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5ème dimanche de Pâques


Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 15, 1-8

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu'il en donne davantage. Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite : Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l'obtiendrez. Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples. »

Les quatre saisons de la vie
Christine Fontaine

Je suis la vigne
Michel Jondot

La vigne du Seigneur
Christine Fontaine


Les quatre saisons de la vie

Le fruit, un test

Nous vivons à l’heure des tests. Dès le plus jeune âge, on tente de mesurer la capacité intellectuelle d’un enfant. On passe des tests avant d’être embauché dans un emploi. On teste l’intelligence, la mémoire, la volonté, la rapidité d’exécution et les capacités de relation. Aujourd’hui, Jésus nous invite à passer le test de la foi. « Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits. Celui qui n’y demeure pas est comme un sarment desséché. » Pour tester notre lien avec Jésus-Christ, il nous faut mesurer le nombre et la qualité des fruits que nous portons.

Chacun est ainsi appelé à se retourner sur ses propres actes et à tenter de faire le bilan de sa récolte. Et chacun essaye de remplir sa propre grille :
- Quels fruits ai-je portés en famille ? Mes enfants sont-ils tous croyants ?
- Quels fruits dans le monde ? Mon entourage est-il transformé par la foi qui m’anime ?
- Quels fruits en moi-même ? Suis-je meilleur que le commun des mortels ?
Mais, pour remplir la grille jusqu’au bout, il faut aussi retourner la question : quels fruits ai-je portés certes, mais aussi quels sont ceux que j’aurais pu porter et que je n’ai pas produits ? Combien de ratages dans ma vie ? Et chacun d’entre nous d’être obligé de constater que le bilan est bien négatif, que ce qu’il fait est infime par rapport à tout le possible à faire, que vraiment c’est l’hiver de la foi dans sa vie !

« Si vous demeurez en moi, vous portez beaucoup de fruits », nous dit Jésus. Et nous de conclure : si nous en portons peu – ou même pas du tout – c’est que notre vie n’est pas – ou très peu - greffée sur Jésus-Christ. Ainsi s’achève le test de la foi : nous sommes tous disqualifiés et il ne nous reste qu’à nous enfermer dans la culpabilité. A moins que, devant ce bilan négatif, on ne préfère sortir de la vigne du Seigneur… Car, après tout, si c’est cela la vie qu’il nous propose – une vie ou constamment nous serons renvoyés à nos échecs – ne vaut-il pas mieux en choisir une autre ? Ne respire-t-on pas mieux dehors ? Dedans c’est toujours l’hiver, dehors c’est quelque fois l’été… un été où l’on peut croquer les fruits de la vie à pleine dents comme ils se présentent.

« En dehors de moi vous ne pouvez rien faire », dit Jésus. Et nous découvrons qu’avec lui ça ne vaut guère mieux quand ce n’est pas pire !

Le fruit, une promesse

A prendre le fruit pour le test de la foi, on se découvrira toujours coupable par rapport à tout le possible à faire. Mais pour Jésus, le fruit n’est pas un test. C’est une promesse.

« Avant de passer de ce monde à son Père, Jésus disait à ses disciples… » Lorsque Jésus parle, ce n’est pas encore la saison des fruits pour ses amis. Il a autour de lui, onze hommes qui ont vécu – et vont vivre à l’heure de la Passion – le doute, l’incrédulité et la lâcheté. Onze hommes qui n’ont encore pas changé grand-chose dans la marche de leur pays, encore moins dans celle du monde. C’est à ces onze hommes qui, à cette heure, n’ont guère portés de fruits que Jésus parle.

Il leur dit : « Dans la vigne – dans cette vigne qu’ensemble nous formons – même si aujourd’hui c’est l’hiver, croyez qu’il y a une possibilité de porter du fruit dont vous serez capables avec moi. L’hiver ne sera pas toujours l’hiver. Le fruit est à venir. Le fruit va venir. »

Jésus parle et il leur dit : « Dans cette vigne qu’ensemble nous formons, il y a aussi des sarments qui ne porteront pas de fruits. Mais ceux-là, ne vous en souciez pas. Ne les brûlez pas vous-mêmes. Le Père s’en charge. C’est le Père qui est le vigneron. C’est à Lui et non à vous qu’il revient d’émonder et de brûler et il le fera. Quant à vous, vivez ; ce ne sera pas toujours l’hiver. Vivez et vous connaîtrez aussi la saison des fruits ! » Le fruit pour Jésus n’est pas le test qui nous permettrait de reconnaître si l’on est admis ou rejeté. Le fruit, c’est la promesse de l’été !

