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1er dimanche de carême
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu
Mt 4, 1-11
Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Le tentateur s'approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Mais Jésus répondit€: « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Alors le démon l'emmène à la ville sainte, à Jérusalem, le place au sommet du Temple
et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et :
Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Le démon l'emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire.
Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m'adorer. »
Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c'est lui seul que tu adoreras. »
Alors le démon le quitte. Voici que des anges s'approchèrent de lui, et ils le servaient.
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Le pain de chaque jour
Michel Jondot
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Quand l'amour s'expose
Christine Fontaine
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Miser sur le bonheur
Michel Jondot
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Le pain de chaque jour
Transformer le désert
A chaque période électorale, nous sommes abreuvés de discours. À travers des programmes différents on voit surgir des personnalités étrangement semblables : chacun se présente à la fois comme capable de transformer la situation et comme le centre à partir duquel la société pourra satisfaire son appétit de justice et de bonheur.
Quel contraste avec la façon dont l’Évangile présente la manière dont Jésus s’apprête à inaugurer son Royaume dans la société des hommes.
Le lieu d’où il va partir pour entrer dans la vie publique est symbolique : le désert. A priori l’opposition semble grande entre la faim qui le taraude au bout de ces quarante jours de jeûne et la situation de l’humanité en son début. Le jardin de l’Éden débordait de fruits. L’homme et la femme n’avaient qu’à tendre la main pour les cueillir sur les arbres : « Le Seigneur fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect attirant et aux fruits savoureux. » En revanche, on ne trouve rien au désert à se mettre sous la dent.
Mais à y regarder de plus près, malgré la différente absolue entre les décors et les situations, le mystère de l’humanité s’avère assez semblable dans les deux cas. Aux premiers jours, tout était donné : il suffisait de recevoir. L’homme et la femme ont fait leur malheur en cédant à la tentation de prendre plutôt que de cueillir et d’accueillir. À la façon dont il construit son récit, Matthieu nous montre en Jésus un homme qui retourne – qui convertit – la situation de départ. Il indique le chemin pour transformer le désert.
Satan se trompe et il trompe : Jésus ne peut transformer les pierres en pain. Ce serait céder à la tentation perverse de prendre et de capturer ; ce serait aussi se prendre pour l’homme providentiel à partir duquel tout pourrait changer. Certes Jésus a besoin de pain (« il eut faim ») mais le pain est à recevoir. On l’attend non seulement de l’homme ou de la femme qui a mis la main à la pâte. À travers le don de l’autre on le reçoit d’un Autre : « Notre Père… donne-nous le pain de ce jour. »
Donner et se donner
En lisant Matthieu on découvre un autre moment où Jésus s’est retrouvé « dans un lieu désert ». Là encore la faim était grande dans la foule. Cette fois, Jésus s’est avéré capable de multiplier les pains pour nourrir ceux et celles qui l’entouraient. La différence des situations est importante en réalité. En multipliant les pains, loin de « prendre » pour lui, Jésus transformait ses disciples pour qu’ils soient capables de donner : « Rompant les pains, il les donna aux disciples qui les donnèrent aux foules. »
Il est intéressant de comparer ce texte de Matthieu et celui de Jean. Ce dernier montre quelle tentation traverse la foule au moment de la multiplication des pains. Voyant ce dont Jésus est capable, on s’imagine avoir affaire à la personne providentielle : on tente de le « saisir » pour le faire roi. Jésus n’a pas voulu se laisser « prendre » et il s’est caché dans la montagne. On n’a pas compris qu’il aurait été bon pour tous que le mouvement amorcé avec les disciples se propage ; le don qu’ils ont reçu aurait été le point de départ d’une société heureuse.
La langue russe, paraît-il, a le même mot pour dire donner et se donner. Cette particularité linguistique est particulièrement adaptée à la manière dont parle l’évangile. Si Jésus ne peut se laisser prendre c’est précisément parce qu’en donnant – le pain ou la guérison -, non seulement il se donne mais le Père nous le donne : « Notre Père… donne-nous notre pain de ce jour. » Quoi qu’il nous arrive, lorsque nous vivons, notre prière est exaucée. En recevant la nourriture qui fait vivre son corps, chaque personne humaine vit du don que le Père nous fait en Jésus. Jésus se donne et, ce faisant, il manifeste son Père. « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » : Jésus lance cette phrase de la Bible à son diabolique adversaire. Nous appelons « amour » le lien dans lequel nous sommes pris lorsque nous donnons ou recevons. Jésus est le visage de cet amour. Il est le don que nous fait le Père en même temps qu’il est le lien au Père. Il est la parole qui nous lie et au Père et entre nous.
