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Dimanche de la Sainte Trinité

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 16,12-15

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : "J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : Il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.

Vivre en relation
Christine Fontaine

Viendra l'Esprit de vérité
Michel Jondot

Amour et vérité s'embrasseront
Christine Fontaine


Vivre en relation

Nous avons des relations !

Un missionnaire, appelons le René, revenant récemment d’Afrique s’est confié à ses proches. Ila été profondément désappointé par ce qui s’est révélé au moment de son départ. Tous les chrétiens sont venus le saluer apparemment amicalement mais c’était pour chacun l’occasion de lui demander quelque chose : pour les uns la possibilité d’être accueillis en France, pour d’autres d’être mis en relations avec des chrétiens d’Occident qui les aideront financièrement ; d’autres encore lui demandaient sa voiture ou telle pièce d’ameublement ou de cuisine. En dernier lieu, lorsque juste sur le départ, un africain vint encore vers lui, René – sans attendre d’être à nouveau sollicité – lui dit : « Je suppose que tu viens toi aussi pour me demander quelque chose… J’ai déjà tout donné aux autres, il ne me reste que ma montre, tiens la voilà… » Mais ce dernier chrétien refusa le cadeau : il était venu par pure amitié, uniquement pour lui serrer la main une dernière fois au moment de son départ.

René est doublement bouleversé par cet adieu. D’une part il pensait avoir créé avec ces chrétiens d’Afrique des relations fraternelles et il prend conscience qu’elles étaient, au moins en partie, intéressées. D’autre part il découvre que l’Eglise à laquelle il appartient est perçue par les africains comme liée au monde des riches. Appartenir à l’Eglise c’est avoir la possibilité de créer des relations avec des nantis.

Nous pouvons comprendre le désappointement de René. Mais serait-il juste que nous, chrétiens d’Occident, reprochions quoi que ce soit à nos frères d’Afrique ? En vérité, ils nous révèlent ce que nous refusons la plupart du temps de voir : l’appartenance à l’Eglise nous situe du côté des puissants. Nous « avons des relations », comme on dit, grâce à notre appartenance à l’Eglise. D’une certaine manière nombre d’entre nous forment un clan où l’on se côtoie entre gens bien, dans lequel on souhaite marier ses enfants, où l’on désire que se conserve un patrimoine de valeurs morales autant que matérielles. Dans l’Eglise, l’évêque n’a-t-il pas le rang de préfet et une place d’honneur à la table de nombre de chefs d’entreprise ? Reconnaissons-le, notre relation commune au Dieu de Jésus-Christ permet à un grand nombre d’entre nous d’avoir de nombreuses et solides relations.

Dieu est relation

L’Eglise fête aujourd’hui la Sainte Trinité. Nous sommes invités à redécouvrir que Dieu est Père, Fils et Esprit. En Dieu le Père n’est pas sans le Fils qui n’est pas sans l’Esprit. L’Un n’est pas sans l’Autre. Mais Dieu n’est pas non plus en Lui-même, il n’est pas sans autre que lui : le monde à qui il donne son Esprit pour l’unir à lui. Dieu est Amour autrement dit il est Relation. Où est-il notre Dieu ? Nulle part ailleurs que là où fonctionne la communication des uns aux autres. Il désire que la relation que nous entretenons avec lui nous pousse à ne pas utiliser nos propres relations à notre seul profit ou à celui de notre clan, de notre famille ou de notre Eglise. Il nous pousse à passer d’un monde où l’on possède des relations à une humanité où l’on se fait relation des uns avec les autres.

« Quand il viendra lui l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité toute entière. » La vérité toute entière c’est que l’humanité – et donc chacun de nous – est créée à l’image de Dieu. De même que Dieu n’est pas l’Un sans l’Autre, nous ne pouvons pas vivre les uns sans les autres. « L’Esprit vous fera connaître ce qui va venir », dit Jésus. Dieu n’a-t-il pas été fidèle à cette promesse ? L’Esprit ne nous a-t-il pas encore suffisamment appris qu’exclure les autres, les chasser de nos relations pour vivre entre soi est toujours source de mort ? Le siècle dernier n’a-t-il pas été suffisamment mortifère pour que nous ayons oublié qu’exclure les autres que ce soit les Juifs ou les tziganes hier, les Musulmans aujourd’hui, cela mène l’humanité dans un chaos indescriptible ?

