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23ème dimanche du temps ordinaire
Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc
Mc 7, 31-37
Jésus quitta la région de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole.
On lui amène un sourd-muet, et on le prie de poser la main sur lui.
Jésus l'emmena à l'écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, prenant de la salive, lui toucha la langue.
Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c'est-à-dire : « Ouvre-toi ! »
Ses oreilles s'ouvrirent ; aussitôt sa langue se délia, et il parlait correctement.
Alors Jésus leur recommanda de n'en rien dire à personne ; mais plus il le leur recommandait, plus ils le proclamaient.
Très vivement frappés, ils disaient : « Tout ce qu'il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets. »
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Faire entendre les muets
Christine Fontaine
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Passages
Michel Jondot
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« Effata ! »
Christine Fontaine
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Faire entendre les muets
Fatima
Elle s’appelle Fatima. Mariée, trois enfants dont le plus jeune a cinq ans, elle vient de décrocher un emploi dans une association de son quartier. C’est la première fois de sa vie qu’elle a un salaire. Une seule condition à l’embauche : suivre des cours d’alphabétisation pour améliorer son français. Fatima manifeste très vite ses capacités au travail et son désir d’apprendre à parler couramment français. Un matin, alors qu’elle doit se rendre à son cours d’alphabétisation, son petit dernier a une forte fièvre. Elle sait qu’il est interdit de venir avec des enfants. Mais que faire ? Elle ne peut ni emmener son fils à l’école ni le laisser seul à la maison. Elle décide de l’emmitoufler et de se rendre exceptionnellement à son cours avec lui. Elle expliquera, se dit-elle, la situation à l’animatrice. Mais à peine est-elle entrée dans la salle que la professeure lui intime l’ordre de sortir en pointant le doigt vers la porte. « Tu sais qu’il est interdit de venir avec des enfants », fulmine-t-elle. Fatima demeure muette. Elle sort avec son enfant sans avoir même essayé de s’expliquer.
De cette scène Fatima ne parlera pas d’elle-même. Ce sont les autres élèves, profondément choquées par l’attitude de l’animatrice, qui la rapporteront aux dirigeants de l’association. Ceux-ci lui demanderont alors : « Pourquoi t’es-tu laissé traiter ainsi ? Ton enseignante avait peut-être de bonnes raisons de te rappeler le règlement. Mais si à ta place, une femme de Neuilly était entrée avec son fils, elle ne l’aurait pas mise à la porte de cette façon. Pourquoi n’as-tu pas tenté de t’expliquer ? » Alors Fatima fit cette réponse : « Mais moi je ne suis pas française. Je n’ai rien à dire si on me met dehors. » Pourtant Fatima, d’origine marocaine, avait obtenu la nationalité française. Elle aurait eu le droit de s’expliquer autant qu’une dame de Neuilly. Mais la manière dont sa professeure la pointait du doigt manifestait qu’elle serait sourde à toute tentative d’explication. La surdité de l’une a entraîné le mutisme de l’autre.
Jésus
Dans cette scène d’évangile, « on emmène à Jésus un sourd muet, et on le prie de poser sa main sur lui ». Cet homme, à lui tout seul, ne peut-il représenter l’humanité entière dans laquelle la surdité des uns entraîne le mutisme des autres ? On s’écoute entre gens du même monde mais au prix du silence des autres, des pauvres qui auraient le droit à la parole mais qui ne l’exercent même plus tant il leur semble vain d’essayer de parler à des sourds. A moins qu’ils ne se mettent à crier, tellement l’injustice de n’être jamais entendus les écrase… Mais c’est une raison supplémentaire pour les autres de les faire taire en proclamant haut et fort : « On vous l’avait bien dit ! Ces personnes sont violentes et dangereuses. Leurs cris est bien le signe qu’il faut les réprimer ! » C’est ainsi que l’on justifie de faire taire le cri, par exemple, des Palestiniens lorsqu’ils lancent quelques pierres à la face du monde pour manifester qu’ils existent.
Sous la figure de cet homme, dans cette humanité de sourds et de muets, Jésus « emmène hors de la foule » ceux qui veulent bien le suivre. Il parle pour eux le langage des signes, comme il l’a fait pour le sourd muet. Il ne fait pas de discours : ils ne pourraient pas les entendre. Il prend de sa salive et la met dans notre bouche pour nous donner le goût de Dieu. Il met ses doigts dans nos oreilles pour nous empêcher d’écouter le bruit du monde. Et, « les yeux au ciel, il soupire et nous dit 'Effata !' c’est-à-dire 'Ouvre-toi.' » Ouvre-toi à l’appel de tes frères en humanité. Donne leur ta propre voix lorsqu’eux-mêmes sont devenus muets à force de n’être jamais écoutés.
