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6ème dimanche de Pâques

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
14, 23-29

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m'aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n'est pas de moi : elle est du Père, qui m'a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m'en vais, et je reviens vers vous. Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent ; ainsi, lorsqu'elles arriveront, vous croirez. »

Guerre et paix dans l’Église
Christine Fontaine

« Fais ceci et tu vivras »
Michel jondot

" Je vous laisse ma paix "
Christine Fontaine


Guerre et paix dans l’Église

La mort de l’Église ?

« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne… » Si la guerre représente le malheur, la paix est synonyme de bonheur. « Pour vivre heureux – on pourrait dire ‘pour vivre en paix‘ – vivons cachés ! » Cette expression française est souvent utilisée par des personnalités soucieuses d’échapper aux paparazzis. Certains catholiques reprochent aux médias de mettre sur la place publique tous les scandales de l’Église actuelle. Hostiles selon eux aux chrétiens, ils agiraient tous comme des paparazzis dont il faut se protéger. « Pour vivre en paix à l’intérieur de l’Église, vivons cachés ! » et, pour ne pas être ébranlés par la chute du catholicisme, ces pratiquants vivent dans le déni. Ils prétendent qu’il n’y a pas de réel problème et que l’Église en a vu d’autres au cours de son histoire. Jésus n’a-t-il pas promis que la puissance de la mort ne l’emportera pas sur son Église ? N’a-t-il pas dit : « Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés ! »

Pendant que les uns sont dans le déni, les autres quittent cette Église en laquelle ils ne peuvent plus accorder aucune confiance. « L’Esprit Saint, déclare Jésus, vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Et ils se souviennent ! Ils n’ont pas oublié qu’après avoir dit « je vous donne ma Paix » Jésus a ajouté « ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne… ». Pour eux, le déni des pratiquants aggrave la crise. Selon eux, ceux qui fréquentent encore l’Église, en refusant de voir, veulent protéger leur confort. Ils ne vivent pas dans la Paix que donne Jésus Christ mais dans celle du monde qui est faite de repli sur son propre univers.

Jésus avait dit « je vous laisse ma paix », et aujourd’hui entre les croyants c’est la guerre, l’accusation mutuelle, l’indifférence ou le mépris !

Pour ressusciter il faut mourir !

« Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent : ainsi lorsqu’elles arriveront vous croirez. » Et ce qui va arriver aux apôtres, c’est la mort de Jésus. Car avant de ressusciter, il est bien mort et ses amis en furent les témoins. On aimerait pouvoir oublier la mort pour en venir tout de suite à la résurrection. Mais nul ne peut ressusciter s’il ne passe par la mort à la suite de Jésus.

Cet extrait du discours après la Cène rapporte des paroles que Jésus a prononcé avant sa mort. Il était alors inimaginable pour les apôtres d’avoir à se réjouir de la disparition de celui qu’ils avaient côtoyé pendant trois ans. Pourtant c’est en quittant cette forme de proximité avec Jésus, qu’ils vont faire l’expérience d’une toute autre relation avec lui. Au jour de la Pentecôte, ils vont découvrir que l’Esprit de Jésus habite en eux et que leur propre corps est Temple de l’Esprit. Il leur a fallu mourir à une forme de relation avec le Christ pour ressusciter à une forme nouvelle.

Cet extrait du discours après la Cène a été écrit, sous la forme que nous en avons, à la fin du premier siècle, bien après la Pentecôte. « Le Défenseur, dit Jésus, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Quand Jésus déclare que l’Esprit leur enseignera tout, il leur annonce que lui, Jésus, ne leur avait pas tout appris et qu’ils auront à s’en souvenir. En effet, en recevant l’Esprit le jour de la Pentecôte, ils ne sont pas au bout de leur surprise. Il leur faudra encore mourir à une forme de vie avec Dieu liée à l’appartenance au peuple juif pour reconnaître que l’Esprit est également donné aux païens. C’est pour eux une révolution totale : dès lors le salut n’est plus réservé à ceux qui obéissent aux lois de Dieu. Il est proposé à tous ceux qui croient. Ce passage de l’obéissance à des lois données par Dieu à l’obéissance de la foi est la grande révolution opérée par le christianisme.

