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4ème dimanche de Pâques


Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 10, 11-18

Jésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.

J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père. »

Le pasteur et le mercenaire
Christine Fontaine

Etat de grâce
Michel Jondot

Quand l'amour n'est pas mercenaire...
Christine Fontaine


Le pasteur et le mercenaire

Rien que la loi ?

Tuer un homme est interdit. Pourtant après avoir longuement pesé le pour et le contre avec quelques amis, il croit comme eux qu’il est indispensable de le faire. Ils mettent leur plan en œuvre. Au dernier moment ils échouent et sont mis en prison avant d’être exécutés. Qu’est-ce qui a poussé cet homme à agir ainsi ? Certains, sans voir plus loin, diront que ce ne peut pas être. Pourtant cet homme était profondément chrétien. Son nom est Bonhoeffer. Il voulait avec ses amis tuer Hitler pour arrêter le massacre de millions de juifs. N’est-ce pas Dieu qui le poussait à agir ainsi au péril de sa propre vie ?

Dans l’Église catholique l’avortement est interdit. Elle est catholique et elle a avorté 7 fois. C’était avant que les moyens de contraception soient mis à la portée de tous. Qu’est-ce qui a poussé cette femme à agir ainsi ? Certains ne se poseront même pas la question. Pour eux ce ne peut en aucun cas être Dieu. Pourtant cette femme était simplement, humblement, croyante et aimait les enfants. Mais elle en avait déjà 4 qui logeaient avec le couple dans 12 mètres carrés. Elle n’avait pas le temps de se poser beaucoup de questions. Ou bien la famille toute entière explosait, ou bien il fallait passer par un avortement. N’est-ce pas Dieu qui la poussait à agir ainsi au péril de sa propre vie ?

Quel rapport y a-t-il entre ces situations et l’évangile du Bon Pasteur ? On ne peut le comprendre qu’en remettant le discours que Jésus fait aux juifs dans son contexte. Jésus vient de guérir un aveugle de naissance un jour de sabbat. Ce jour-là il est absolument interdit à un juif de travailler, fut-ce pour faire le bien. On dira peut-être qu’il n’y a pas de commune mesure entre violer le sabbat et tuer un homme ou commettre un avortement. Cependant, dans la mentalité juive, il n’y a rien de plus scandaleux que de violer le repos de ce jour. Au XXème siècle, un éminent rabbin écrivait encore : « Le chabbat est le principe fondamental du judaïsme. Observer le chabbat, cesser tout travail à l’approche de la nuit de vendredi soir, c’est faire publiquement la profession de foi que Dieu a créé l’Univers en partant de rien, que Son Esprit domine la matière, qu’Il Est le Maître de notre force de travail, de notre vie » Ernest Weill, (1865 - 1947).

Rien que la vie !

Aux yeux des juifs qui entourent Jésus, on ne peut se prétendre de Dieu quand on viole à ce point la loi de Dieu. Il y a contradiction dans les termes. Donc cet homme, selon eux, n’est pas de Dieu. C’est alors que Jésus les traite d’aveugle et leur parle du bon berger et du mercenaire. L’un et l’autre ont en apparence la même fonction : celle de guider le troupeau. Mais alors que l’un connaît ses brebis et que ses brebis le connaissent, l’autre – le mercenaire – ne cherchent pas du tout à connaître la vie de chacune des brebis. Il n’est pas payé pour cela. Il est payé pour garder un troupeau et le mener dans la bonne direction. Peu lui importe l’histoire de chacun du moment que tout le monde marche sous une même loi, en l’occurrence celle de Dieu dont les pharisiens qui entourent Jésus ont la charge.