Prenez et mangez
Nous accueillons Jésus en recevant le pain de chaque jour. Il refuse de prendre ou d’être pris pour mieux se donner. L’entrée dans la vie publique est à éclairer par les paroles et les actes du dernier jour. « Il prit le pain, il rendit grâces et le donna à ses disciples : prenez et mangez. » Ce disant, c’est lui-même qui se donne tout entier ; Jean l’évangéliste va le comprendre bientôt en le voyant sur la croix, pareil à l’Agneau pascal immolé pour être partagé entre convives.
« Prenez et mangez » : l’Eucharistie que nous vivons implique une manière de vivre. Nous recevons le pain et nous y reconnaissons le don de Dieu qui, se donnant, nous invite à faire corps pour qu’advienne une société nouvelle. C’est avec cette invitation qu’il convient de nous préparer aux élections qui viennent. Ne soyons pas comme ces Juifs qui, après avoir reçu le pain, veulent s’accrocher au personnage providentiel. Prenons conscience qu’en choisissant nos gouvernants nous avons à contribuer nous-mêmes à une société où nous avons à échanger, à recevoir et à donner.
Cela signifie que nous avons à refuser de nous centrer sur nous-mêmes ou sur un sauveur. Comment échapper à la tentation de nous replier sur nos propres intérêts ? Nos intérêts personnels ou ceux de notre pays. L’Église fait du Carême un temps de solidarité et de prise de conscience. Nous avons à contribuer à la vie des peuples à qui nous dérobons les richesses. Les écarts se creusent entre les peuples et nous transformons certains pays en désert à force de « prendre » ce qui satisfait les appétits des puissants. Les écarts se creusent aussi dans notre pays : comment supprimer le monde des sans-abris et faire entrer nos compatriotes dans des échanges nouveaux où tous nous avons à recevoir et à donner « le pain de chaque jour » ?
Michel Jondot
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Quand l'amour s'expose
S'imposer
« Jésus, après son baptême, et juste avant d’entrer dans sa vie publique, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon. »
En quittant ce désert où il a séjourné pendant quarante jours, Jésus ira au milieu des hommes. Dans cette humanité marquée par le péché, il aura pour mission de
faire reconnaître qu’il est bien le Messie, celui que le peuple attendait. Et voici que le démon lui offre l’occasion de manifester qu’il est bien le Fils de Dieu.
L’opération est séduisante ! Jésus pourrait ainsi convaincre et vaincre l’auteur même du mal, son premier responsable : le malin
Saisis cette occasion ! lui dit le démon. Si tu es le Fils de Dieu, si tu es bien celui par qui tout fut créé, prouve-le : ordonne que ces pierres deviennent du pain.
Si tu es le Fils de Dieu, tu as le pouvoir de transformer ces pierres en pain et de combler ta faim. Fais donc d’une pierre deux coups : apaise ta faim aiguisée
depuis quarante jours et impose-moi de te reconnaître pour ce que tu es.
Si tu es le Fils de Dieu, dit encore le démon, saisis cette autre occasion de me le prouver : jette-toi depuis le sommet du Temple pour forcer Dieu à te
protéger comme Il l’a promis. Fais ce coup d’éclat et ta victoire sur moi sera éclatante ! Impose-toi à moi !
Et comme Jésus refuse de saisir l’occasion, le démon joue le tout pour le tout : puisque tu ne veux pas t’imposer, prosterne-toi devant moi et moi, je te
donnerai tous les royaumes du monde, je te donnerai tout mon pouvoir sur le monde.
Proposer
L’opération était séduisante de vaincre le mal en sa racine ; mais Jésus ne se laisse pas prendre. Il ne se laisse pas séduire par le démon. Il ne s’imposera pas à
coup d’éclat. Jésus refuse de modifier les lois qu’il a créées. Il préfère rester sur sa faim plutôt que de faire un coup d’éclat pour convaincre qui que ce soit.