Vivons en relation

Chrétiens, notre commune appartenance au Dieu de Jésus-Christ nous permet d’avoir des relations. Ce n’est en soi ni un bien ni un mal. C’est simplement un fait. Mais, plutôt que d’en tirer profit soyons davantage attentifs aux besoins de ceux que nous pouvons aider. Et surtout servons-nous de nos relations, dans la communauté chrétienne où nous vivons, pour créer les conditions d’une vie digne chez les étrangers qui sont parmi nous. Nous pouvons aussi entrer en relations avec tous ceux qui – chrétiens ou non – combattent contre ce monde où la richesse est sauvagement captée par un clan de plus en plus étroit et qui use de ses propres relations pour rester entre soi. Ou bien alors – refusant même de voir que l’Eglise appartient en très grande partie au monde des nantis – nous pouvons nous replier toujours davantage sur notre clan, nos prétendues valeurs et devenir des agents de l’Ordre, d’un ordre qui exclut de plus en plus les autres.

Aujourd’hui, l’Eglise d’Occident ne court-elle pas ce risque ? De plus en plus de jeunes catholiques n’adhèrent-ils pas en toute bonne conscience aux thèses d’extrême droite ? « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter », dit Jésus. Sûrement avons-nous encore beaucoup à apprendre mais ne négligeons pas pour autant les leçons du passé. Poussés par l’Esprit, il est temps d’user de toutes nos relations pour ne rien laisser à l’esprit de parti au moins dans l’Eglise ! Honorer la Trinité aujourd’hui ne consiste ni à se perdre dans la contemplation d’un mystère ineffable ni à ingurgiter une définition dogmatique. Nous manifestons notre foi en la Trinité lorsque nous mettons en pratique ce que disait saint Paul aux Philippiens : « N’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire… Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. » (Ph2,3-4)

Christine Fontaine


Viendra l'Esprit de vérité

La vérité menacée ?

Le dialogue interreligieux est à la mode. Signe des temps : les sociétés ne sont plus enfermées à l’intérieur des frontières d’une nation. Les populations se déplacent amenant avec elles leurs cultures, leurs modes de vie, leurs convictions religieuses. N’est-ce pas une menace pour la vérité chrétienne ? Ne risque-t-on pas de laisser s’installer une religion comme l’islam qui, toute monothéiste qu’elle soit, va s’efforcer de rallier à sa cause une fraction importante de nos contemporains ? Je ne partage pas ces craintes. En revanche, il me semble que la présence musulmane nous oblige à prendre conscience de notre originalité chrétienne face au mystère de Dieu. Cette fête de la Trinité en est l’occasion. Non pas d’abord parce que le monothéisme musulman réduit notre façon de voir à un problème d’arithmétique : comment confondre le pluriel et le singulier ? Comment peut-on confondre les chiffres 1 et 3 ? La question la plus importante me semble posée par l’Evangile d’aujourd’hui. Elle concerne la vérité que, selon les croyants, Dieu révèle à ceux qui croient. Le danger pour les chrétiens ne consiste peut-être pas à se laisser contaminer par nos voisins venus de l’islam. Il est peut-être de trop leur ressembler. L’Evangile de ce jour nous met en garde.

