Que désigne le mot « écologie » ?
L’écologie est d’abord une branche particulière de la biologie désignant à l’origine la science étudiant les relations des êtres vivants avec leur environnement et avec les autres êtres vivants. Le concept a été créé par le biologiste allemand Ernst Haeckel en 1866, en accolant les deux racines grecques oîkos (maison, demeure, milieu) et logos (discours, raison). On pourrait résumer encore davantage cette définition par celle de science des écosystèmes.
La notion d’écologie politique apparaîtra réellement un siècle plus tard, même si des précurseurs se repèrent bien avant comme le géographe français Élisée Reclus ou le poète et naturaliste américain Henry David Thoreau. Nous aborderons ce concept politique plus tard.
Schémas fonctionnels écologiques (source : DR)
Faut-il être scientifique pour comprendre les questions d’écologie ?
La complexité des problèmes écologiques est bien réelle. De plus, la science avance par des doutes et des remises en cause : lorsqu’on écoute un débat d’experts, l’on finit souvent par se retrouver désemparé. Qui a tort, qui a raison ? Le cas des orientations de la politique énergétique en est un exemple parmi d’autres, mais représentatif de ces difficultés à nous orienter. Faut-il abandonner le nucléaire dès à présent, plus tard : mais alors quand et comment ?
Je vais essayer de donner ici quelques éléments de repère basiques pour s’y retrouver comme citoyen. Je ne prétends qu’ils sont exhaustifs ou parfaits, mais ce sont des matrices simples, et, à mon avis, plutôt efficaces, que j’ai forgées au fil d’années d’attention aux problèmes écologiques.
1 - Raisonner en « cycle de vie » des produits
Une des bases fondamentales pour comprendre l’impact écologique réel de tout produit, même le plus banal, est de raisonner en cycle de vie complet.
Le cycle de vie d’un produit désigne l’ensemble des opérations imbriquées depuis sa fabrication jusqu’à sa destruction comme déchet ou son éventuel recyclage. Ceci implique de considérer les matières premières utilisées et leur extraction, leur transformation puis la fabrication du produit, le transport, l’utilisation-consommation dudit produit, son entretien éventuel puis enfin ce qu’il advient une fois hors d’usage : destruction ou recyclage, si ce dernier est possible. De plus, à la consommation des ressources naturelles s’ajoute l’énergie utilisée durant tout ce cycle. Les spécialistes nomment énergie grise toute l’énergie consommée au cours du cycle de vie d’un produit en dehors de celle spécifiquement affectée à son utilisation. Des études montrent que cette énergie cachée peut représenter jusqu’à 60% de la consommation énergétique d’un ménage.
Ainsi, un produit qui semble « propre » en phase d’utilisation peut se révéler fortement impactant pour l’environnement sur tout son cycle de vie. Prenons l’exemple de la voiture électrique : quand on en croise une, on apprécie son silence et l’absence de tout gaz d’échappement. Serait-ce enfin la vraie voiture propre ? C’est une réalité perceptible dans l’instant. Mais comment produit-on les batteries ? Avec des métaux comme le cobalt extrait de mines en Afrique particulièrement nocives pour l’environnement et les populations. Comment recharge-t-on les batteries ? Avec de l’électricité qu’il est nécessaire de produire. Comment recycle-t-on les batteries ?
En l’absence actuelle de solution de recyclage, elles sont stockées. Au final, il n’est pas du tout certain que la voiture électrique soit plus propre que la voiture à moteur thermique utilisant du carburant.
Et faites donc l’essai de décrire le cycle de vie d’un des vêtements que vous portez en lisant ces lignes : vous aurez vite le vertige !
Cycle de vie d’un produit (source : Ademe)
2 – Une non-consommation vaudra toujours mieux qu’une consommation
De toute action quotidienne de consommation, la plus écologique est celle qu’on ne fait pas ou que l’on s’abstient volontairement de faire.
Il faut le dire d’emblée : aucune action humaine, même la plus anodine, n’est écologiquement neutre. Cela ne veut pas dire qu’elle soit forcément néfaste mais elle a mécaniquement une incidence. Car il est vrai que la Nature n’a guère besoin de nous, et lors du récent confinement mondial, l’arrivée des animaux sauvages dans les villes, ou l’eau redevenue limpide dans les bassins des ports, nous a montré à quel point elle reprend ses droits dès que nous nous mettons en retrait. Mais si la Nature n’a pas besoin de nous, certes, la réciproque inverse est fausse. La question est complexe et résume peut-être à elle seule toute la difficulté de l’enjeu écologique : comment vivre plus harmonieusement avec la Nature sur une planète comptant désormais 7,55 milliards d’individus (ONU – 2017) ?
Ainsi, toute non-consommation reste préférable à une consommation, fut-elle réalisée de la manière la plus écologique possible, la plus écoresponsable, la plus compensée en carbone, en replantation d’arbres etc. Cette évidence presque désarmante ne l’a pas toujours été tant la société de consommation et ses bras armés que sont la publicité et le marketing ont voulu l’effacer de nos esprits.
En matière énergétique, l’économiste et écologiste américain Amory Bloch Lovins l’a théorisé sous le concept de négawatt, comme unité de non-consommation énergétique.