Ephata !
« Ephata », dit Jésus aux sourds muets que nous sommes trop souvent. Ouvre-toi. Écoute la voix de ceux qui, à force d’être méprisés, se sont enfermés dans le mutisme. Donne-leur ta propre voix. C’est à l’écoute de ceux qui ne peuvent plus s’exprimer qu’on reconnaîtra les disciples de Jésus-Christ. C’est au cri que nous porterons en leur nom qu’on reconnaîtra que Dieu a touché nos oreilles et qu’il a mis dans nos paroles le goût de Dieu.
Notre fidélité au Dieu de Jésus-Christ se révèle dans le désir d'écouter la plainte - qui ne s’exprime même plus - de ceux qui meurent de n’être pas écoutés, de ceux qui ne parleront jamais tant la surdité du monde les a enfermés dans un mutisme dont ils n’envisagent même plus de pouvoir sortir un jour. Nous avons tous des Fatima à notre porte. À la suite de Jésus, nous avons à opérer le miracle de faire entendre les muets !
Christine Fontaine
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Passages
Un terme ambigu
« Le courant passe entre mes élèves et moi », disait un enseignant au terme d’une année scolaire. « Entre nous le courant ne passe plus » : on entend souvent des époux faire ce constat lorsque leur couple traverse des difficultés ou des incompréhensions. « Passer » : le mot indique la communication entre personnes humaines.
« Passer » : le mot indique aussi le déplacement d’un lieu à un autre, le franchissement d’un seuil.
« Passer » : l’ambigüité du mot se retrouve d’un bout à l’autre de cette page d’Evangile.
Jésus passe de pays en pays. Il est remarquable que le franchissement des frontières le mette aux prises avec des foules dont le langage lui est étranger. Il sort du territoire de Tyr. « Passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée. » L’enfant de Nazareth, Jésus, sort d’un pays où les habitants parlent un langage qu’un Juif de Galilée ne parle pas ou parle mal. Ensuite « il s’en va en territoire de la Décapole ». Il s’agit d’une ligue de dix villes où le grec est la langue de communication. Jésus parlait-il grec ? Toujours est-il que le courant « passe » entre lui et ceux qu’il rencontre. On le sait ; il peut faire des miracles.
Un geste étrange
Dans ce contexte, on attend de lui qu’il résolve, là encore, un problème de passage. Aucun dialogue n’est possible avec cet homme qu’on lui amène : rien ne passe entre lui et son entourage : « Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler. » Au décalage linguistique qu’impose le déplacement de Jésus, s’ajoute la difficulté physique : l’impossibilité de recevoir les discours de ceux qui l’entourent et la difficulté d’articuler des mots.
Jésus prend ses distances pour permettre à cet homme de « passer » dans le monde où l’on s’appelle et se répond. Il l’emmène « à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles et, avec sa salive, lui toucha la langue. » Ce geste étrange désigne la bouche de l’un et celle de l’autre ; la bouche : le lieu du corps qui permet « le passage » des mots.
« Effata ! »
En réalité, le geste de Jésus ne suffisait pas. Il fallait encore que le muet réponde à l’ordre de Jésus. « Ouvre-toi ! ». Ce qui bloque la parole n’est pas seulement un handicap physique, mais un repli sur soi qui met à l’écart. « Passer », pour vivre humainement, suppose qu’on sorte de soi. Entre les sujets qui se côtoient, une frontière en chacun est à franchir qui nous ouvre sur autrui.
Au cœur de ces différents passages, un détail est à souligner. Marc nous rapporte le mot des Jésus dans sa matérialité. Jésus parle araméen : « Effata ! » Son texte s’adresse sans doute à des Romains ou, en tout cas, un public étranger à la judaïté. Il traduit la parole de Jésus : « Effata ; c’est-à-dire Ouvre-toi ! » Il fait en sorte qu’elle vienne jusqu’à nous.
