Page d'accueil Nouveautés Sommaire Auteurs
Retour "Temps ordinaire" Retour "Année B" Contact - Inscription à la newsletter - Rechercher dans le site

31ème dimanche du temps ordinaire

Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc
Mc 12, 28-34

Un scribe s'avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l'Unique et qu'il n'y en a pas d'autre que lui. L'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices. » Jésus, voyant qu'il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n'es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n'osait plus l'interroger.

Quand l'amour devient facile
Christine Fontaine

Quelle morale ?
Michel Jondot

Quand l'amour devient facile

L'effort

Les chrétiens doivent aimer et comme l’amour ne va pas de soi, il est bien difficile d’être de bons chrétiens ! L’amour demande des efforts et des sacrifices. Il faut même accepter les sacrifices à longueur de journées car, en amour, on n’en a jamais fait assez. Il y aura toujours Dieu, un prochain qui demandera à qui il faut donner son temps, sa vie, à n’en plus finir. Il est bien pénible d’être chrétien s’il s’agit d’aimer sans limite Dieu, soi-même et son prochain !

« Aimer sans faire d’offrande ni de sacrifice, aimer sans effort ni fatigue, voilà qui est vraiment judicieux » dit Jésus en écoutant les paroles du scribe. Jésus voit que le scribe a fait une remarque judicieuse. Mais qu’y a-t-il, en vérité, de judicieux chez cet homme ? Quelle est cette remarque qui le met si près du Royaume de Dieu ? Le scribe est-il judicieux parce qu’il répète les paroles que Jésus a lui-même puisées dans la Bible ? En quoi est-il judicieux de répéter ce que, par ailleurs, tout le monde connaît déjà ? En vérité, le scribe ne se contente pas tout à fait de répéter ; il ajoute une remarque personnelle : aimer Dieu et le prochain, reprend-il à la suite de Jésus, mais il ajoute : cela vaut mieux que toutes les offrandes et les sacrifices.

Aimer, dit le scribe, n’a rien à voir avec le fait d’offrir ou de sacrifier quoi que ce soit. Aimer vaut beaucoup mieux que ces pratiques. C’est cette remarque qui éblouit et séduit Jésus. Vraiment ce scribe n’est pas loin du Royaume de Dieu.

La difficulté

Lorsque nous aimons vraiment, lorsque deux jeunes gens découvrent qu’ils s’aiment ou lorsqu’on retrouve un ami perdu depuis longtemps, avons-nous l’impression de nous sacrifier pour lui ? A celui qu’on aime, on veut tout donner, on peut tout donner sans effort ni sacrifice. C’est lorsque l’amour marche mal, lorsqu’il bute, que l’on prend conscience de ce qu’il coûte. C’est lorsqu’on n’est déjà plus tout à fait dans l’amour que l’on parle de sacrifice, de peine ou de fatigue. Oui, le scribe de l’Evangile a raison l’amour vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices.

Mais tout cela…est bien idyllique ! Au jour le jour, tant que nous cheminons sur cette terre, personne n’est à longueur de vie emporté dans un amour qui se dépense sans compter, qui donne sans y penser. L’amour vieillit comme le reste, et avec le temps, il peut devenir pesant ou même échouer totalement. Lorsque l’amour bute, que pouvons-nous faire ? Ne faut-il pas se sacrifier, se fatiguer sous prétexte que cela nous coûte et que ce n’est donc plus vraiment aimer ?

Lorsque l’amour bute, on peut toujours faire des offrandes et des sacrifices, se donner de la peine et se fatiguer, Jésus ne dit pas qu’il ne faut pas le faire ; il fait simplement remarquer que l’amour vaut mieux que cela. Mais, ajoute Jésus, il y a encore beaucoup plus important : quand l’amour est mis à l’épreuve il convient de se souvenir que c’est un commandement, le plus grand commandement. Un commandement appelle l’obéissance ; on se soumet à un commandement sans prétendre vérifier ou discuter ; un commandement, c’est ce qu’on doit croire sur parole. Quand l’amour bute ou échoue, il s’agit alors de commencer à croire en l’amour.

La foi

« Ecoute Israël….entends et crois en cette parole. Ecoute Israël, le Seigneur est ton Dieu. »
Autrement dit l’Amour est Maître car Dieu ou l’Amour, c’est tout un.

Quand l’amour est mis à l’épreuve, il s’agit alors de passer des sentiments à la foi, de croire que l’amour sera plus fort que les difficultés présentes. Et si la vie nous prouve le contraire, il s’agit encore de croire : tous peuvent devenir nos ennemis, ou simplement nous ignorer, reste que Dieu ne nous oubliera pas ; il faut le croire même si nous ne l’éprouvons pas.

«Ecoute Israël, le Seigneur est ton Dieu. Il est à toi ; il se donne à toi. Il t’aime. Crois bien que rien ne peut te séparer de lui.»
Pour le chrétien, l’amour ne va pas sans la foi. Le chrétien n’est pas d’abord celui qui accumule les efforts, les offrandes ou les sacrifices. Il n’est pas celui qui éprouve constamment des élans amoureux ou mystiques. Le chrétien est celui qui croit, envers et contre tout, que l’amour est plus fort que la mort.

Lorsque nous n’éprouvons plus rien, lorsque notre cœur est dur, vide, il s’agit de croire, obscurément mais vraiment, que nous sommes follement aimés. Il s’agit de faire éperdument confiance à l’Amour lors même que nous ne le voyons plus. Alors, le vide devient passage et nous découvrons en nous des forces que nous ne soupçonnions pas. Nous devenons capables d’aimer sans compter, sans effort, sans fatigue, avec un cœur vaste comme Dieu Lui-même

Christine Fontaine


Quelle morale ?