Mais voici que sur cette route balisée par les commandements de Dieu, un loup survient. Un loup, c’est-à-dire un danger mortel pour au moins l’une des brebis. Le mercenaire n’en a que faire. Ce qui compte pour lui c’est de mener l’ensemble du troupeau à bon port. Peu importe si l’une ou l’autre est blessée ou bien meurt en cours de route. Le mercenaire est prêt à sacrifier une brebis, une parmi tant d’autres pour lui ! Il prétend, dit Jésus, conduire le troupeau mais en vérité il s’enfuit. Il fuit la difficulté qu’il y aurait à considérer le péril peut être mortel auquel est exposée cette brebis. Le mercenaire fuit les questions qu’il serait obligé de se poser s’il était réellement attaché à la vie de chacune de ses brebis. Du coup, le troupeau qui avait pris ce mercenaire pour un bon berger se disperse : les brebis voient qu’à la moindre difficulté elles ne pourront pas compter sur lui pour les défendre contre l’ennemi. L’attitude de ce mercenaire désoriente le troupeau tout entier.

Pour le bon Pasteur, contrairement au mercenaire, chaque brebis est unique. Elle a du prix à ses yeux. Il n’hésite pas à lâcher tout le troupeau pour aller chercher celle qui s’est perdue. Il « connaît ses brebis comme ses brebis le connaissent ». Il connait leur histoire, leurs limites, leurs capacités, leurs blessures passées et leurs faiblesses. Il les pousse dans le sens de la vie, de ce qui est le meilleur à ce moment précis de leur existence pour elles. Certes il existe des règles générales, celles qui ont fait leur preuve dans l’histoire d’un grand nombre de brebis. Mais ces règles ne fonctionnent pas nécessairement dans toutes les situations. Ce qui compte pour le bon berger ce n’est pas d’abord la règle mais la vie de chacune de ses brebis.

Donner sa vie

« Le chabbat est le fondement même du judaïsme », tous les juifs le savent et Jésus ne pouvait l’ignorer. Il n’a pas aboli cette loi en poussant tous ses disciples à travailler ce jour-là. Mais il se trouve que c’était un jour de sabbat que la route de Jésus a croisé celle d’un aveugle de naissance que tous prenaient pour un grand pécheur à cause de son infirmité. L’avortement est interdit par l’Église. Mais n’est-ce pas l’esprit de Jésus qui a poussé cette femme à avorter pour protéger sa famille qui vivait dans 12 mètres carrés ? Tuer un homme est totalement interdit, mais quand il s’agit d’Hitler ne doit-on pas passer outre pour sauver la vie de millions d’hommes ? Ne pouvons-nous au moins accepter de nous poser la question ?

« J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie », dit Jésus. Autrement dit qui ne vivent pas sous la loi juive. « Celles-là aussi il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » Le troupeau de Jésus n’est pas un troupeau bêlant, celui de ceux qui pensent ou agissent tous de la même manière. Le troupeau de Jésus est celui de ceux qui se laissent pousser par l’Esprit pour rejoindre chacun dans son existence singulière. Dans le troupeau de Jésus chacun est prêt à donner sa vie pour ne laisser personne en péril au bord du chemin !

Christine Fontaine


Etat de grâce

Sauver sa vie

Lorsque se déclenche une catastrophe naturelle qui menace de tout détruire, on s’efforce de sauver ce qui peut l’être. En réalité, ce qu’il faut préserver en premier n’a pas de prix. Bien sûr, on peut se désoler de voir s’effondrer les murs de la maison qu’on avait réussi à acquérir, on peut se lamenter de voir les flots emporter les cassettes remplies de louis d’or ou de pierres précieuses qu’on gardait pour faire face à des situations graves. Mais on préfère que disparaisse tout ce qui a du prix plutôt que de perdre sa propre vie. Il se trouve pourtant que chaque vie a été donnée gratuitement. Qui pourrait acheter le fait d’être venu au monde ?

Deux manières d’être au monde

C’est à ce mystère que songe Jésus lorsqu’il s’exprime à travers ces propos aux allures paraboliques, mettant en scène deux bergers et deux troupeaux. Autre est la vie du troupeau confié à un mercenaire, autre est le troupeau aimé pour lui-même, gratuitement. Autres sont les soucis du mercenaire qui préfère sa propre vie à celle de son troupeau : « S'il voit venir le loup, il abandonne les brebis... le loup s’en empare et les disperse. » Autres les soucis du berger dont la vie du troupeau ne fait qu’un avec la sienne et qui tient à ses ouailles comme à la prunelle de ses yeux. Il en va du bon berger comme de chacun de nous avec sa propre vie. Il tient à son troupeau parce que le lien entre ses brebis et lui n’a rien de commercial.