Rester fidèles

« Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » L’Église au cours des siècles a pris bien des formes différentes. Les disciples de la Voie à l’époque de Saint Paul ou les communautés chrétiennes du 1er siècle ne reconnaîtraient pas appartenir à la même Église que celle qui est née à l’époque de l’empereur Constantin. Mais ce qui demeure, par-delà ces formes totalement différentes, c’est le désir d’être fidèles à la Parole du Christ qui nous est transmise depuis le 2ème siècle par les évangiles.

Comme les apôtres ont dû renoncer à une certaine forme de vie avec le Christ, nous avons peut-être à renoncer à la forme actuelle qu’à prise l’Église. Ceux qui veulent s’y maintenir, ceux qui vivent dans le déni et le repli identitaire, ne sont-ils pas attachés d’avantage à la forme qu’à l’Esprit ? Mais ceux qui partent ne sont-ils pas attachés autant que les premiers à une certaine forme même si c’est pour la disqualifier ?

Nul ne peut ressusciter sans mourir. Peut-être vivons nous une époque où nous sommes appelés à laisser mourir une certaine forme de vie en Église. Mais que nous décidions de rester ou de partir, l’Esprit nous est donné « pour nous faire souvenir de tout ce que Jésus nous a dit » et qui est écrit dans l’évangile. L’Esprit nous est donné pour que nous restions fidèles, non aux exigences de normes ou de lois, mais à la parole du Christ. Que nous décidions de quitter la forme actuelle de vie en Église ou d’y demeurer, l’Esprit nous est donné pour que, fidèles à la Parole de Dieu, nous demeurions dans la fraternité les uns avec les autres ! Il nous est donné pour que nous renoncions à vivre en paix « à la manière du monde », dans le repli, l’indifférence ou le mépris des autres croyants.

Christine Fontaine


« Fais ceci et tu vivras »

Le silence est dangereux

La mythologie grecque a laissé une jolie histoire qui donne encore aujourd’hui à réfléchir. Narcisse, le beau Narcisse, était aimé par une nymphe ; elle s’appelait « Echo » et le regardait de loin. Elle ne pouvait faire entendre ses sentiments, condamnée qu’elle était à ne répéter que les derniers mots de son interlocuteur. Celui-ci se taisait et ne voulait pas voir qu’il était désiré : il n’avait d’yeux que pour lui-même et contemplait son image dans une eau limpide. Un grand silence séparait ces deux jeunes personnes : ce silence conduisit à la mort celui qui ne pouvait voir que lui-même. Voulant rejoindre cette belle image qui lui était renvoyée par les eaux, Narcisse se pencha tellement qu’il se noya. Lorsque le silence s’étend entre deux personnes, lorsqu’on ne trouve pas les mots pour se parler, lorsqu’on reste fixé sur soi-même sans vouloir rien entendre, ce qu’on prend pour la vie conduit à la mort.

L’aventure de Narcisse et d’Echo est un peu la version négative de la tradition biblique. Dans l’Ancienne Alliance, une parole s’interpose entre les visages. Elle vient du Seigneur qui la donna à Moïse, sur le Sinaï, pour qu’il la transmette au peuple : « Tu ne tueras pas. » Se rencontrer en se respectant et en s’aidant à vivre est la réponse de l’homme à la parole de Dieu. Celle-ci s’interpose entre les interlocuteurs. Ceux-ci, quand ils se parlent en vérité, lorsqu’ils refusent le meurtre, obéissent à la Parole de Dieu qui non seulement protège de la mort mais génère la vie. « Fais ceci et tu vivras », dit la Loi qui condamne toute mise à mort

« Je viens à vous »