La société s’interroge

Les désaccords en matière de morale sont nombreux en notre temps. Des couples se forgent sans avoir souci de faire reconnaître leur union comme légitime : faut-il fermer les yeux ou s’indigner ? Faut-il se taire devant le fait que recourir à l’avortement devient chose banale ? Faut-il se résigner à voir des couples homosexuels accéder au mariage ? Des questions graves sont posées à la conscience de tous nos contemporains face auxquelles les législateurs ont à se prononcer. Les médecins auront-ils le droit de décider de la mort d’un patient en fin de vie, pour atténuer ses souffrances ? La France va-t-elle rejoindre les mesures déjà décidées en d’autres pays et permettre à des femmes seules ou à des couples de femmes homosexuelles d’être inséminées ? Viendra-t-il ce jour que redoutent les uns et que d’autres espèrent où l’on pourra faire appel à une femme étrangère au couple pour avoir un enfant ? Ces questions sont graves et ne peuvent laisser les croyants indifférents : ils ne peuvent manquer de s’interroger.

Retrouver la source

On s’interrogeait déjà au temps de Jésus. Lui-même s’en prenait souvent aux juristes de son temps dont il contestait les décisions et les mentalités. Il lui arrivait pourtant d’être d’accord avec tel ou tel comme on le voit dans l’épisode que met en scène le texte de ce jour. Le scribe et Jésus semblent s’estimer profondément : « Fort bien, Maître ; tu as dit vrai » dit le premier et Jésus reconnaît qu’il « avait fait une remarque judicieuse ».

Plutôt que d’aborder tel ou tel point précis, ils se situent l’un et l’autre à la source qui jaillit là où se nouent nos relations humaines. Aux yeux des croyants qu’ils sont, Celui qu’ils vénèrent est inséparable du lien avec autrui. Avant tout culte rendu à Dieu, avant tout holocauste ou tout sacrifice humain ce qui importe c’est l’amour et il n’y a pas deux amours. Rencontrer Dieu sans rencontrer autrui n’est qu’illusion : rencontrer l’un, en effet, c’est trouver l’autre. Ce sur quoi ils sont d’accord n’a rien d’abstrait. Le respect de la loi est affaire à la fois d’affectivité et de discernement et mobilise les énergies : « Tu aimeras… de tout ton cœur, de toute ton intelligence et de toute ta force. » Quand on en vient à dire cela, ce n’est pas encore le Royaume mais on n’en est pas loin : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. » Il suffit, en effet, que son interlocuteur vive ce qu’il vient de dire pour y entrer.

Retrouver l’essentiel

Au cœur d’une société complètement sécularisée, les chrétiens ne peuvent pas ne pas s’interroger devant des lois nouvelles qui contredisent du tout au tout la morale traditionnelle de l’Eglise. Un grand nombre d’entre eux ne manquent pas de réagir « de toute leur force » quand certains décrets viennent ébranler leurs évidences. Une manifestation spectaculaire a défrayé la chronique en janvier 2013 : des paroisses se sont mobilisées, des chrétiens sont venus de loin à Paris, à Lyon et en bien d’autres villes ; des foules ont déferlé dans les rues brandissant des drapeaux et des slogans pour protester contre « le mariage pour tous » : aux dires de certains, ils étaient 500 000 à Paris et 80 000 à Lyon. Sans doute il n’y a rien là d’anormal : la décision était difficile à prendre. Mais sans doute également on peut s’interroger. Tous les manifestants ont-ils cherché à comprendre les motivations de l’autre ? Tous ont-ils écouté les souffrances de ces hommes et ces femmes qui ont des comportements marginaux, certes, mais qui, malgré les conditions particulières qui sont les leurs nous font part d’une expérience amoureuse évidente ? Est-ce toujours au nom de l’amour qu’on a voulu condamner leur amour ? Nous sommes dans une société pluraliste où l’on trouve des familles d’esprit différentes. L’Eglise a-t-elle le devoir d’imposer sa morale à toute la société ? N’est-ce pas faire acte d’intolérance que de refuser des comportements nouveaux ? Il est vrai que, pendant des siècles, la morale chrétienne s’imposait à toute la société. Doit-elle retrouver ce pouvoir ? A ce propos, on ne peut manquer d’écouter ceux qui, dans le pays, nous reprochent d’avoir eu des visées politiques. « Tu aimeras… de tout ton cœur » : qu’avions-nous dans le cœur en manifestant ?

Bientôt la question surgie en 2013 va se présenter à nouveau, sans doute, à propos de la Procréation Médicalement Assistée. Chacun aura peut-être à s’interroger de la même façon. Quelle que soit notre décision, ne croyons pas qu’il y n’ait d’autre morale que la nôtre. Au nom du Dieu que nous aimons, sauvons l’essentiel, sauvons l’amour d’autrui.

Dans ce contexte d’aujourd’hui, on parle de crainte pout justifier les prises de position des croyants ; ils ont peur que la décision d’aujourd’hui en entraine d’autres encore plus contestables. C’est la peur encore qu’on trouve devant l’étranger, qu’il soit réfugié ou non. A coup sûr, la peur ne peut être un acte d’amour si nous en croyons l’épitre de St Jean : « La crainte n’est pas dans l’amour ; l’amour bannit la crainte. »

Michel Jondot