Le mystère que Jésus contemple est celui où l’on voit s’opposer deux manières de vivre : celui où l’on achète et où l’on vend (le berger mercenaire) et d’autre part celui où l’on donne et où l’on reçoit. C’est dans ce deuxième univers que Jésus peut manifester le mystère de Dieu. Il reçoit sa vie du Père et il peut la donner pour la recevoir encore. Donner, recevoir et, ce faisant, se lier avec autrui, tel est le mystère de Jésus : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. »

La vie donnée

Le mystère auquel Jésus songe est celui de la gratuité : les propos de Jésus évoquent l’acte de Pâques. « Je donne ma vie pour mes brebis. » L’acte du procès et de la mise en croix est annoncé par ces quelques mots. Les trente deniers, ce fameux jeudi, n’étaient qu’un piège auquel Judas s’est laissé prendre. On ne pouvait vendre la vie de Jésus. La Passion, en effet, est l’acte par lequel Dieu se donne : « Prenez... c’est mon corps livré pour vous. » Au Calvaire, Jésus est livré, donné « pour la multitude ». Mais, il l’avait dit, en parlant du bon berger : « Ma vie j’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau. » Donnant sa vie au jour de la Passion, Il la reçoit au moment même où il l’abandonne et, ressuscitant, Il nous livre son Esprit.

La loi du frère

Mystère de la gratuité ; autrement dit mystère de la grâce. Tous ceux qui reçoivent l’Esprit de Jésus entrent dans une vie nouvelle. Ils échappent à l’univers marchand où les choses ont leur prix et les services rendus reçoivent leur salaire. La vie nouvelle dans laquelle ils entrent échappe à la justice des hommes : tout est donné. Chaque jour est comme celui de la naissance : donné et reçu mais immérité. Sans prix ! Est-ce à dire que celui qui croit à la résurrection n’a plus qu’à se laisser porter par l’Esprit. Loin de là ! Recevoir la vie du ressuscité, la vie de la grâce, c’est se soumettre à la loi nouvelle qu’un théologien appelle « la loi du frère ». Entrer dans l’univers de la grâce c’est ouvrir les yeux et les oreilles pour entendre celui ou ceux qui ont besoin de moi. Répondre à leurs appels, vivre en frère, c’est voir qu’en répondant je rejoins Jésus : je suis connu de lui comme il est connu par le Père. Dans cette cohérence, ma vie est prise dans le dynamisme de Dieu lui-même.

La vérité de notre condition

Baptisés, nous ressuscitons avec Jésus. Nous avons pourtant à vivre dans un univers où les relations entre les personnes et entre les peuples sont régies par les lois de l’argent. A moins d’avoir fait des études d’économie, nous avons du mal à comprendre la marche de ce monde et les propos des journalistes nous laissent démunis. Du moins voyons-nous les laissés pour compte du système marchand auquel nous sommes soumis. Ne soyons pas passifs et ne restons pas aveugles. La vie de Jésus, ses paroles, sa mort et sa résurrection, en ces temps de Pâques, nous rappellent la vérité de notre condition. L’appel du frère est plus humain que les systèmes financiers. Il révèle que nous sommes au monde pour vivre dans la grâce. Sauvons cette vie !

Michel Jondot

Quand l'amour n'est pas mercenaire...

Le mercenaire

Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas. Certes, il ne leur veut aucun mal ; il se peut même que ce soit un bon mercenaire et qu’il veille soigneusement sur le troupeau. Mais, s’il voit venir le loup, il n’ira quand même pas jusqu’à risquer sa vie pour défendre des brebis. Le berger mercenaire a le sens de ses intérêts. Il fait honnêtement son travail mais il ne faut pas lui demander davantage que ce pour quoi il est payé. Il est attaché aux brebis qu’il surveille mais il est encore plus attaché à défendre sa propre vie. Ces brebis ne sont pas à lui !

