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Le débat suivant est extrait d'une discussion qui a eu lieu entre plusieurs membres
de l'équipe animatrice de "Dieu maintenant". Les prénoms ont été remplacés par "Nicodème 1, Nicodème 2,... parce que chaque intervention correspond souvent au point de vue de plusieurs.
Nicodème 1
Tu écris : "Ou bien, au contraire, un ensemble humain considère que ce qui le détermine conduit à se tourner vers autrui,
à proposer et inventer toutes les alliances possibles avec l’environnement, à susciter de la fraternité.
On considère alors qu’un groupe est fidèle à lui-même
lorsque ce qui le définit lui permet d’entrer en relations avec d’autres que lui-même."
A mon avis, la parole de l'Eglise officielle, sauf en de très rares exception, non seulement ne conduit pas à se tourner vers autrui mais empêche de le faire.
Est-il possible d'écouter quand on pense posséder la vérité ? Personnellement, la manière dont l'Eglise parle de "vérité révélée" me bloque totalement.
Chaque fois que quelqu’un dit « vérité révélée », je me dis : « de quel endroit parle-t-il ? De quoi parle-t-il ? »
La vérité révélée est souvent une affaire de pouvoir aux
dépens de quelqu’un d’autre et dans la soumission à l’autre.
Ce que j’aime dans l’Ecriture c’est que le questionnement est possible et même obligatoire, ce qui est écrit est un casse-tête en permanence.
Je ne vois pas une seule parole de l’Ecriture qui ne soit une question. Plusieurs réponses sont possibles. La vérité, pour moi est une réponse.
On cherche des réponses mais prendre les réponses pour une vérité définitive parce que définie par une hiérarchie, est inacceptable.
La vérité est un cheminement. Tout ce qui prétend posséder la vérité met un terme à ce cheminement. Il n’y a pas de parole sans écoute.
Mais il se trouve quantité de discours qui ignorent ce que c’est qu’écouter. Tel est selon moi le discours de l’Eglise.
A part certains lieux ou certaines circonstances, la parole ne circule pas.
Nicodème 2
Pour ma part, j'ai toujours trouvé, dans l'Eglise, ce lieu de liberté où la parole peut circuler en vérité.
J'ai épousé, toute ma vie, les questions posées par la société. J'ai pu les partager avec d'autres croyants, dont certains prêtres qui m'ont particulièrement marqués.
Je reconnais que j'ai eu souvent à pousser des portes qui paraissaient fermées mais qui finalement ont pu s'ouvrir... même s'il fallait parfoir frapper très fort !
Aujourd'hui je souffre de voir l'Eglise se replier sur le passé. Mais j'ai vécu dans l'Eglise pré-conciliaire, n'était-elle pas encore plus rigide qu'aujourd'hui ?
Et pourtant c'est grâce à des hommes et des femmes qui ont tenu, envers et contre tout, que je suis croyant aujourd'hui. J'aime cette Eglise et j'y ai été heureux.
Grâce à elle, j'y connais une fraternité que je ne saurais renier à aucun prix.
Nicodème 3
Dans l'Eglise pré-conciliaire, les prêtres avaient l'obligation de prêter le serment anti-moderniste. On vivait sous un très ancien code de droit canon, dont chacun savait qu'il était périmé et ne fonctionnait plus.
Cela obligeait à s'interroger, à ne pas s'en tenir à des lois inapplicables. Aujourd'hui nous avons le malheur d'avoir un nouveau code qui "détermine" le comportement des chrétiens dans tous ses aspects.
Comment débattre de quoi que ce soit lorsqu'on a déjà la réponse à tout dans un code ? Les évêques, la plupart du temps, se contentent de transmettre les instructions de Rome.
Lequel d'entre eux oserait avoir le moindre esprit critique (au moins en public...) ? Je ne suis pas sûre que l'Eglise d'aujourd'hui soit plus
ouverte qu'hier et je sais, par ailleurs, qu'elle exclut d'authentiques croyants.
Nicodème 4
On accepterait que l’Eglise parle au moins intelligemment même en tenant des propos contestables ; cela permettrait de se situer.
J’en veux beaucoup à l’Eglise actuelle ; j’y vois une bande de menteurs disant n’importe quoi. Quand il m’arrive d’assister à une célébration,
je me blinde contre les stupidités que j’entends. J’attends désespérément une minute de vérité que je ne trouve pas »
Devant les discours de l’Eglise, mon fils de 17 ans s’exclame : "Une bande de c... en-dehors de la réalité !".
Quand je lui dis : "La foi ce n’est pas cela !", je suis embarrassé pour répondre à sa question : "La foi ? C’est quoi ?".
Je n'ai vraiment pas le sentiment que c'est en allant à l'Eglise qu'il trouvera la réponse à sa question.
Nicodème 2
Je voudrais revenir sur la première intervention; tu dis : « Dire ‘vérité révélée’ c’est manifester qu’on est à la recherche du pouvoir.
On n’est plus dans un rapport de vérité mais de domination ». Qu’il se passe des choses répondant à cette définition, qu’il s’en passe
en particulier dans notre Église catholique romaine, certes. Mais vérité révélée veut dire autre chose pour ma foi.
La philosophie antique a pu dire des choses sur Dieu, concevoir le dieu créateur ; certains ont conclu à un divin qui est providence,
et bien des philosophes ont poursuivi ensuite cette réflexion. À travers le monde il a pu se constituer dans l’humanité des religions
plus ou moins naturelles, en général polythéistes.
