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15ème dimanche

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
Lc 10, 25-37

Pour mettre Jésus à l'épreuve, un docteur de la Loi lui posa cette question : «Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle?» Jésus lui demanda: «Dans la Loi, qu'y a-t-il d'écrit? Que lis-tu?» L'autre répondit : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même.» Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie.» Mais lui, voulant montrer qu'il était un homme juste, dit à Jésus : « Et qui donc est mon prochain?» Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits; ceux-ci, après l'avoir dépouillé, roué de coups, s'en allèrent en le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l'autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l'autre côté. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié. Il s'approcha, pansa ses plaies en y versant de l'huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d'argent, et les donna à l'aubergiste, en lui disant : 'Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.' Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits?» Le docteur de la Loi répond: «Celui qui a fait preuve de bonté envers lui.» Jésus lui dit : «Va, et toi aussi fais de même.»

Un hôpital de campagne
Christine Fontaine

Le bon Samaritain
Michel Jondot

Qui est mon prochain ?
Christine Fontaine


Un hôpital de campagne

Du côté des soignants

Le Pape François évoque souvent cet évangile pour inviter les catholiques, en particulier les membres de la hiérarchie, à suivre l’exemple du bon samaritain. Il fait remarquer que ceux qui étaient au service du Temple – prêtre et lévite, on pourrait dire évêque – étaient probablement trop occupés par leur institution ecclésiastique et le soin qu’ils avaient de servir l’institution. C’est pourquoi ils n’ont pas jugé utile de s’arrêter pour soigner cet homme en péril, croisé sur leur chemin. Le Pape invite les catholiques à transformer l’Eglise en « hôpital de campagne », un lieu où tous les blessés de l’existence pourront trouver refuge et soins. Il leur demande de se faire leur prochain. Cet amour donné à celui qui souffre ou qu’on exclut doit être cultivé par-dessus tout. C’est le vrai culte que Dieu désire. Nul ne peut prétendre aimer Dieu s’il n’a compassion de son prochain qu’il voit dans la détresse. Ce culte-là vaut mieux que tous les services d’autel, toutes les offrandes et tous les sacrifices.

Comment ne pas se réjouir que l’Eglise aujourd’hui soit appelée à devenir un hôpital de campagne et cesse d’être une citadelle inébranlable, enfermée dans son culte et dans ses lois ! Cependant le Pape, en s’exprimant ainsi, n’a peut-être pas tout dit de sa pensée ou de cet évangile. En effet appeler l’Eglise à soigner les malades de la vie, n’est-ce pas considérer qu’elle-même est du côté des médecins et des bien-portants ? N’y a-t-il pas une sorte de supériorité à considérer que les handicapés ou les personnes en péril sont les autres ? Les chrétiens – qu’ils soient évêques, prêtres ou simples fidèles – n’ont-ils pas aussi à se souvenir qu’ils sont ou ont été un jour du côté de l’homme que l’on retrouve couvert de blessures, en danger de mort sur la route ? A lire de près cet évangile, il semble bien que Jésus nous conduise jusque-là.

Du côté de l’homme blessé

Il est écrit dans la Loi qu’il faut aimer Dieu et son prochain comme soi-même mais « Qui est mon prochain », demande le légiste. Et Jésus, après avoir raconté l’histoire de ce samaritain, lui demande : « Qui a été le prochain de cet homme tombé aux mains des bandits ? » Dans sa réponse, Jésus n’invite pas à se situer d’abord du côté de celui qui porte assistance mais du côté de l’homme blessé au bord de la route. Le prochain est à considérer à partir de la position de celui qu’on a roué de coups et non l’inverse. Autrement dit, Jésus nous invite à prendre la place de l’homme blessé. Il nous demande de nous souvenir qu’un jour nous aussi nous avons eu besoin d’un bon samaritain qui s’est fait notre prochain. Notre prochain est d’abord celui qui a eu compassion de nous le jour où nous étions mal en point ; il n’est pas d’abord celui que nous soignons parce que nous sommes bien portant.

« Va et toi aussi fais de même », dit Jésus au légiste qui était venu le mettre à l’épreuve. Jésus remet cet homme à sa place ; non pas celle du bon samaritain mais celle d’un grand blessé. Il lui dit : « Plutôt que de te servir de la Loi pour me tendre un piège et pour affirmer ta maîtrise sur moi ou sur les autres, souviens-toi du jour où toi-même as été blessé et aime celui qui t’a secouru ce jour-là. » Par cette histoire du bon samaritain, Jésus enseigne ce qu’il en est l’amour du prochain, autrement dit de la compassion que nous devons avoir les uns pour les autres.