Croire n’est pas savoir

Trop souvent on réduit la Révélation chrétienne à un ensemble de connaissances fermes qu’il faut transmettre dans leur intégralité. L’Eglise serait, aux yeux de beaucoup, le lieu où est déposée, comme un trésor à protéger, la vérité transmise par Jésus et explicitée par la suite en des dogmes inaltérables. On disait autrefois : « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous nous avez enseignées parce que vous nous les avez révélées et que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper ». Depuis Vatican II, on hésite à utiliser la formule : croire est écouter Dieu et non savoir. Mais ceux qui s’y raccrochent encore sans nuances ressemblent trop aux musulmans. Certains d’entre eux peuvent prononcer cette formule sans rien y changer. Parlez avec eux ; exprimez votre opinion. Pour vous répondre ils vous réciteront par cœur le Coran en arabe, dans la langue du 7ème siècle. La vérité, de toute éternité, est inscrite dans les cieux. Elle a été transmise au Prophète et transcrite dans un livre. Tournons-nous vers les paroles du livre qui nous viennent du passé et nous saurons parfaitement ce qu’il est bon de connaître pour vivre et gagner le Paradis. Les vrais musulmans, les purs, s’efforcent de reproduire les gestes de ceux qui côtoyaient Mohammed au moment où l’Archange lui dictait l’enseignement de Dieu : les « salafs », les pieux ancêtres. Ce qu’ils entendaient venait de Celui qui ne pouvait ni se tromper ni les tromper.

Espérer la vérité

Quel contraste avec les paroles de Jésus, à l’heure où s’achève son enseignement. Tout n’a pas été dit ; tout ne pouvait être dit : « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire ». Et pour entendre ce qui reste à recevoir, il convient de se tourner vers l’avenir : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de Vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière ». La vérité n’est pas à chercher dans le passé ; elle est à espérer. Elle n’est pas arrêtée au début de l’histoire chrétienne mais elle sera à découvrir sous chacun de nos pas, sur le chemin où la vie nous conduit.

Ce que Vatican II a bien compris et qui nous empêche de reprendre cet « acte de foi » d’antan, c’est qu’il n’est de Vérité et de Révélation que dans le mystère de la parole : Dieu parle aux hommes et l’homme peut parler à Dieu. Parler ne peut se produire que dans la communication, entre partenaires capables de dire « Je ». Voici Jésus, à la dernière heure, en train de parler. Il dit « Je ». Il explique quel travail se déploie quand le croyant dit « Je ». La force qui lui permet de se faire entendre – il l’appelle l’Esprit, on pourrait dire le souffle – passera chez ses interlocuteurs qui parleront à leur tour, faisant corps avec lui. Tel est le mystère de la Résurrection.

Faire la vérité

Le texte détaille l’opération. Au moment où Jésus parle, lui-même et ses interlocuteurs sont unis à celui dont il est question : l’Autre qu’on nomme Père. Le mot Esprit désigne le souffle sans lequel la parole s’éteindrait et le lien se dénouerait. Jésus se taira ; Pierre et les autres, quelques semaines plus tard prendront la parole à leur tour, à la place de Jésus ; au lieu même où se trouve Jésus quand on s’exprime au nom du Père, le même travail se déploie. Où est la vérité de Dieu ? Là où, à la place de Jésus et dans le même Esprit, au nom du Père on accueille le temps qui vient, l’autre qui vient. Où est la vérité du chrétien ? Dans le présent auquel nous faisons face à autrui. Où est Dieu ? Nulle part ailleurs que là où se déploie la parole en vérité. Tel est le mystère de la Trinité que nous fêtons : nous reconnaissons, lorsque nous tentons de vivre au nom du Père, que nous sommes à la place de Jésus et nous appelons Esprit la force et le souffle qui font de nous des êtres de parole capables d’être aimés.

Allons plus loin : lorsqu’écoutant les musulmans, nos voisins, nous faire part de leurs convictions, nous entrons en dialogue avec eux ; souvent nous transformons un étranger en frère. Alors nous pouvons croire plus que jamais au Dieu Trinité et nous « faisons la vérité ».

Michel Jondot


Amour et vérité s'embrasseront

Une vérité qui s'impose

« Quand il viendra, Lui, l'Esprit de vérité,
Il vous guidera vers la Vérité tout entière ».
Ainsi, nous en avons l'assurance, l'Esprit nous est donné,
La Vérité est de notre côté !
Que se taisent tous les faux prophètes
qui tentent de nous faire douter de nous-mêmes,
de nos positions et de nos certitudes.
Que se taisent toutes ces voix discordantes qui, dans l'Eglise,
voudraient croire que toute vérité est relative.
Que se taisent tous ces prophètes de malheur et que la parole soit laissée
aux vrais représentants de l'Esprit : s'ils n'avaient pas peur de parler
et si les chrétiens avaient le sens de l'obéissance,
l'Eglise sortirait de la débâcle
et redeviendrait celle de toujours une, sainte, catholique et apostolique,
témoin pour le monde de la vérité de l'homme, de la vérité de Dieu.