Face à ces balbutiements humains, qui ont leur prix et ont pu aider des personnes et des peuples, l’expérience
d’Israël dit autre chose et dit mieux : Dieu n’a pas laissé l’homme à sa recherche et à ses inventions, il est
intervenu pour nous communiquer volontairement quelque chose sur lui-même et sur nous et sur ses rapports avec nous,
par des événements significatifs et des interventions de prophètes qui, au-delà de la réalité historique ou non de ce que
racontent les textes bibliques (je ne suis pas fondamentaliste !), se manifestent dans la vocation d’Abraham,
celle de Moïse et la sorite d’Égypte, les grands prophètes, etc. Dieu ne laisse pas l’homme à lui-même, il va vers lui.
Et, pour le chrétien, Dieu a fait un pas de plus. Ce n’est plus une parole seulement qui révèle quelque chose de Dieu,
même si Jésus a été prophète en Israël et a prononcé des paroles révélatrices de Dieu, c’est la personne même de Jésus
le Christ qui est révélation de Dieu. Jésus est personnellement la vérité révélée. Derrière l’expression « vérité révélée » je
ne mets que cela et ce qui lui est indissociable concernant la vérité sur l’homme.
Il nous reste à méditer cette vérité, à en développer les aspects et les conséquences, à la faire vivre dans des circonstances
historiques diverses et qui ne cesseront jamais d’évoluer tant que ce monde existera. Dans cette tâche il est possible
de s’égarer, et toutes les Églises ont sous une forme ou sous une autres des autorités, personnelles ou collectives,
chargées d’avertir, de proposer des garde-fous. Mais aucune de ces autorités ne peut être considérée comme une « source »
de la révélation. Ceci me sépare du sens qui est donné plus haut semble donner à l’expression « vérité révélée ».
Nicodème 5
Pour moi, la foi est, pour reprendre Jean de la Croix : "Un non savoir qui sait... un non savoir qui sait... sans fin...". Quand on lâche tout savoir pour entrer dans la foi,
il peut y avoir danger. En effet, le fou aussi (comme le saint) perd tout savoir... Entre le fou et le saint, en fin de compte il n'y a qu'une différence : la folie
du saint le pousse à un amour universel, celle de l'aliéné l'enferme en lui-même.
Malgré toutes les critiques que l'on peut adresser à l'Eglise - et que très souvent je partage - je ne peux pas me passer du témoignage des saints que je reçois par Elle.
J'ai besoin de "balises", de repères pour ne pas sombrer dans la folie démoniaque. J'ai besoin de frères avec qui parler. Je préfère, pour ma part, une Eglise de pécheurs à pas d'Eglise du tout.
Mais je sais que d'autres ne seraient pas d'accord avec mon point de vue.
En tout cas, je regrette que des croyants partent par lassitude. Je peux comprendre mais en général ce sont ceux dont je me sens vraiment proche par leur manière d'appréhender l'Evangile.
Ils n'ont pas conscience à quel point ils nous manquent !
Nicodème 3
Je trouve, par hasard, ce beau texte de Jean-Luc Nancy qui, me semble-t-il rejoint notre débat :
" La vérité révélée est la vérité que ne contient aucune doctrine ni
aucune prédication. Elle n'est la vérité d'aucune adéquation ni d'aucun
dévoilement. Elle est simple vérité infinie de la suspension du sens:
interruption, car le sens ne s'accomplit pas, et débordement, car il ne
cesse pas" (Jean- Luc Nancy - "L'adoration" p.62).
Nicodème 1
C'est non seulement très beau mais cela sonne juste comme une si belle musique...
J'ai entendu cet après midi à la radio un musicien catalan Jordi Savall, qui joue des musiques de toutes sortes mais aussi
celles que la mémoire a oubliées comme la viole de gambe que joue M. de Ste Colombe dans le magnifique film "Tous les matins du monde" d'Alain Corneau...
il disait que la musique était l'air le plus spirituel en ce qu'elle fait appel au(x)sens sans avoir besoin de passer par l'intellect.
Il a cité aussi Luis Bunuël, cinéate "surréaliste" espagnol qui disait quelque chose comme ceci : "la véritable limite à la vérité
n'est pas le mensonge mais la raison qui s'oppose à l'esprit"...
J'ai compris que l'esprit est libre de toute raison (dogme ? doctrine ? idéologie ?...) car il est intuition et
qu'il parle aux sens. Ils (au cours de l'émission de radio) ont aussi évoqué une pensée de Voltaire qui dit
que c'est au travers des sens que se construit la mémoire et qu'elle est ce que devient ou donne vie à l'esprit...
Cela me confirme dans cette intuition de penser la vérité comme fluide, instantanée,rupture et continuité, elle se
ressent plus qu'elle ne s'énonce. Reste la question de savoir discerner le moment où elle devient "délirante"
ou "folle" comme ce que j'ai pu le voir dans certaines commuantés "charismatiques". Quel serait le "garde-fou" contre cela ?
L'institution, l'Eglise ? Croire hors les murs?
L'Eglise en place peut cautionner ou occulter la folie et la perversion en son propre sein !
Où est la limite et la limite n'est-elle pas elle-même un jour aliénante ? Comment rester libre de croire sans déraper
ou s'exiler ? Qu'est ce qui nous rattache sans nous asservir ?
Qu'est ce qui nous unit les uns aux autres sans nous asphyxier ?
Je pense que le "cadre" aussi contraignant soit-il est nécessaire pour exister,
cependant on se tromperait de combat à vouloir trop le contester, à le contester, il faut sans doute
s'y inscrire, endosser ses contradictions pour s'en rendre "maître" ou plutôt réussir à naviguer dedans.