Jésus refuse de faire intervenir Dieu en sa faveur : il refuse de poser des actes pour forcer la main de Dieu. Jésus refuse la loi du démon : il ne s’imposera pas,
mais il ne s’inclinera pas non plus devant celui qui lui propose de lui donner le pouvoir de s’imposer à toute l’humanité.
Jésus refuse la loi du démon : il refuse de s’imposer.
Il ne vivra pas, au milieu des hommes, comme celui qui s’impose. Car ce que Jésus vient dire à l’humanité c’est l’amour inébranlable de Dieu pour nous. Il vient
proposer de croire en l’Amour que le Père nous porte, il vient dire l’Amour du Père. Et dans le ême mouvement, il annonce l’espérance de Dieu : Dieu espère que
l’humanité acceptera d’être sauvée. Dieu espère que l’humanité croira en son Amour. L’Amour ne s’impose pas à coups d’éclats, il se propose dans le secret du
cœur, il s’expose à être blessé, meurtri de ne pas être reconnu. L’Amour rend pauvre et démuni devant celui que l’on espère, que l’on attend. Jésus, au milieu
des hommes, sera le pauvre qui demande
S'exposer
S’imposer à l’autre, c’est tuer non seulement l’Amour, mais la possibilité même d’aimer. Si Dieu venait à nous en nous imposant de le reconnaître tant ses exploits
sont éclatants nous serions peut-être forcés d le reconnaître mais nous serions empêchés de l’aimer.
Dieu pourrait nous forcer à le reconnaître : il pourrait s’imposer à notre intelligence, à notre volonté, mais il ne pourrait pas pour autant nous forcer à l’aimer.
Que serait un amour forcé, un amour d’obligation, de contrainte ? Si Jésus avait suivi la loi du démon, il aurait fait connaître avec évidence que Dieu ne peut pas
être aimé et ne sait pas ce que c’est que d’aimer.
La contrainte tue l’amour. Elle est le contraire de l’Amour. L’Amour ne peut être que libre et gratuit, vulnérable, pauvre et démuni.
Dieu, au milieu de nous, est pauvre et démuni car il ne veut que notre amour. C’est ainsi qu’il se fait connaître en vérité. Il demande, il mendie notre accueil.
Il mendie notre amour. Il mendie notre confiance. Il espère tout de nous, il endure tout.
Si tu es le Fils de Dieu, disait le démon au jour du désert…
Nous savons fort bien qui tu es, le Messie de Dieu, diront les démons que Jésus chassera du cœur de l’homme. Le démon prétend savoir fort bien qui est Dieu.
Mais c’est un Menteur. Le démon représente le contraire de l’amour. Le démon cherche à nous faire croire qu’on peut connaître vraiment sans aimer. Il peut savoir qui
est Dieu, il ne le connaît pas pour autant… Il ne sait rien de Dieu… « Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu car Dieu est amour », écrit saint Jean.
Puissions-nous nous souvenir qu’on ne peut jamais connaître quelqu’un qu’en l’aimant.
Christine Fontaine
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Miser sur le bonheur
Refuser de soumettre le monde
Jésus au désert.
Jésus face au monde où Dieu l'envoie.
Jésus face au mal qui rôde !
Quel contraste, dans les textes de ce premier dimanche de Carême entre le récit des origines - au livre de la Genèse -
et le récit des origines du nouveau Royaume que Jésus vient instaurer.
Au jardin de l'Eden, le monde est offert. On n'a qu'à tendre la main pour se nourrir et cueillir
des fruits savoureux. : « Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d'arbres à l'aspect attirant et aux fruits savoureux ».
Au jour où Jésus va entrer dans la vie publique, celui qui a faim n'a que des cailloux à se mettre sous la dent.
Le contraste ne tient pas seulement dans l'opposition des décors : une terre luxuriante d'un côté, un sol aride et
des rochers de l'autre. L'appel au coeur humain n'est pas le même ici et là.
