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Un esprit
par l'équipe d'animation


" Un esprit... une parole libre "

"Esprit": ce mot est la clé qui permet d'ouvrir la porte et d'entrer dans notre démarche. Devant la diversité de notre équipe, certains s'interrogent. Qu'est-ce qui fait l'unité de ces vingt quatre personnes, apparemment si différentes, qui composent l'équipe d'animation? (cf : Une équipe)

Assurément nulle idéologie ne les rassemble. Leur rencontre est le fruit du hasard. N'est-ce pas ainsi que commence l'aventure évangélique ? A en croire l'Evangile de Jean, comme par hasard, Jean-Baptiste présente deux de ses disciples à Jésus ; l'un d'entre eux, André, rencontre son frère Simon. Jésus rencontre Philippe et Nathanaël : s'amorce un compagnonnage qui ne se réclame d'aucun des mouvements qui traversaient la Palestine de cette époque (Pharisiens, scribes zélotes, saducéens, esséniens). Un va et vient de ce genre nous a conduits les uns vers les autres jusqu'au jour où l'un (l'une) d'entre nous a formulé la proposition d'ouvrir un site : par-delà nos diversités, disait-elle, une parole chrétienne libre pourrait trouver son chemin.

Qu'entendons-nous par parole libre ? A coup sûr, nous estimons qu'une parole qui s'enferme dans la contestation n'est pas une parole libre. Contester la hiérarchie est une attitude servile ; Rome interdit que des femmes soient prêtres : revendiquons pour les femmes le pouvoir d'accéder au presbytérat ! « Humanae vitae » interdit certains moyens de limiter les naissances. Cette mesure est inhumaine : combattons-la ! Certains ont peut-être de bonnes raisons de s'affronter ainsi à des mesures surannées ou critiquables. Nous ne les contestons pas mais nous refusons de nous confondre, en tant qu'équipe animatrice de ce site, avec eux. Nous ne désirons pas nous installer dans une attitude de contre dépendance.

Certains seront alors tentés, peut-être, de penser que nous sommes au service de la Hiérarchie ; ils considèreront que, selon nous, la liberté chrétienne se manifeste dans la soumission à l'autorité épiscopale ou pontificale. S'il est vrai que nous ne voulons pas briser les liens qui nous unissent à l'Eglise, s'il est vrai que nous croyons ne pas pouvoir être disciples de Jésus sans rester en communion avec les évêques, il n'empêche que nous considérons que la parole de ces derniers, en matière éthique, est, la plupart du temps, inadaptée pour notre époque. Comment, par exemple, courir le risque, dans un couple, de voir s'accroître le nombre de ses enfants dans un pays où la plupart des logements sont conçus pour des familles étroites ? Loin de permettre un épanouissement évangélique, une certaine morale ecclésiastique enferme dans la culpabilité.

Allons plus loin ! Lorsque la conscience chrétienne est placée devant une question particulièrement délicate, la hiérarchie ne lui est souvent d'aucun secours. Pendant l'Occupation, lorsqu'un Français prenait l'initiative d'aider un Juif à échapper à la Gestapo, il agissait de son propre chef sans que lui soit fourni le moindre éclairage de Rome. Ceux d'entre nous qui ont fait la guerre d'Algérie se rappellent que lorsqu'ils se trouvaient face à des comportements indignes (viols ou tortures), ils avaient beau se tourner vers le Cardinal Feltin, Vicaire aux Armées en même temps que Président de l'Assemblée des Cardinaux et Archevêques, ils se heurtaient à un silence étrange qui les acculait à décider par eux-mêmes de s'opposer à l'autorité légitime de leur pays ou de s'y soumettre avec résignation.



L'obéissance de la foi

Lorsqu'un chrétien se trouve ainsi affronté à une question particulièrement délicate et lorsqu'il n'a pas le soutien d'une morale susceptible de l'éclairer, il atteint ce point où nous voudrions nous maintenir. Nous pensons qu'en ce point, se manifeste l'originalité chrétienne et que peut s'y déployer la véritable liberté spirituelle. Parlons d'obéissance de la foi pour désigner ce comportement où l'Esprit libère les énergies du croyant.

Parler d'obéissance de la foi ne consiste pas à opposer une obéissance aux lois de l'Eglise qui nous viennent par la hiérarchie à une obéissance qui ne se soumettrait qu'à Dieu. Le mot « obéissance », dans ce cadre, appelle une définition. Il doit être entendu dans un sens particulier. Il ne désigne pas le comportement qui consiste à courber l'échine devant un supérieur. Il s'agirait plutôt de relever la tête pour faire face à Celui dont nous attendons une parole qui entraînera une réponse. L'obéissance de la foi permet d'opérer un discernement : il s'agit de dépasser toutes les sollicitations humaines, fussent-elles exprimées en langage ecclésiastique, pour entrer dans le désir d'un Autre que Jésus nous invite à appeler « Père ».

Ce discernement est indispensable pour vivre le comportement chrétien le plus ordinaire. Il s'impose aussi par rapport aux instructions de l'Eglise. Si, en se soumettant aux injonctions d'une Encyclique, on n'a pour seul souci que d'être en règle avec la morale, parlons d'infantilisme. En revanche, si en recevant telle ou telle instruction, on sort de sa propre volonté pour se mettre à l'écoute du désir que Dieu a sur nous, on entre dans l'obéissance de la foi. Celle-ci, loin d'être une attitude servile, s'avère la liberté de l'Esprit ; elle est une façon de vivre ses responsabilités: on devient capable de répondre à l'attente d'un Autre. De même si, au nom de l'Evangile, nous nous insurgeons contre telle ou telle réaction de la hiérarchie, comme le faisait Bernanos devant la lâcheté des évêques d'Espagne pendant la guerre civile, là encore nous entrons dans l'obéissance de la foi si tant est que ce qui commande est la volonté du Père telle que nous la discernons. « Je ne suis pas venu abolir la Loi mais l'accomplir », disait Jésus.




