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12ème dimanche du temps ordinaire

Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu
Mt 10, 26-33

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »


Mystérieuse alchimie !

Dieu guérisseur

Nous avons tous entendu parler de ces mouvements évangéliques qui prospèrent aux États-Unis et en Afrique mais que l’on trouve également en Europe. Ils s’appuient en particulier sur cette parole de Jésus : « Quant à vous (les croyants), même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus que tous les moineaux du ciel… » Leurs leaders enseignent à leurs adeptes que - s’ils sont vraiment croyants - Dieu les guérira par leurs mains de toutes les maladies non seulement de l’âme mais aussi du corps. Ils s’appuient sur un autre passage d’Évangile – celui où Jésus déclare que ses disciples sont bien plus précieux que les lys des champs nourris et habillé de splendeur par le Père – pour prétendre qu’un bon croyant ne peut manquer de prospérer financièrement. Moyennant quoi, ces gourous se font souvent financer très grassement puisque c’est – soi-disant – en passant par eux que Dieu accordera à leurs ouailles richesse et guérison.

Jésus dit encore : « Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. » Effectivement ces soi-disant chefs spirituels n’ont pas à craindre le discrédit des hommes : si la guérison ou bien la richesse tant espérées n’arrivent pas ce n’est jamais de leur faute mais uniquement à cause du manque de foi de leurs disciples. Manque de foi en Dieu ou dans les médiateurs qu’ils prétendent être. La boucle est bouclée : c’est en croyant davantage en leurs pouvoirs miraculeux que cette pauvre humanité obtiendra santé et prospérité ! On peut sourire de la crédulité de ces personnes. Elle révèle aussi peut-être que lorsqu’une épreuve nous touche vraiment nous sommes prêts à suivre n’importe qui et à faire n’importe quoi pour en sortir.

Dieu s’absente

D’autres, bien plus nombreux parmi les croyants, touchés par la maladie, la mort d’un enfant ou d’un jeune, la détresse matérielle ou toute autre épreuve disent que Dieu n’a rien à voir avec tout cela. Ce n’est pas lui qui le veut. Simplement il ne se mêle pas de nos existences à ce niveau-là. Mais alors à quel niveau nous rejoint-il ? En avons-nous un autre à lui offrir que cette existence quotidienne marquée bien souvent par l’épreuve, la maladie, la mort, la détresse matérielle pour beaucoup ? Et surtout comment entendre cette parole de Jésus : « Est-ce qu’on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Or pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés » ?

Nous ne sommes pas prêts à épouser la crédulité de ceux qui s’en remettent à des gourous en s’appuyant sur le fait que Dieu prend soin du moindre cheveu d’un croyant. Mais nous ne sommes pas non plus prêts à croire que ce Dieu -  qui prétend prendre soin de chacun bien mieux qu’il ne veille sur un moineau - veut l’épreuve qui nous touche. Donc nous l’en disculpons en pensant qu’il ne se mêle pas de ça. Mais qu’est ce que notre existence en dehors de ça ? Où Dieu nous rejoint-il si ce n’est pas là ?

Et nous oscillons entre un Dieu qui s’occupe de tout et un Dieu qui ne s’occupe pas de ce qui est essentiel pour nous. Plus encore, nous refusons un Dieu qui, s’occupant de tout, s’occuperait surtout à nous plonger dans l’épreuve. En effet, s’il ne peut arriver aux croyants que ce que Dieu veut, alors cette maladie terrible ou cette mort d’un enfant sont voulues par Lui, autrement dit Il aime que nous les subissions. Notre Dieu se complaît dans ce qui fait notre malheur. Il est alors réellement pervers et, par un réflexe de santé, nous refusons de nous laisser prendre par la perversité de ce Dieu-là. Nous préférons le quitter plutôt que d’être acculés à justifier l’injustifiable. Et c’est là le piège de « celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps ».

Dieu supporte

De même qu’il y a dans le monde une force de vie qui, pour les croyants, trouve sa source en Dieu qui est la Vie, de même il y a une force de mort qui passe par les hommes mais qui les dépasse. La force de celui qui veut tuer l’âme aussi bien que le corps et que l’on peut appeler du démoniaque. Cette force nous pousse à nous couper de Dieu ; elle veut tuer notre foi en Dieu en nous forçant à cette alternative : ou bien Dieu est pervers ou bien il ne s’intéresse pas vraiment à nous. Ou bien il faut quitter Dieu ou bien considérer que c’est Lui qui nous a quittés puisqu’il n’est pas vraiment avec nous dans les épreuves.

À cet « ou bien » « ou bien » qui nous poussent l’un et l’autre à nous séparer de la Source de toute vie, il n’y a qu’une seule réponse. Celle que Jésus a donné sur la Croix. La condamnation et la mort de Jésus étaient le comble de l’injustice. Ce n’est pas Jésus qui a voulu cette injustice mais c’est lui qui l’a supportée jusqu’au bout, jusqu’à pouvoir se croire abandonné de Dieu mais sans pour autant renoncer à l’appeler « Père » : « Père pourquoi m’as-tu abandonné ? » A l’heure même où victime innocente d’une mort infâme, il se sent abandonné de Dieu il crie encore vers le Père en lançant vers le ciel cet immense « Pourquoi ? » Ce pourquoi qui est le nôtre quand l’épreuve nous touche, ce pourquoi qui est sans réponse mais qui, s’il demeure un cri lancé vers le Père, est déjà l’aube d’une résurrection.

Madeleine Delbrel a parlé de cette mystérieuse alchimie entre ce que Dieu veut et ce qu’il supporte. Dieu ne veut pas l’injustice mais il la supporte, Dieu ne veut pas la mort mais il la supporte. Le Dieu de Jésus-Christ ne met pas les croyants à l’abri des épreuves mais il nous donne, à la suite de Jésus, la force de les supporter sans en être déshumanisés. À la suite des attentats commis par Daech, plusieurs proches des victimes ont déclaré : « les auteurs d’attentat n’auront pas notre haine. » A la suite des injustices et des épreuves que nous subissons le démon veut nous pousser à avoir de la haine pour Dieu et à pulvériser notre foi. Voilà « ce qui est voilé et que Jésus dévoile, ce que les apôtres entendent au creux de l’oreille et qu’ils ont à proclamer sur les toits ».

Aux gourous qui prétendent que si nous croyons en leur pouvoir Dieu nous épargnera les épreuves, à celui qui veut nous pousser à croire que Dieu est pervers, ou bien à celui qui veut nous faire croire que Dieu a autre chose à faire que de s’intéresser aux histoires de chacun, nous n’avons qu’une seule réponse à proclamer sur les toits : « Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, vous ne tirerez pas de nous la haine de Dieu, vous ne viendrez pas à bout de notre foi ! » A l’heure des épreuves, à la suite de Jésus, nous n’hésiterons pas à crier « Pourquoi m’as-tu abandonné, pourquoi moi ? » mais nous voulons le crier vers le Père ! Nous croyons envers et contre tout qu’Il est la Vie et qu’il nous donnera de passer par cette épreuve sans en être déshumanisé. Fût-ce dans la nuit la plus totale, que Dieu nous donne la force de crier vers lui ! Que Dieu nous donne la force de lutter contre celui qui veut tuer notre âme aussi bien que notre corps ! Il y a du démoniaque en ce monde mais Dieu est bien plus fort que lui, nous le croyons !

Christine Fontaine