Ceux qui ont été amenés à assister des personnes profondément blessées – un grand alcoolique, un détenu sortant de prison, un sans papier – savent que bien souvent l’aventure se termine mal. En effet, il n’est pas rare que celui qui est secouru, une fois rétabli, se retourne contre celui qui lui a porté assistance. Humilié par cette situation d’infériorité passagère, il ne veut plus s’en souvenir et, dans le même mouvement, rejette celui qui a été témoin de sa déchéance. Vincent de Paul disait : « Nous ne devons pas chercher la reconnaissance de ceux que nous aidons mais plutôt nous excuser d’avoir à leur porter assistance car ils sont victimes d’une injustice : celle d’avoir vécu une situation d’infériorité. » Jésus, quant à lui, invite chaque croyant – qu’il soit évêque, prêtre ou simple fidèle – à aimer comme son prochain le plus proche celui qui l’a un jour assisté. Il nous invite à ne pas oublier que si aujourd’hui nous sommes peut-être du côté des bien-portants nous avons été un jour ou nous serons peut-être demain du côté des blessés. Seul celui qui reconnaît avoir eu un jour besoin de la compassion des autres, ou de Dieu, peut devenir compatissant sans exercer de supériorité vis-à-vis de celui qui l’assiste.

Le soignant est aussi un grand blessé !

Personne ne peut être un bon samaritain s’il ne reconnaît qu’il ne serait pas en bonne santé aujourd’hui s’il n’avait été secouru hier alors qu’il était en péril. Prêtres, évêques ou simples fidèles, nous sommes tous appelés par cet évangile à nous souvenir de ceux qui nous ont secourus. Nous sommes sollicités par Jésus à être plein de reconnaissance pour eux. Ainsi pourrons-nous commencer à aimer notre prochain comme nous même.

Est-ce à dire que ceux qui ne se sont jamais trouvés roués de coup et en grand péril ne sont pas capables d’amour du prochain ? Peut-être sont-ils moins avantagés que les autres… à moins qu’ils ne réalisent leur chance. N’ont-ils pas de la chance ceux qui n’ont jamais connu de danger mortel tant dans leur corps que dans leur esprit ou leurs affections ? Si, de ne pas avoir été en grand danger, ils se croient meilleurs que les autres alors ils ne sauront jamais aimer quiconque. Ceux qui n’ont pas eu à supporter de graves blessures ne doivent-ils pas avoir d’autant plus de reconnaissance à l’égard de ceux dont l’amour a aplani leur route ? Et, s’ils sont croyants, ne doivent-ils pas avoir d’autant plus de reconnaissance à Dieu dont l’Amour nous devance toujours ? Alors seulement l’Eglise devient un hôpital de campagne où les soignants sont également des hommes blessés.

Christine Fontaine


Le bon Samaritain

L’Eglise comme une auberge !

« Jésus annonçait le Royaume et c’est l’Eglise qui est venue ».
Cette phrase de Loisy est bien connue. Cet historien que la hiérarchie avait condamné, prétendait contester le lien de communauté entre les disciples et l’institution cléricale qui s’affirme héritière du message de Jésus. Loisy avait-il tort ou raison ? Aux savants de le dire. Toujours est-il que cette histoire bien connue me semble fournir une jolie parabole pour nous faire rêver sur ce que pourrait devenir l’Eglise aujourd’hui.

On souhaiterait qu’elle soit comme cette auberge. Elle n’est pas à l’écart des foules qui avancent sur la route de Jérusalem à Jéricho. On n’a guère qu’à pousser la porte pour y reprendre force et se restaurer. Des personnes de toutes sortes passent près d’elle et pourraient y entrer, assurés d’être accueillis quels qu’ils soient et tels qu’ils sont. On y trouve des bandits – on dirait de nos jours de la racaille – On y trouve aussi des personnages fort respectables : un prêtre, un lévite. Dans cette société palestinienne qui ne connaît pas la laïcité, ce sont des hommes qui font autorité. Même l’étranger considéré comme méprisable, le Samaritain, lui aussi lorsqu’il se déplace n’a pas même besoin de frapper pour franchir la porte et se trouver chez lui. C’est d’ailleurs ce qu’il n’hésite pas à faire à en croire le récit.