« Tout est accompli » : tels sont les derniers mots que, sur la Croix, Il a prononcés. C'était après la nuit de Gethsémani où il se soumettait à la volonté du Père. La Croix du Christ nous révèle les limites de la Loi (« Nous avons une loi et d'après cette loi, il doit mourir »). Reste la seule volonté du Père que Jésus écoute pour être à la hauteur de sa vocation de Fils de Dieu : « Christ, obéissant jusqu'à la mort...c'est pourquoi Dieu l'a exalté « (Phil. 2,6). C'est dans cette cohérence que nous introduit ce que nous appelons « l'obéissance de la foi ». Il s'agit d'aller jusqu'au bout de ce que la loi demande. Mais lorsque l'objet demandé par celle-ci est inaccessible, lorsque la loi ne permet plus la vie, restent l'Autre et son désir dans lequel la foi nous fait entrer.

Lorsque la loi ne peut plus rien pour nous, lorsqu'il nous faut inventer une manière de répondre au Père, comment être assurés que nous ne prenons pas des vessies pour des lanternes et que nous ne confondons pas nos rêves avec la volonté de Dieu ? Cette question ne peut être abordée si l'on oublie que le mystère chrétien est celui de la parole. Sans doute est-il important, pour répondre à ce souci, de se référer à la manière dont l'Eglise est née. La lecture de la première lettre de St Paul aux Corinthiens, à ce titre, est particulièrement instructive. On y devine comment se constituaient les premières assemblées, les questions qu'on y abordait, les difficultés qu'on y vivait. A coup sûr, dans ce contexte, on rapporte ce qu'on se rappelle du Seigneur (« j'ai reçu du Seigneur ce qu'à mon tour je vous ai transmis... »).

Dans ce cadre l'Evangile prend naissance. L'apôtre se dépense auprès des Corinthiens pour faire en sorte que la parole qui s'y déploie, permette que les différentes compétences (Paul se sert du mot charisme pour les désigner) puissent fonctionner ; dans cette diversité, l'Esprit travaille et se manifeste et les fantaisies individuelles sont effacées. Parmi les compétences que Paul signale, deux sont à retenir si l'on veut échapper au risque de se faire illusion lorsqu'on échappe à la loi. D'abord, Paul se méfie des paroles obscures. Dans la communauté de Corinthe, certains produisaient des discours en des langues étranges et inconnues : l'apôtre refuse ce genre d'expressions si, dans l'assemblée, personne n'est là pour les interpréter et les rendre claires pour tous. D'autre part, il faut veiller à ce que la parole ne dérive pas et contribue à faire vivre dans l'Esprit. On ne peut pas dire n'importe quoi ; c'est pourquoi il convient que, parmi ceux qui prennent la parole, un certain nombre soient capables « de discerner les esprits ». Autrement dit, lorsqu'on n'est plus protégé par la loi, lorsqu'on est conduits à inventer sa vie plutôt que de la plier à des impératifs insensés ou impossibles à réaliser, il est prudent d'être inséré dans une communauté ou un réseau où l'on peut non seulement être reconnu mais pris dans une sagesse fraternelle.



Le discernement des esprits

Les pages de ce site peuvent-elles être assez claires pour aider au discernement des esprits ? Elles tentent, en tout cas, d'ouvrir le champ d'une parole qui s'articule sur celle qui a permis que naisse l'Eglise. Il s'agira, nous l'espérons, d'une parole qui ne se laisse pas enfermer dans un système. C'est pourquoi nous espérons que pourront s'y exprimer des personnes venant des horizons les plus divers. En particulier, nous nous réjouirons si la possibilité de s'exprimer est donnée à des personnes étrangères au christianisme mais qui ont sur la vie, voire même sur l'Eglise, un regard original.

Il s'agit d'une parole qui fasse apparaître des manières de vivre libératrices. Il n'est pas question de donner des vies en exemple mais d'apporter des témoignages où plusieurs pourront reconnaître que la vie chrétienne n'est pas la reproduction d'un modèle mais une manière d'inventer la vie.

Il s'agit d'une parole qui ne fuit pas les questions posées à la conscience contemporaine, même si nous les abordons en des termes qui ne sont pas nécessairement ceux de l'Eglise officielle. Nous éviterons de nous exprimer, bien sûr, sans nous assurer le concours de personnes compétentes. Mais nous n'essaierons pas d'éviter les heurts lorsque nous estimerons que la fidélité à l'Evangile est en jeu.

Il s'agit d'une parole libre. Nous n'avons pas la volonté d'être systématiquement critiques à l'égard de qui que ce soit ; nous n'hésiterons pourtant jamais à dire ce qui nous heurte ou nous réjouit, dans la société ou dans l'Église.

Il s'agit d'une parole qui peut prendre les formes les plus diverses. La peinture ou la poésie peuvent traduire mieux que des discours, le mystère chrétien. Il s'agit d'une parole humaine et par conséquent fragile mais une parole qui souhaiterait apporter un écho de la Parole de Dieu, de l'Évangile en particulier.

Il s'agit d'une parole qui aide à la réflexion ; des intellectuels et des théologiens nous ont assurés de leur concours.

L'équipe animatrice, mai 2010