« Le Verbe – c’est-à-dire la Parole de Dieu - a pris chair » en Jésus. Jean, dont nous lisons l’Evangile en ce temps de Pâques, prend bien soin de le préciser : « Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reconnu. » Mais l’apôtre prolonge le mystère de cette venue en évoquant cet entretien qui suivit son dernier repas. La Loi qui s’accomplit en Jésus a trouvé un nom nouveau : « Je vous donne un commandement nouveau, c’est de vous aimer les uns les autres. » Le respect de la vie d’autrui, en Jésus, alors a pris visage. Non seulement le Dieu de Moïse envoie sa parole pour protéger la vie mais il donne son fils qui procède de lui comme un discours sort des lèvres de celui ou de celle qui parle. Et puisqu’il est l’amour incarné, il révèle le vrai visage de ceux que nous aimons : aimer c’est se détourner de son propre visage pour se tourner vers l’autre. Le Fils se manifeste lui-même dans cet amour. « Celui qui gardera ma parole, mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. »

La foi s’étiole et beaucoup se demandent « Où est Dieu ? ». Il demeure parmi nous, là où nous sommes capables d’aimer en accueillant sa parole. Nous le croyons à cause de l’Evangile. Nous ne pouvons plus voir de nos yeux de chair le charpentier de Nazareth : « Voici que je m’en vais. » Chrétiens, nous croyons aux promesses que nous rappelle le texte de ce jour. « Voici que je m’en vais et que je reviens à vous : le Père enverra en mon nom le Défenseur, l’Esprit Saint. » Mystère de la Foi ! Où est Dieu ? Où est Jésus ? Dieu se manifeste, en Jésus, là même où nous demeurons. Il est au milieu de nous et nous entendons sa voix lorsque nous réveillons, face à ceux qui nous entourent, nos capacités d’aimer. Les époux, sans doute, n’ont pas de difficultés à le comprendre : la force qui les a poussés l’un vers l’autre a transformé leur vie. Quelle souffrance dans les couples qui se sont trompés ! Ils croyaient s’aimer mais leurs sentiments n’étaient qu’un leurre, il leur faut se séparer. Souvent l’amour se refroidit. C’est un symptôme de vieillesse. Que l’Esprit ravive nos amours !

Un amour débordant

Mais l’amour déborde nos maisons. Il doit s’étendre à tous ceux dont nous partageons la vie. Le voisinage, le milieu professionnel, la paroisse, l’Eglise souvent sont des lieux de conflit. Il arrive, pour ne pas voir qu’on nous fait mal, qu’on sourie hypocritement à ceux qui nous agacent ou qui nous font souffrir. N’ayons pas peur : Jésus nous a montré quel chemin ouvre la souffrance. Rappelons-nous seulement que notre amour doit s’étendre à ceux qui nous agressent. « Aimez vos ennemis » : le commandement nous invite à reconnaître que l’autre peut nous haïr et nous combattre et que pourtant on peut l’aimer. Comment vivre cette contradiction ? Il s’agit d’inventer et pour cela il faut une certaine forme de génie. La sainteté suppose du génie !

L’amour déborde aussi le cercle de ceux dont nous voyons le visage. L’amour venant de Dieu et qui tente de demeurer parmi nous s’étend au monde entier : « Pour la multitude », disait Jésus, au cours de ce repas précédant les propos que nous lisons. Si nous voulons accueillir les paroles qui nous viennent par les témoins de la Résurrection, efforçons-nous de semer la douceur : « Heureux les doux, ils possèderont la terre. » La parole qu’il nous laisse est source de paix : « Je vous laisse la paix. » Si Echo avait connu le message de Jésus, peut-être aurait-elle su arracher à la mort celui qu’elle aimait. En répétant les mots : « la paix...la paix...la paix », elle aurait couru la chance de briser un silence qui s’est avéré mortel et Narcisse se serait tourné vers elle plutôt que vers son propre visage. Encore aurait-il fallu qu’en recevant cet appel, Narcisse ne se contente pas d’entendre. Recevoir ces mots consiste à les transformer en actes. « Je vous laisse la paix. » La paix est toujours à faire et suppose l’amour. Elle est un programme et nous avons à la construire. Faisons la paix si nous voulons que vive l’humanité.

Michel Jondot

" Je vous laisse ma paix "


La paix ?

Beauté, luxe, calme et repos disent les slogans publicitaires
qui savent jouer sur notre désir de vivre en paix pour vendre leurs produits.