Avant l'arrivée du mal - que figure le serpent - l'univers est offert à l'homme. Au désert, quand arrive le mal
sous la figure de Satan, l'homme, en la personne de Jésus, est invité non à accueillir le don de Dieu et
sa générosité mais à plier l'univers à son appétit individuel. Ordonne que ces pierres deviennent des pains !
Accueillir plutôt que prendre
A l'univers où un Autre manifeste sa volonté et sa générosité, Satan oppose un monde où le désir de l'individu
plie l'environnement à ses besoins. D'emblée le ton de l'Evangile est donné. « Convertissez-vous et croyez à
l'Evangile » nous a-t-on dit mercredi. « Convertissez-vous » signifie, à la lettre, « détournez-vous ». Entrer dans
la société humaine c'est, pour Jésus, partir non de ce que l'on veut. C'est partir du désir d'un Autre auquel Jésus donne le nom de Père.
« Ordonne que ces pierres deviennent des pains » : Jésus ne refuse pas le pain, il l'attend d'un Autre.
« Quand vous priez, dites : « Notre Père... donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ! »
Convertissons-nous et croyons à l'Evangile : tel est le mot d'ordre pour les chrétiens en ce début
de Carême. Convertissons-nous ne signifie pas « brisons nos attentes ou nos désirs ». Entendons : la clef du
bonheur n'est pas en nous. Notre volonté n'est pas la source du bonheur. La source du bonheur est dans la volonté du Père.
Plie ce monde à tes appétits. Transforme ces pierres en pains. Fais tourner le monde autour de toi.
Telle est la sollicitation que Jésus refuse. Plutôt que de prendre, de capturer ce qu'il pourrait tirer de ce monde,
Jésus accueille ce que le Père donne aux hommes. Il reçoit le bonheur
que la Bible le dit dès les premières pages le seigneur veut pour chacun.
Se faire nourriture
Jésus au désert.
Jésus face au mal qui rôde : ainsi commence sa vie à l'heure où le Fils de Marie va entrer dans la société des hommes.
Il faut avoir à l'esprit la dernière heure, celle où il lui faudra se séparer de ses disciples et retourner dans
une solitude plus terrible que la solitude du désert. Au jardin de Gethsémani, le combat avec le mal prend un nouveau visage.
S'arracher à sa propre volonté, c'est accueillir encore. Ce qui est à recevoir est difficile à avaler : « Père, s'il se peut,
que ce calice s'éloigne de moi. Cependant, non pas ce que je veux mais ce que tu veux. » Alors les soldats viennent l'arrêter.
Il accueille celui qui vient : le voici livré, donné. S'accomplit ce que laissait présager le séjour au désert. « Ordonne que
ces pierres deviennent des pains ! ». Le refus de Jésus annonce l'heure du Jardin des Oliviers. Jésus n'y transforme pas
les pierres en pains. Il est lui-même devenu pain, donné à ses disciples.
Prends le monde et comble ta faim, dit Satan à la première heure.
« Prenez ! Mangez ! dit Jésus, lorsque son heure fut venue. Après cela Jésus est définitivement donné, livré, abandonné
aux mains des hommes. Vidé de lui-même. « Prenez ! Mangez ! Ceci est le corps livré
sur la croix. Prenez ! Buvez ! Ceci est la vie versée pour la Résurrection du monde.
Croire au bonheur
Convertissons-nous ! Misons sur le Bonheur ! Le Dieu auquel nous croyons est le Seigneur des Béatitudes.
Il veut la joie du monde. Il la veut dès le premier instant où il appelle à la vie. Et puisque l'homme ne
sait pas recevoir il donne encore. Dieu redouble le don de lui-même en Jésus. Le mot Evangile signifie « Bonne nouvelle ».
En Jésus réapparaît la volonté du Père. En Jésus, Dieu est donné en nourriture.
Convertissons-nous ! Croyons au bonheur. Ceci relève de la naïveté, diront certains. En langage chrétien cette naïveté
s'appelle Espérance. Aux heures de désert, aux heures de nuit l'Espérance affirme la lumière. Au coeur de la pauvreté - et la pauvreté
n'est pas seulement une réalité économique - le croyant entend le cri de Jésus sortant du désert : « Heureux les pauvres » !
Michel Jondot
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