Dans le domaine de l’alimentation, la surconsommation de viande des pays riches, et désormais des nouveaux poids lourds de l’économie mondiale, est non seulement néfaste pour la santé des adultes mais catastrophique pour l’environnement. Les élevages industriels d’animaux ont des conséquences écologiques terrifiantes. Manger moins de viande, baisser la quantité au profit de la qualité, a un impact positif certain sur l’environnement.
3 – Les vertus du local
Les circuits de fabrication et d’approvisionnement locaux resteront toujours moins consommateurs de ressources que des produits exportés, fussent-ils déclarés issus de processus plus respectueux de l’environnement.
La dépendance au commerce mondial dans laquelle se sont engouffrées nos économies est un grave problème, liant les questions sociales et écologiques. Nous importons des produits de pays où les normes sociales et environnementales sont souvent bien moins exigeantes que celles de l’Europe. Or la pollution n’a pas de frontières, et les atteintes environnementales à l’autre bout de la planète se payent déjà ou se paieront tôt ou tard à l’échelle mondiale.
Considérons un unique facteur dans cette globalisation économique : le transport, sur lequel reposent tous les échanges planétaires. La grande partie des marchandises est acheminée par d’énormes navires porte-conteneurs, consommant un fuel lourd aux émissions très nocives. Selon les experts, un gros porte-conteneurs émet autant de particules fines qu’un million d’automobiles. Ce lourd bilan écologique du transport maritime n’est pas répercuté dans le prix des marchandises que nous recevons. Mais il est répercuté ailleurs comme dans la mauvaise qualité de l’air que nous respirons tous, et dont les conséquences sanitaires sont prises en charge par la collectivité.
Choisir, si possible, des produits qui ont nécessité le moins de transport pour nous parvenir est un geste de bon sens écologique. Dans cette crise sanitaire sans précédent dont nous ne sommes peut-être pas encore sortis, l’urgence de la relocalisation de la production s’est révélée avec encore plus d’acuité : autonomie et écologie sont liées.
Le Bougainville, propriété de l’armateur français CMA CGM.
Lancé en 2015, c’est l’un des plus gros porte-conteneurs mondiaux et le plus grand navire français jamais construit
(source : FranceTVinfo et CMA CGM)
4 – La recherche est-elle indépendante ?
Il est important de déterminer qui finance telle ou telle recherche scientifique sur les enjeux écologiques. En effet, des groupes d’intérêts privés, financièrement puissants, peuvent détourner la recherche scientifique à leur seul profit.
Les débats scientifiques sur les problèmes écologiques nous échappent souvent par la complexité de leur contenu. Lorsque deux avis se contredisent, nous n’avons pas les outils ni le savoir pour les départager. Toutefois, comme citoyennes et citoyens, nous sommes en droit de nous informer sur l’indépendance des scientifiques qui s’expriment. Sont-ils vraiment indépendants ? Existe-t-il un potentiel conflit d’intérêt ? Le lien de subordination d’un chercheur à son financeur peut-il entraîner un biais dans son objectivité ? Appliquons le vieil adage policier : « A qui profite le crime ? ».
Aux États-Unis, c’est l’industrie du tabac qui fut parmi les premières à financer à coups de millions de dollars des travaux de recherche médicale orientés afin de sauvegarder ses intérêts économiques. Plutôt que de nier frontalement les effets nocifs du tabac sur la santé, ces industriels comprirent que semer le doute serait bien plus efficace. Mais comme me l’a dit un jour un prêtre auquel j’évoquais la question de la foi et du doute, ce dernier se divise en deux formes : le doute-question et le doute-soupçon. Le premier est celui qui aiguise la recherche de Dieu, le second est le semeur de trouble, comme le serpent de la Genèse. En science, le doute-question est le moteur de toute recherche véritable, consubstantiel à la méthode scientifique. Le doute-soupçon est une perversion du premier car il a des visées cachées liés à des intérêts économiques.
Comme pour le tabac, des groupes industriels ont pratiqué ou pratiquent encore le doute-soupçon pour éluder la nocivité écologique et sanitaire de leurs produits. A chaque scandale qui éclate, nous le découvrons. Les moyens alloués à une recherche dite scientifique mais instrumentalisée sont souvent considérables au regard des budgets de la recherche publique. Comme citoyens, nous devrions exiger avec beaucoup plus de force que la recherche soit réellement indépendante, et dotée de moyens publics en conséquence. Mais aussi que l’ensemble de ses résultats soient accessibles. En effet, combien de rapports d’experts indépendants, pourtant commandés par les dirigeants politiques, ont été écartés lorsqu’ils venaient contrecarrer des intérêts industriels ? Ainsi, la journaliste Élise Lucet a révélé qu’un rapport officiel de 1983 concluant à la nocivité du moteur diesel sur la qualité de l’air avait été délibérément ignoré par les pouvoirs publics. Le but de cette manœuvre visait à favoriser l’industrie automobile française, en particulier le groupe Peugeot, grand promoteur de cette carburation pour relancer ses ventes sur le marché national.
Nous espérons que ces simples éléments de repère auront permis de mieux vous éclairer sur ce sujet crucial de l’écologie. Aujourd’hui, les enjeux écologiques sont source d’une grande attention, et plus encore d’une vive inquiétude. Les tentatives d’instrumentalisation ou de manipulation n’en sont alors que plus élaborées. S’il existe dans la tradition de l’Église le discernement spirituel, nous devons désormais pratiquer aussi le discernement écologique.
Julien Lecomte
Juin 2020