Mais le fruit c’est aussi ce qui est périssable et passager. Le fruit est fait pour être consommé et donc pour disparaître. Quand les fruits de la vigne ont été transformés en nourriture ou en boisson, il n’en reste plus rien. Tous les sarments de la vigne ressemblent à du bois mort. Après l’hiver, c’est l’été mais après l’été c’est encore l’hiver. C’est cela le mouvement de la vie. Dans la vigne du Seigneur, si elle est vivante, il y aura sans cesse passage du fruit au sarment qui semblent morts et des sarments aux fruits. On ne peut porter du fruit sans traverser aussi la mort.

Demeurer en Jésus-Christ, ce n’est pas tester, évaluer la qualité de notre vie au nombre de fruits que nous portons. C’est passer avec lui de la vie à la mort et de la mort à la vie. C’est vivre de Pâque en Pâque avec lui ! Demeurer en Jésus-Christ, c’est passer sans s’arrêter aux sarments desséchés, sans s’arrêter à l’hiver mais sans croire pour autant que ce sera toujours l’été.

Vivre les quatre saisons

Souvent les chrétiens ont la fâcheuse habitude de croire davantage à l’hiver qu’à l’été. Sous prétexte que nous ne portons pas toujours du fruit, nous nous jugeons incapables d’en porter. Nous tuons en nous les promesses de l’été.

Pire, nous arrivons même parfois à transformer l’été en hiver. Puisque les fruits que nous portons sont limités, éphémères, périssables, nous en nions la saveur. Sous prétexte qu’il y aurait mieux à faire, nous ne voulons pas reconnaître ce que nous faisons.

Il faudrait quand même que nous apprenions à vivre en savourant chacune des quatre saisons ! A cette heure d’aujourd’hui, à cette heure où Jésus nous invite à passer avec lui de ce monde à son Père, demeurer en lui c’est nous réjouir lorsque nous portons du fruit. C’est accepter de ne pas toujours en porter. C’est croire à la promesse de l’été !

Christine Fontaine

Je suis la vigne

La vigne et la parole

Les vignes sont assez différentes les unes des autres, en France du moins. Les champs d’Alsace ne ressemblent pas à ceux de Provence. Mais toutes manifestent le travail bien particulier du vigneron qui a su tailler et émonder. Toutes forment un ensemble composé, selon les saisons, de feuilles, de sarments et de fruits.

Les vins, selon les régions, sont aussi différents que les vignes qui les ont produits et les Français sauront distinguer le vin blanc d’Anjou du Bourgogne aligoté avec autant d’aisance qu’ils savent discerner, lorsqu’ils les entendent parler, l’accent des vignerons d’Alsace de celui des méridionaux. Entre les fruits de la vigne et la région où ils ont été produits et, d’autre part, la manière de parler dans la région où la vigne a grandi, il existe un rapport assez étonnant.

Il semble que Jésus en ait été conscient lorsqu’il recourt à la métaphore de la vigne pour dire le lien qui le tient uni à ses disciples. Disant « Je suis la vigne », il désigne l’ensemble qu’il forme encore avec ses amis avant la dispersion du jardin de Gethsémani. Il désigne aussi l’ensemble dont il a le désir pour l’avenir (« Qu’ils soient Un comme nous sommes Un ! »). Disant « Je suis la vigne », il désigne aussi l’originalité du groupe humain avec lequel il fait corps. Le vigneron qui en prend soin est Celui que Jésus appelle « mon Père ». S’il est vrai qu’un groupe humain a une manière particulière de parler, cet ensemble que Jésus désigne doit avoir son propre langage. Il est pris dans la parole qui lui fut adressée : « Vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite » ; « ...mes paroles demeurent en vous ... ! »

Sauver la langue chrétienne

« Moi, je suis la vraie vigne... » Chaque chrétien comprend bien qu’il est appelé à entrer dans cet ensemble qui ne tient que par Jésus et à parler dans le langage particulier qui est le sien. Puisque les paroles de Jésus sont censées « demeurer en nous », les disciples que nous sommes sont invités à sauver la langue chrétienne.