Lorsqu’on marche à la suite d’un berger mercenaire, on ne le reconnaît pas au départ. Lorsque tout va bien pour le troupeau, il est à sa place, il veille ; on se croit en sécurité en suivant les conseils de celui qui porte le bâton de berger. Mais que le loup arrive, que l’adversité survienne, et le berger qui nous semblait si sûr s’est éclipsé ! Les brebis se retrouvent sans aucun guide, terrorisées par le danger. Elles se dispersent dans tous les sens. Elles sont perdues sans savoir où aller. Il est toujours dangereux de suivre un berger mercenaire : les brebis ne comptent pas vraiment pour lui !

Le berger

Le Bon Pasteur, le vrai berger est le propriétaire des brebis. Les brebis lui appartiennent : en veillant sur elles, il veille sur son propre bien. Les brebis ne font qu’un avec lui. Il les aime comme lui-même. Il leur donne tout ce qu’il a de meilleur : il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent comme le Père le connaît et qu’il connaît le Père.

Il donne à ses brebis tout ce qu’il a de plus cher et, si le loup survient, il leur donne sa propre vie. Le vrai berger est un guide sûr pour le troupeau. Il n’a pas un amour mercenaire pour ses brebis ; il les aime pour elles-mêmes, il les aime parce qu’elles sont à lui.

Ainsi en va-t-il avec Dieu. Lui seul n’a pas d’amour mercenaire pour ses brebis. Il ne les lâche pas à l’heure de l’adversité ; il ne cherche pas son intérêt. Pourtant il n’a pas besoin des brebis. L’amour du Père suffit à combler le Fils et l’amour du Fils suffit au Père. Dieu ne manque de rien en lui-même. Pourquoi Jésus-Christ vient-il recevoir des coups parmi les fils des hommes ? Pourquoi, si ce n’est parce que nous sommes à lui et qu’il désire nous faire connaître son propre bonheur, sa propre vie ? Dieu n’a pas un amour mercenaire. Il ne cherche que notre bonheur et notre intérêt. Et si, en retour, il ne reçoit qu’ingratitude, il demeure seul au milieu de nous dans l’espérance qu’un jour nous connaîtrons son Amour gratuit.

Brebis et bergers

Dieu seul est un guide sûr pour l’humanité. Lui seul est, par Jésus Christ, le Bon Pasteur. Mais il veut nous donner sa propre vie au point de confier à certains le soin de veiller sur les brebis. Cependant Dieu est prudent et il est réellement bon ; aussi continue-t-il à veiller par lui-même : il n’abandonne ni les bergers, ni les brebis.

Aux brebis, il déclare : « Prenez garde aux bergers mercenaires. Ils prétendent vous conduire à moi, ils déclarent faire l’unité du troupeau mais, en vérité, ils se mettent toujours au-dessus de la mêlée. Ils ne se mêlent pas aux difficultés du troupeau : ils le guident de haut. Ils attendent de leur fonction un quelconque salaire, un quelconque prestige. Prenez garde de ne pas reproduire vous-mêmes le comportement de ces bergers. » Car chaque membre du peuple de Dieu est à la fois brebis appelée à se laisser guider par ceux qui les précèdent dans la foi et berger appelé à aider ceux qui suivent. Aux brebis Jésus déclare : « Soyez de bons bergers. »

Et, se tournant vers les bergers, Jésus leur dit : « Souvenez-vous que vous êtes des brebis et que je suis le seul Pasteur. Ne pensez pas être meilleurs que les autres : sans moi vous ne pouvez rien faire. J’ai le pouvoir de donner ma vie et je vous la donne afin que vous aimiez ceux qui vous sont confiés plus que votre propre vie. Mais j’ai le pouvoir de reprendre ma vie : je vous laisse alors à vos propres faiblesses afin que vous ne jouiez pas au plus fort. » Les vrais bergers connaissent leur pauvreté. Ils savent que, livrés à eux-mêmes, ils deviendraient bien vite des bergers mercenaires. Les vrais bergers savent qu’ils n’ont pas la force de donner leur propre vie. Ils sont humbles et doux comme des brebis !

Christine Fontaine