L’huile et le vin

On souhaiterait aussi que, dans l’Eglise, tous les blessés de la vie trouvent, comme cet homme roué de coups, de quoi se relever. Cette victime des bandits est prise en pitié ; on lui soigne ses plaies avec de l’huile et du vin. Ce petit détail n’est peut-être pas insignifiant. L’huile n’est-elle pas utilisée dans l’Eglise pour la célébration des sacrements ? Elle entre en composition dans la confection du chrême pour le baptême. Quant au vin, il pourrait être la marque de l’Eucharistie. L’Eglise, certes, n’hésite pas à célébrer les sacrements. Elle aurait même tendance à se lamenter de voir sa clientèle diminuer. Peut-être devrait-elle réapprendre qu’ils sont faits non pour les bien-portants, comme disait Jésus, mais pour les malades. Je n’ai, pour ma part, aucune idée a priori sur la place des homosexuels dans la société. Mais j’ai du mal à comprendre que lorsqu’ils vivent une expérience amoureuse, elle les écarte de l’Eucharistie. Nous découvrons que l’homosexualité est difficile à vivre lorsque la société la stigmatise. Les événements récents ont vu l’Eglise aux côtés de ceux qui excluaient. Et pourquoi refuser la communion aux divorcés remaniés s’ils ont la foi ? Est-ce par ce qu’on oublie qu’un amour brisé est une souffrance ? Qui a fait preuve de bonté envers l’homme à moitié mort ? demande Jésus. N’est-ce pas celui qui s’est approché de lui ? Pourquoi l’Eglise écarte-t-elle ceux qui ont mal ?

Dans l’attente de son retour

Notre Samaritain passa la nuit au chevet du malade dans cette auberge. « Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent et les donna à l’aubergiste en lui disant : prends soin de lui ». Jésus, mettant en scène cet étranger qui réside un temps non négligeable auprès du blessé, ne songe-t-il pas à lui-même ? Certes, il est venu chez les siens. Mais le malentendu avec ceux qu’il est venu rejoindre crée un écart pire que celui qui sépare deux hommes se rencontrant, arrivant chacun d’un continent lointain, sans langage commun pour se parler. Jésus était devenu un étranger dans sa propre patrie. Il demeura parmi les siens quelque temps et à ceux qui crurent en lui, avant de retourner chez son Père, il donna le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ces deux pièces d’argent déposés dans la main de l’aubergiste font songer à cette parabole où un roi partant dans un pays lointain remit une somme d’argent à trois de ses serviteurs, leur demandant d’en faire le meilleur usage. Jésus est, nous dit le Credo, « monté aux cieux ». En nous quittant il a fait don du trésor qui le fait vivre, l’Esprit qui l’anime et dont la somme d’argent des paraboles est peut-être la figure. Le risque est grand d’étouffer l’Esprit et d’imiter le serviteur qui enfouit son talent par peur de perdre, alors qu’il aurait pu accroître le prestige de son maître. L’aubergiste, en tout cas, a en mains de quoi sauver une vie. Avec le message qu’elle a reçu, avec l’Esprit qui lui est donné, l’Eglise peut, elle aussi, faire reculer la mort et donner les signes avant-coureurs de la Résurrection.

Il serait dangereux de faire le procès de l’Eglise d’aujourd’hui. On peut regretter telle ou telle de ses attitudes. On peut dénoncer des comportements en contradiction avec le message à transmettre. Mais le croyant qui s’enfermerait dans la critique oublierait que, quoi qu’il en soit, l’auberge de la parabole est un lieu d’espérance où une promesse est déposée : « Prends-soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai ». L’étranger reviendra ; quoi qu’il arrive, son retour ressemblera à son passage. Il est fort possible qu’il trouve le blessé guéri et l’aubergiste malade. Ce qui est sûr c’est que son seul souci sera de réparer et de soigner, non de condamner. L’auberge n’est pas seulement le lieu où l’on retrouve ses forces mais l’espace d’une attente. L’Eglise n’est pas seulement, sur la route de l’histoire, une institution dont l’humanité aurait beaucoup à attendre. Pour celui qui croit, elle est, malgré tout, la porte de l’Espérance.

Jésus annonçait le Royaume, c’est vrai. L’Eglise est venue : elle n’est pas le Royaume, c’est encore plus vrai. Mais il est bon de l’aimer non pour ce qu’elle est mais pour les promesses dont elle est dépositaire.

Michel Jondot


Qui est mon prochain ?