Nombreux sont les discours, reconnaissons-le, où le langage des baptisés est à réapprendre.

En faisant acte de repentance, voici quelques années, l’épiscopat français reconnaissait que pendant les sinistres années du génocide, elle avait été infidèle à sa mission en se murant dans le silence. Parler en vocabulaire chrétien, en effet, suppose qu’on refuse de garder sa langue dans la poche. Osons dire qu’il est regrettable, en notre temps, que les responsables des Eglises n’osent pas dénoncer l’injustice faite à tel ou tel peuple dépouillé de sa terre. Et peut-être parlait-on en langage étranger à celui de Jésus lorsqu’en l’été 2014, les autorités romaines sommaient l’islam de condamner les auteurs du massacre des chrétiens d’Orient en oubliant de protester contre la souffrance accablant les habitants de Gaza.

Mais ne croyons pas que la manière de parler chrétien est le devoir de la hiérarchie. Elle s’impose à tous les baptisés. Ce sont des laïcs comme Bernanos qui dénonçaient le comportement des Phalanges lors de la Guerre d’Espagne. Pendant la guerre d’Algérie, la dénonciation de la torture était l’objet des discours de Mauriac ou de Mandouze qui n’étaient pas évêques. Jésus désigne l’ensemble humain qui se forme autour de lui comme une vigne ; les éléments qui la composent ne sont pas hiérarchisés. Tous les sarments, toutes les feuilles, toutes les grappes sont irrigués par la même sève, le désir véhiculé par les paroles de Jésus. N’attendons pas que le langage évangélique sorte des évêchés ou des Curies romaines. Chaque baptisé est temple de l’Esprit et sommé de vivre avec la possibilité d’ajuster les paroles de Jésus à l’époque qu’il traverse.

Elever la voix !

Ces temps derniers, les Français ont envahi les rues de Paris pour protéger, après le drame de Charlie-Hebdo, la liberté d’expression. Parmi eux, les chrétiens étaient nombreux, sans doute animés par des motivations évangéliques et il faut s’en réjouir. Ceci donne à rêver. Forts du langage qu’ils ont à pratiquer, les chrétiens pourraient prendre des initiatives et contester le langage des hommes. Qui, par exemple, mieux que quiconque, peut contester les propos islamophobes qui se multiplient ces temps-ci ? Mais quelle paroisse aura le courage d’élever la voix ? Lorsque les foules manifestaient pour sauver la morale conjugale traditionnelle, les chrétiens étaient nombreux et sans doute avaient-ils raison ? Mais comment se fait-il que personne, dans le monde chrétien, n’ouvre la voix pour protester contre une politique du logement qui empêche les jeunes couples de devenir parents ?

« Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron...
Vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite...
Demeurez en moi comme moi je demeure en vous. »

Au jour de la Pentecôte, Pierre prit la parole et la langue chrétienne prenait corps.
« Je suis la vigne... » disait Jésus, à l’heure de sa Passion.
Le fruit de la vigne est savoureux si l’on en croit les réactions aux discours des apôtres : « Ils sont pleins de vin doux », disaient ceux qui les écoutaient.
Retrouver la langue chrétienne dans sa pureté ouvre la route vers un monde où triomphe la joie.

Michel Jondot

La vigne du Seigneur

La production

« Ce qui fait la gloire de mon Père c’est que vous donniez beaucoup de fruit. »
Dieu se réjouit lorsque les fils des hommes sont productifs. Il n’aime pas la stérilité. Elle n’est pas dans sa nature. Il est le Créateur, il aime que nous soyons créatifs : il aime nous associer à son œuvre. Il se réjouit de nous voir produire sans parcimonie. Il aime que nous produisions beaucoup de fruit.

« Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève. »
Dieu aime que les fils des hommes produisent mais il ne supporte pas qu’ils produisent n’importe quoi. Dans sa vigne, certains sarments semblaient prometteurs. Ils étaient bien partis. Et voici qu’ils ne produisent que des feuilles. Le vigneron attendait des raisins dont on aurait pu faire du vin. Les disciples de Jésus étaient faits pour produire des grappes savoureuses, bonnes à manger ou à transformer en boisson pour réjouir le cœur des hommes, leurs frères. Que peut-on faire d’un sarment qui ne produit que des feuilles ? Ces feuillages ne servent à rien, ils sont purement décoratifs ! Les fils de Dieu ne sont pas faits pour produire des œuvres décoratives. Ces sarments seront enlevés afin qu’ils n’épuisent pas, en pure perte, le reste de la vigne.

La vigne du Seigneur n’est pas faite pour être admirée comme un élément décoratif dans le monde. Elle doit produire du fruit, un fruit de vie, dont l’humanité pourra se nourrir et s’abreuver.

L'émondage

« Tout sarment qui donne du fruit, le Père le nettoie pour qu’il donne davantage. »
Les disciples de Jésus Christ se contentent souvent de peu : il leur suffit de porter un tant soit peu de fruit pour être satisfaits. Dieu ne l’entend pas ainsi ! Il nettoie, il enlève tout ce qui pourrait freiner la production. Il n’en finit pas d‘élaguer pour que le raisin vienne vraiment à maturité, pour que sa vigne donne le plus possible.

« Moi, je suis la vigne et vous les sarments, dit Jésus. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent. »
Si Dieu ne supporte pas que, dans sa vigne, certains sarments ne viennent pas à maturité, à plus forte raison ne va-t-il pas laisser du bois mort. Il le jette, il l’arrache de sa propre vigne. Il ne veut pas que sa vigne en soit encombrée. Il brûle le bois sec afin qu’il n’en reste plus rien. Dieu élague, émonde, coupe, taille de saison en saison car sa vigne doit produire chaque année !

Et les disciples de Jésus Christ d’année en année sont élagués, émondés, coupés, taillés. C’est là l’œuvre du Père qui veille sur sa vigne avec sollicitude. Mais il arrive que les fils des hommes ne reconnaissent pas la main du vigneron. Ils sont blessés, ils reçoivent des coups et les ressentent bien durement. Ils ont souvent du mal à découvrir que cet émondage est nécessaire, qu’il est le signe de l’Amour du Père pour les siens. Ils ont davantage l’impression d’être abandonnés que d’être choyés ! Ils préfèreraient parfois produire un peu moins plutôt que d’être émondés par le vigneron, d’autant qu’ils ne voient pas souvent les fruits mais ressentent fréquemment les blessures

La récolte

« Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, dit Jésus, demandez tout ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez. »
Lorsque les fils des hommes sont émondés par le vigneron, ils crient vers Dieu en le suppliant de les délivrer. Ils demandent que cessent les coups qu’ils reçoivent. Dieu les écoute. Il ne refuse pas d’entendre nos prières lorsque nous lui demandons de relâcher sa main. Mais, à son tour, il nous demande de lui faire confiance. Il nous demande la permission de continuer son œuvre en nous. Il ne veut pas agir sans notre accord. Il nous fait comprendre que lorsque nous le prions de nous délivrer, nous ne demandons pas vraiment tout ce que nous voulons. Nous ne savons pas ce que nous demandons. Il sait mieux que nous la joie que nous aurons lorsque nous découvrirons le fruit que nous avons porté.

Nu ne peut demeurer en Dieu et porter beaucoup de fruit sans avoir été émondé, taillé par la main du Père. Celui qui demeure en Dieu connaît cette blessure que Dieu fait pour extirper de son existence ce qui n’est pas source de vie. Il sait qu’il est bon pour lui d’éprouver jusque dans sa chair l’émondage du Père. Il connaît les fruits que ce passage de la souffrance a portés. Lorsque l’épreuve tombe sur lui, il ne se révolte pas contre Dieu, il espère. Il vit en paix. Il vit en Dieu. Un tel homme a appris à supporter avec patience, il a appris à se supporter imparfait et vulnérable, il a appris à supporter les imperfections des autres. Un tel homme a appris à faire confiance en Dieu. Il veut ce que Dieu veut. Il veut avec Dieu. Il veut Dieu pour lui et pour tout autre. Tout ce qu’il demande lui sera accordé. Celui-là réjouit le cœur de Dieu et le cœur des hommes bien plus que le meilleur des vins que la terre ait porté !

Christine Fontaine