Nous nous plaisons ainsi à rêver ou à désirer pour l'Eglise
une vérité unique, solide, qui s'impose à tous.
Pourtant, cette vérité-là, lorsqu'un autre veut nos l'imposer nous la refusons
car nous en connaissons les fruits : violence, guerre, sectarisme.
Lorsque des hommes, au nom de Dieu ou d'un parti unique,
tentent d'en soumettre d'autres à leur vérité
c'est la haine, la souffrance et le manque de liberté qui surgissent.

Je suis la vérité

« Les fruits de l'Esprit, dit saint Paul, les fruits de la Vérité,
sont amour, joie, paix, patience, bonté et bienveillance».
L'Esprit est ennemi de tout sectarisme.
L'Esprit est ennemi de la vérité qui s'impose par la force.
« Quand Il viendra, Lui, l'Esprit de Vérité,
Il vous guidera vers la Vérité tout entière.»
La Vérité de Jésus est celle qui a surgi au jour de la Pentecôte.
Ce jour-là, la promesse de Jésus s'est accomplie :
des hommes, les apôtres, ont reçu l'Esprit de Vérité.

« Je suis la Vérité » avait déclaré Jésus.
La Vérité qui éclate avec le don de l'Esprit n'est pas un diktat
auquel il faut soumettre les hommes,
c'est Jésus - l'Esprit de Jésus- donné au monde.
La Vérité c'est de croire
que Dieu veut donner son Esprit à l'humanité entière.
Il nous est donné de devenir fils avec le Fils
et de laisser passer entre nous le souffle du Père.
La Vérité, c'est la possibilité qui nous est offerte
de reconnaître en tout homme un frère.

Le miracle de l'Esprit, le don de l'Esprit,
ce n'est pas de soumettre l'autre à la Vérité,
c'est d'être soumis les uns et les autres à l'amour du Père,
emportés les uns vers les autres,
comme le Père est emporté vers le Fils et le Fils vers le Père.
Le miracle de l'Esprit, c'est de constater qu'au nom de Jésus
les hommes peuvent dépasser leurs divergences
et se tourner sans crainte les uns vers les autres.
Le miracle de l'Esprit c'est la joie de découvrir que,
sans rien briser de son origine - de son originalité -
on peut s'entendre et se parler.

Une vérité qui s'expose

La vérité qui éclate avec le don de l'Esprit
n'est pas une parole qui s'impose, c'est une présence qui s'expose.
« J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire
mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter.
Quand Il viendra, Lui, l'Esprit de Vérité,
Il vous guidera vers la Vérité tout entière. »
Entre le jour où Jésus adressa ces paroles aux apôtres
et le jour de la Pentecôte, il y eut cette heure
où la Vérité fut mise en procès,
condamnée et clouée sur le gibet !
Jésus exposé à l'incompréhension,
condamné par nos arrogances et nos totalitarismes,
Jésus crucifié par nos certitudes orgueilleuses et nos convictions bornées.

Les apôtres n'avaient pas la force d'entendre cette Parole
devenue Silence exposée à la folie des hommes.
Les apôtres n'avaient pas la force de suivre
cette voie de fin silence, où s'épanche le coeur de Dieu.
Après la Pentecôte ils recevront la force de suivre leur Maître
dans la vérité tout entière.
Ils auront la force d'attester la Seigneurie de Jésus
en s'exposant à l'incompréhension de tous.
Ils auront la force de dire leur foi en Jésus Sauveur
sans rien lâcher de leur conviction et sans l'imposer à personne.
Ils auront la force de s'exposer, de tenir, face à tous les totalitarismes.
"La Vérité sans la Charité n'est qu'une idole
qu'il ne faut point aimer ni adorer" dit Pascal.
La Vérité tout entière, pour le chrétien, ne va jamais sans la Charité.

Christine Fontaine