Seule l'oraison nous fera retrouver la paix intérieure ;
il faut réapprendre le goût de la prière,
se couper du monde et se retirer du bruit disent nombre de chrétiens.

Quand bien ton âme viendrait à s'établir dans la paix intérieure,
répliquent les autres, que vaut-elle, cette paix
si un seul de tes frères en est exclus ?
Il faut bâtir la paix au coeur du monde.

Pour d'autres, la drogue ou l'alcool sont les seuls moyens qui restent
pour sortir de l'angoisse. D'autres enfin se tournent vers la nature,
la vie familiale, ou les exercices en vogue du zen ou du yoga.

La prière, l'engagement, la drogue, le retour à la nature...
on ne peut pas mettre tout cela dans le même panier !
Et pourtant, d'un certaine manière, par-delà les moyens différents de chacun
c'est la même demande qui pointe :
tous, nous avons une soif immense de vivre en paix.
Par des moyens naturels ou artificiels, heureux ou malheureux,
chacun, comme il peut,
essaye de trouver une solution pour sortir de l'angoisse.

Une paix fragile

La paix est si fragile, si précaire !
Lorsque nous avons trouvé un moyen de vivre en paix
nous nous y accrochons,
et si quelqu'un vient mettre en cause la solution que nous avons trouvée
nous en voulons à ce fauteur de malheur
qui, sans précaution, risque de nous faire perdre notre fragile équilibre.

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » dit Jésus.
Jésus propose la paix à ses amis. Mais, en même temps, il semble être
ce fauteur de trouble que nous redoutons.

D'une certaine manière, avant ce jour, les Douze connaissaient la paix,
Ils avaient trouvé leur solution : autour de Jésus, dans leur groupe,
un certain accord s'était fait, une certitude, au fil des mois, s'était établie :
près de Jésus, ils n'ont rien à craindre puisqu'il est le Messie.

Et voilà que Jésus leur ôte toutes leurs assurances :
« Je m'en vais » leur dit-il. Ils vont être livrés à l'angoisse de vivre
sans celui qui était leur seul appui. Non seulement Jésus part
mais il leur reproche leur tristesse et leur confusion ;
c'est la marque, dit-il, que les Douze ne l'aiment pas vraiment :
« Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés.
Si vous m'aimiez vous seriez dans la joie. »

Jésus détruit lui-même leur fragile équilibre.
Alors que signifient ces paroles de paix qu'il prononce ?
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix.
Mais ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. »

La paix solide

A la manière du monde, à notre manière,
Jésus leur retire tout moyen de connaître la paix ;
mais à la manière de Dieu il les ouvre à une autre paix possible :
Jésus, en partant, les déséquilibre
mais il leur donne tous les moyens de marcher et de vivre :
« Je vous envoie l'Esprit Saint » leur dit-il.
Désormais ils auront en eux une force, un défenseur.
Ils auront la force d'affronter l'accusation et l'épreuve, les procès et les conflits.
La paix que jésus propose est le contraire de la fuite ou du repli ;
C'est la joie de celui qui a reçu l'assurance
qu'il aura toujours suffisamment de défense
pour affronter les épreuves de la vie.
Désormais les apôtres auront la force de savourer la vie
quelle que soit la difficulté qui surgit.
Désormais ils ne chercheront pas un lieu de paix, ils pourront marcher en paix.

Tous, nous désirons la paix,
tous, nous essayons de trouver un îlot de sécurité,
une solution durable pour échapper à la difficulté et, comme le apôtres,
Nous sommes bouleversés, effrayés, désemparés devant la vie.
A la suite de Jésus et de ses amis il ne s'agit pas de refuser tout instant de paix,
tout ilot de sécurité. Il s'agit de reconnaître
que ces îlots que nous propose le monde ne tiennent pas dans la tempête.
Il s'agit de chercher une assurance dans la foi en la promesse
que Jésus nous fait : « Je vous donne un défenseur... Quoiqu'il arrive... croyez !
Croyez que je vous donnerai toujours suffisamment de ressources
pour faire face à la vie. »
La paix de Dieu naît de la foi en Dieu, en sa force qui traverse nos vies.

Christine Fontaine