aux foules.
Quand la détresse aux mille visages t'assaille, dit Jésus, comme mes disciples, tu te sens impuissant. Tu penses ne pas avoir les moyens de nourrir une telle foule. Tu prétends que tu n'y peux rien. Souviens-toi que je ne laisse jamais mes disciples complètement démunis. Tu as toujours à ta disposition au moins cinq pains et deux poissons. Tu as toujours de quoi donner à tes frères.
Ce que tu as semble si dérisoire en face d'une telle famine que tu le gardes pour toi, bien souvent, en pensant que ce ne sont pas tes cinq petits pains qui vont changer la face du monde. Tu te trompes. Apporte-moi tes cinq pains et tes deux poissons. Confie-les moi, ne va pas sans passer par moi les donner à tes frères. N'essaie pas d'apaiser la faim des hommes sans moi. Et tu comprendras le miracle de la multiplication des pains.
Quand la détresse aux mille visages t'assaille, dit Jésus, comme mes disciples tu peux tout. Il te suffit de donner ce dont tu disposes : un peu de temps, d'argent, de sympathie... si peu... Mais ce petit peu qui toujours te reste, en passant par moi a une portée immense. Le don que tu fais sera contagieux. D'autres, sous ton impulsion, se mettront à donner à leur tour. De jour en jour, tu ne verras pas la portée de tes actes, mais viendra le jour où tu découvriras que tu as été capable avec tes frères de nourrir la multitude.
Christine Fontaine