« Ouvre-toi ! »
Tel est sans doute l’intérêt de cette page d’Evangile ; entre Jésus et nous, à travers l’épaisseur des frontières, une traduction a opéré un passage. « Jésus, ce passant extraordinaire » - pour parler comme Michel de Certeau – franchit la distance des siècles pour nous rejoindre là où nous sommes.
« Ouvre-toi ! » A nous d’ouvrir nos yeux, nos oreilles et notre cœur pour que le message de Jésus vienne jusqu’à nous.
« Ouvre-toi ! ». Sortons chacun de soi pour écouter les attentes de ceux qui nous entourent. Les attentes de ceux qui nous aiment et que nous aimons mais aussi les attentes de nos adversaires, de ceux qui nous ont offensés ou que nous avons offensés. Entre eux et nous une barrière est dressée. Est-il impossible de la franchir ? Pour donner la parole au sourd-muet, Jésus prend ses distances, « il l’emmène à l’écart ». N’y a-t-il pas un déplacement à opérer pour franchir la frontière qui parfois nous sépare les uns des autres ? Sortons de nos préjugés ; cherchons le passage qui permettra peut-être de nous rejoindre.
« Ouvre-toi ! » Comment prendre connaissance des déplacements de Jésus depuis le territoire de Tyr et de Sidon et de Sidon à la Décapole en refusant l’entrée des passants venus du Proche-Orient ou d’Afrique ? Comment se résigner à la présence d’étrangers sur notre sol que l’on refoule dans les cités sans qu’ils sachent parler notre langue ?
« Au commencement était le Verbe. Le Verbe a pris chair. Il est venu jusqu’à nous. » Ouvrons nos cœurs à son passage, aujourd’hui encore il peut faire des miracles.
Michel Jondot
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« Effata ! »
Un bruit assourdissant, un grand vacarme…
nous n’entendons plus rien, nous devenons sourds !
Un bruit assourdissant nous entoure… des cris, des mots répétés,
de la musique à tue-tête, les moteurs, les usines, les cris des marchands,
des hurlements de peur…
Un bruit assourdissant fait de tant de paroles
qui ne rejoignent plus personne.
On parle pour faire du bruit, pour ne rien dire.
On ne se parle plus : on prononce des mots creux, vides…vidés…
La foule des hommes, le bruit…
La foule des hommes assourdie par ce bruit…
La foule des hommes qui ne peut plus se passer du bruit
et qui crie de plus en plus fort…
Le bruit que nous n’entendons plus tant il nous a rendus sourds !
Alors, Jésus emmena le sourd-muet à l’écart loin de la foule !
Un silence…un vrai silence plein de la compassion de Jésus…
Un vrai silence enfin comme un peu de répit.
Jésus ne parle pas…
il emmène l’homme à l’écart loin de tout,
loin du bruit que le sourd n’entend pas,
loin du bruit qui l’a rendu sourd depuis sa naissance.
Jésus ne parle pas…
Nous sommes sourds de naissance !
Le Verbe se fait silence mais le Verbe est présent !
Et, dans le silence, il agit.
Le Silence seul, le Silence de Dieu, agit.
Le Silence de Dieu guérit l’homme de sa surdité et de son mutisme.
Jésus met les doigts dans les oreilles du sourd.
Il lui bouche les oreilles. Il le sépare du bruit.
Et, prenant de la salive il lui touche la langue.
Il met en sa bouche le goût du silence, le goût de Dieu.
Puis Jésus soupire les yeux levés vers le ciel.
Il expulse le bruit qui enfermait cet homme…
le bruit intérieur…
Jésus lui dit : « Effata ! »,
il le dit dans un souffle, dans un soupir.
C’est la première Parole que le sourd entendra !
« Effata ! » c’est-à-dire «Ouvre-toi »,
Ouvre-toi à cette parole qui chasse le bruit…
Ouvre-toi à cette Parole dont tu as soif depuis toujours !
Une Parole venue du Silence…une voix de fin silence guérit le sourd-muet !
Ses oreilles s’ouvrirent ; aussitôt sa langue se délia et il parlait correctement.
Celui qui accueille le silence de Dieu peut correctement parler.
Sa parole est dégagée, déliée du bruit et du verbiage, des slogans et de cris.
L’humanité entière a soif de ce Silence et de cette Parole.
L’humanité désire sortir de sa surdité et de son mutisme.
Alors Jésus emmène à l’écart, loin de la foule ceux qu’il veut guérir.
« Effata ! » soupire-t-il.
Ouvre-toi !
Christine Fontaine
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