Jésus, L'homme blessé

« Et qui donc est mon prochain ? » demande à Jésus ce docteur de la Loi qui,
non content de vouloir mettre Jésus dans l'embarras,
veut aussi lui montrer qu'il est un homme juste.

Cet homme n'aborde pas Jésus que pour le prendre au piège.
Il veut voir si Jésus fait la bonne réponse.
Il ne désire pas savoir ce qu'il faut faire pour avoir part à la vie éternelle.

Il le sait.
La Loi lui donne réponse à tout. Jésus est son prochain
- sûrement blessé par ces questions insidieusesdu docteur de la Loi-
Jésus est son prochain et il sera celui des grands prêtres
et docteurs de la Loi qui le déclareront coupable.
Aujourd'hui, ce docteur se contente de mettre Jésus dans l'embarras ;
demain, Jésus prendra la route de Jérusalem pour être livré par les siens.

« Et qui donc est mon prochain ? » demande le docteur de la Loi.
Et Jésus lui raconte une histoire, sa propre histoire.
« Je suis celui que vous dépouillez, rouez de coups et laissez aller tout à fait mort.
Je suis celui qui vient au milieu de mon peuple
et que vous repoussez en vous servant de la Loi de Dieu, contre Dieu.
Je suis tombé aux mains des bandits
qui veulent m'embarrasser en me montrant ce qui est juste. »

Jésus, le samaritain

« Et qui est donc mon prochain ? » demande ce docteur de la Loi qui,
non content de vouloir mettre Jésus dans l'embarras,
veut aussi lui montrer qu'il est un homme juste.

« Je suis ton prochain, lui répond Jésus, toi qui me prends pour un étranger,
- un Samaritain - qui ignorait tout de la Loi.
En vérité, toi qui veux me mettre dans l'embarras et qui te prétends juste,
tu es à mes yeux cet homme blessé.
Tu es celui que je charge sur ma monture et que je veux soigner.
Tu es celui pour qui j'ai tout donné et de qui je prends soin.
Je suis celui qui, malgré ta perversité, fais preuve de bonté envers toi.
Je te vois à moitié mort et j'ai pitié de toi. »

« Je suis ton prochain, dit Jésus, car aujourd'hui, sous ta prétendue suffisance,
je sais que tu es blessé et mourant. Mais tu ne crois pas à ma bonté.
Demain, tu seras mon prochain car je prendrai ta place :
à ta place, je vais souffrir, être dépouillé, et être livré à la mort.
Mais toi, tu passeras sans me voir, comme ce prêtre
ou ce lévite sur la route qui mène de Jérusalem à Jéricho.»
Ainsi Dieu est-il le prochain de toute l'humanité ;
Dieu ne fait qu'un avec la souffrance humaine.
Mais nous passons sans le voir :
qu'il se révèle sous les traits de celui qui vient nous guérir
ou sous les traits du serviteur souffrant,
nous ne reconnaissons pas notre Dieu vivant au coeur de l'humanité.

Ils sont un

« Que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? »
-« Aime le Seigneur ton Dieu... et ton prochain comme toi-même. »

Depuis Jésus, nous le croyons, Dieu est le prochain de l'humanité.
Il ne fait qu'Un avec elle.
Aussi, celui qui veut aimer Dieu aime ses compagnons d'humanité :
Dieu s'y révèle par Jésus, sous les traits du bon Samaritain
qui prend sur lui nos souffrances ;
Dieu s'y révèle aussi sous les traits du pauvre assailli par les coups de la vie.

L'humanité est proche de Dieu ; Il ne fait qu'un avec elle.
Aussi, celui qui veut aimer les hommes se tourne vers Dieu
et l'aime de tout son coeur, de toute son âme,
de toute sa force et de tout son esprit.
Qu'il aime Dieu seul, qu'il aime le Dieu unique, qu'il n'aime que Dieu
et il découvrira sous les traits de chaque homme le fils de Dieu.

Depuis Jésus, nous le croyons, chacun de nous est appelé
à s'aimer lui-même autant qu'il aime son prochain.
Mystère de Dieu, mystère de l'homme :
lorsque je suis blessé par le péché, Dieu est mon prochain,
celui qui me prend sur sa monture ;
lorsque, en bonne santé, j'assiste mes compagnons d'humanité meurtris
c'est encore Dieu qui m'habite.
Mystère de l'homme à qui Dieu donne part à sa vie; mystère de l'homme que Dieu rejoint!

Christine Fontaine