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Commémoration de tous les fidèles défunts

Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc
Mc 15 et ss

Jésus avait été mis en croix. Quand arriva l'heure de midi, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! »

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé.

Entre deux temps

Ceux qui nous ont précédés

Ce dimanche ne ressemble pas aux autres. Nous le vivons dans l’évocation de tous les proches que nous avons connus. Dans les allées de nos cimetières, en ce jour, on se recueille devant les tombes de ceux que nous avons aimés. Chaque jour nous côtoyons des visages de chair : membres de nos familles, voisins, collègues, inconnus dans les rues dont nous croisons les regards. Ce deux novembre nous rappelle que nos existences sont plus larges que ce que nous en montrent nos yeux. Elles englobent tous ceux qui nous ont précédés, ceux qui nous ont donné la vie, ceux dont nous avons partagé l’existence, ceux que nous avons aimés et même ceux avec qui la vie fut difficile, qui nous ont offensés ou à qui nous aurions dû demander pardon.

Certes, chacun d’entre nous, aujourd’hui se rappelle ceux et celles qui ne sont plus mais dont le passé reste incrusté dans son histoire personnelle. Mais nous avons à nous souvenir aussi de tous ceux qui, pour le meilleur et pour le pire, au fil des millénaires et des siècles, ont forgé notre histoire. L’Eglise, en ce jour, refuse de les enfermer dans un néant inaccessible : « Tous les hommes qui ont quitté cette vie, reçois-les dans ta lumière auprès de toi !»

Le croisement des jours

Ce dimanche se distingue des autres en nous invitant à considérer que nous sommes pris entre deux temps et que la croix du Christ est la jonction de ces univers. La nuit est le croisement d’un jour à un autre. C’est sans doute pour évoquer ce passage que le récit de la Passion signale qu’avant le dernier souffle, avant le dernier cri de Jésus, en plein « midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre » : la mort du Fils de Marie est un passage (une pâque). L’humanité tout entière – « la multitude » avait-il dit la veille - est nouée à cet événement. La communauté des morts semble coupée de celle des vivants. En réalité elles sont liées l’une à l’autre aussi sûrement qu’un jour est lié au lendemain auquel conduit la nuit. Le texte commence par ces ténèbres qui, en plein midi, marquent l’effacement du « Jour de Dieu ». Il se termine par une autre image : celle du voile du Temple. Une cloison, toujours, sépare deux sortes d’espace. La mort du Maître fait tomber les frontières entre l’univers du Père, source de la vie, et de cette humanité dont le Fils vient partager la pauvreté, celle qui nous attend tous à l’heure de notre mort. Le centurion ne s’y trompe pas : « Voyant comment il avait expiré, il s’écria : Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! »

La communion des saints

Oui ce dimanche ne ressemble pas aux autres. La couleur dont il est imprégné en ses profondeurs ne ressemble pas à celle de ces semaines d’automne où le ciel s’est assombri. Evidemment le chagrin qui nous envahit n’est pas effacé par le mystère de la Passion. Du moins une promesse nous est-elle adressée. Nous ressemblons, en ce jour, aux disciples qui recevaient après la Cène les dernières paroles de leur Maître : « Vous pleurerez et vous vous lamenterez...vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie ».

L’histoire de l’Eglise a trouvé un mot pour éclairer cet avenir mystérieux et promis: « La communion des saints ». Le croisement qu’opère la Croix n’est pas seulement celui d’un temps et d’un autre, de la communauté des vivants et de celle des morts. La mort de Jésus récapitule toute l’histoire ; elle fait de « la multitude des hommes » un seul corps. On sait très bien que parmi ceux qui nous ont précédés, les forces du mal, les forces de mort se sont déchaînées. Qu’en est-il de ceux dont la vie a gâché l’œuvre de Dieu et méprisé sa volonté ? Ne méritent-ils pas un châtiment éternel ? En réalité la Croix du Christ dépasse la justice telle que nous la concevons. Certes la Loi entraîne la condamnation ; elle entraîne aussi les honneurs de ceux qui s’y soumettent allègrement et saintement. La sainteté des uns, en réalité, croise la perversité des pécheurs. Le pécheur tend la main au pécheur et le pécheur tend la main aux saints. Les mérites de ces derniers ne lui appartiennent pas et ceux-ci ne refusent pas de partager avec tous, les forces du mal qui appelleraient condamnation. Où est le pécheur où est le saint ? La question n’a plus de sens lorsqu’à la suite du centurion de l’Evangile, voyant la nuit se dissiper au-dessus de la Croix, on peut dire de Jésus : « Vraiment il est le Fils de Dieu ».

Entrer dans le désir de Dieu

Oui, ce dimanche ne ressemble pas aux autres. Mais, quand on a lu l’Evangile de la Passion, quand on devine ce qu’est la Communion des Saints, à quoi bon prier, comme l’Eglise nous y invite Le salut de nos défunts n’est-il pas assuré ? Pourquoi célébrer des Eucharisties pour les défunts comme on nous y engage. En réalité, recevant, grâce à Jésus, le bonheur que mériteraient les saints, nous entrons dans le désir de Père, nous communions à ce désir. Que vaut un cadeau qui ne correspond pas à une attente ? « Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur », étendons-le aux dimensions du Père de Jésus. Que sa volonté soit faite, non seulement sur cette terre mais dans l’autre du monde, le ciel, où nous entrons au jour de notre mort.

Michel Jondot