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25ème dimanche

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
Lc 16, 1-13

Jésus disait encore à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé parce qu'il gaspillait ses biens. Il le convoqua et lui dit : 'Qu'est-ce que j'entends dire de toi ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car désormais tu ne pourras plus gérer mes affaires.' Le gérant pensa : 'Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gérance ? Travailler la terre ? Je n'ai pas la force. Mendier ? J'aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu'une fois renvoyé de ma gérance, je trouve des gens pour m'accueillir.'

Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : 'Combien dois-tu à mon maître ? - Cent barils d'huile.' Le gérant lui dit : 'Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.' Puis il demanda à un autre : 'Et toi, combien dois-tu ? - Cent sacs de blé.' Le gérant lui dit : 'Voici ton reçu, écris quatre-vingts.' Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge : effectivement, il s'était montré habile, car les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l'Argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.

Celui qui est digne de confiance dans une toute petite affaire est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est trompeur dans une petite affaire est trompeur aussi dans une grande. Si vous n'avez pas été dignes de confiance avec l'Argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable ? Et si vous n'avez pas été dignes de confiance pour des biens étrangers, le vôtre, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera le premier, et aimera le second ; ou bien il s'attachera au premier, et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent. »

Un peu de bon sens !
Christine Fontaine

Choisir entre Dieu et l’argent
Michel Jondot

L'argent trompeur
Christine Fontaine


Un peu de bon sens !

Le bon réflexe

Sylvie, une amie proche, m’a raconté la scène suivante. En séjour à Cannes, elle prend le train qui vient de Nice pour mener à Paris. Il est bondé. Une femme paraît en grand émoi et autour d’elle les passagers sont réellement apitoyés. Mon amie demande ce qui se passe. Cette femme lui explique que dans le souterrain où le train vient de passer quelqu’un l’a bousculée et lui a volé son sac à main avec tout son argent et ses papiers. La femme en larme s’écrie qu’elle n’a même pas quelques pièces pour prendre le métro à Paris ou pour téléphoner à un membre de sa famille. Elle est totalement démunie. Tout le monde autour d’elle compatit. Sylvie, sans réfléchir davantage, ouvre son portefeuille et tend à la dame en pleurs un billet de 20€. Cette dernière n’en croit pas ses yeux. Les voyageurs semblent interloqués. La personne volée passe instantanément des larmes à la joie, se confond en remerciements et déclare que mon amie vient de lui sauver la vie. Elle demande son adresse pour la rembourser dès qu’elle aura un nouveau chéquier. Sylvie refuse disant que, pour 20€, ce n’est pas la peine. Les voyageurs qui assistent à la scène la poussent à accepter ; ce qu’elle finit par faire pour que la femme ne se sente pas redevable. Lorsque mon amie me raconte la scène, elle vient de recevoir le chèque de remboursement avec, à nouveau, les remerciements de cette personne. "Je n’avais pas conscience de faire une bonne action en agissant ainsi, me déclare Sylvie. C’était simplement du bon sens. En plus j’ai pu bouquiner tranquillement jusqu’à Paris puisque la paix était revenue dans le wagon et ça ne m’a rien coûté ! J’avais tout à y gagner !" "- Et si cette personne avait-été simplement une profiteuse comme il y en a tant, tu te serais fait avoir !?" "- Elle n'en avait pas l'air mais même si elle l'avait été, en quoi me serais-je fait avoir ? J'aurais certes dépensé 20€ en pure perte mais j'aurais échappé au culte de l'argent... contrairement à celui qui aurait tenté de m'escroquer..."

L’argent rend fou

« Faites-vous des amis avec le malhonnête argent », dit Jésus-Christ. Sylvie a eu le bon réflexe. Mais on peut se demander comment il se fait que tous les autres n’aient pas eu le même. Pourtant ils étaient sincèrement compatissants devant la détresse de cette femme. La solution était extrêmement simple. Parmi la vingtaine de personnes qui avaient assisté à ce vol, n’y en avait-il aucune qui eut quelque billet dans son porte-monnaie ? C’est à croire que l’argent a le pouvoir de rendre fou ou au moins de faire perde tout bon sens à des gens qui compatissaient mais restaient sans agir. Étaient-ils tellement pingres qu’ils ne voulaient pas se démunir ne serait-ce que d’une piécette ? Probablement pas. Simplement ils n’y ont pas pensé. Cela ne leur est pas venu à l’esprit. Dans une société où l’argent est la valeur souveraine, on perd tout bon sens, sans même en avoir conscience.

« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres, ou bien il détestera le premier et aimera le second ; ou bien il s’attachera au premier, et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. » Le danger avec l’argent ce n’est pas d’en posséder, c’est de se laisser posséder par lui. Il devient alors le Maître de nos habitudes sans qu’on en prenne conscience. Nos réflexes les plus quotidiens sont infléchis par cette maîtrise inconsciente qui s’exerce sur nous. L’argent devient notre Maître, d’autant plus puissant que nous n’en sommes pas conscients. Il nous possède et fait de nous ses domestiques en domestiquant nos moindres actes.

Nous sommes conscients de vivre dans une société où le pouvoir économique fait loi ; une société où le réalisme exige que l’on tienne compte d’abord de l’économie. Nous voyons de plus en plus combien ce type de société est injuste et asphyxiant. Les riches deviennent de plus en plus riches. Ils deviennent aussi de plus en plus fous car on peut quand même se demander pourquoi ils veulent tant d’argent alors qu’ils en ont déjà tellement. Que veulent-ils en faire sinon en posséder toujours plus ? Leur désir est insatiable. Il s’est bloqué sur leur possession. Plus rien ne compte pour eux que leurs richesses. Ils se croient libres alors qu’ils sont les possédés de nos sociétés contemporaines.

L’amitié, un remède !

N’imitons pas ces riches. Brisons leur système : ne les envions surtout pas, ce serait désirer être possédés comme eux. Mais, même si nos richesses sont limitées, demeurons quand même sur nos gardes. Si nous sommes conscients de l’injustice criante du monde que nous construisons, nous ne réalisons peut-être pas toujours à quel point le règne de l’argent structure notre inconscient.

Pour sortir de cette possession démoniaque, une seule chose est possible. Et c’est, comme l’indique Jésus, de gaspiller au moins un peu de notre argent en pure perte, simplement pour exprimer de l’amitié aux personnes que nous croisons. Lorsque nous en prenons l’habitude, progressivement nos réflexes changent et, lorsque nous rencontrons une personne en détresse, nous ne nous contenterons plus de compatir sans rien faire. Nous avons le bon sens de lui tendre la main ou d’ouvrir notre portefeuille.

« Faites-vous des amis avec le malhonnête argent », dit Jésus. Se faire des amis ce n’est pas seulement venir en aide aux autres, c’est croire que l’amitié entre nous est notre seule planche de salut dès maintenant et pour l’éternité. Jésus demande à ses disciples de décider que l’argent soit avant tout le véhicule de l’amitié. Il nous demande de changer progressivement de réflexe. « Que ton règne vienne sur la terre comme au ciel », récitons-nous dans le Notre Père. Nous pouvons tous faire advenir son règne en décidant de mettre les relations humaines au-dessus de toute autre loi et l’argent, à sa place, au service de ces relations. Nous pouvons le faire sans attendre et nous moquer du prétendu pouvoir de l’économie sur les sociétés et sur les consciences ! Nous serons alors dignes de confiance avec l’Argent trompeur et dignes de confiance en amitié qui est le bien véritable !

Christine Fontaine


Choisir entre Dieu et l’argent

Une curieuse moralité !

Quel contraste entre les deux versants d’une même page d’Evangile.

D’un côté un récit déconcertant. Avec un humour que les prédicateurs ne soulignent pas assez, Jésus nous donne en modèle un directeur financier incapable de gérer les biens d’une entreprise : on a atteint le bord de la faillite et du licenciement. Pire ! Cet homme est véreux ! Il fausse les fiches et les factures. D’un autre côté pourtant, de manière étrange, le patron ne tarit pas d’éloges à l’égard de ce personnage incompétent et malhonnête. Avouons que c’est un bon scénario pour une comédie !

L’histoire est piquante ! Quelle morale Jésus tire de cette affaire baroque ? Surprise ! Le ton moqueur fait place à une véritable intransigeance mystique : « On ne peut servir Dieu et l’argent ».

Jésus et l’argent

A quelle morale économique nous conduit l’Evangile ?

Je remarque d’abord que l’argent n’est pas un sujet tabou dans le message de Jésus. Autour de lui, bien des situations nous renvoient à notre actualité : faillite, licenciement, réduction de personnel, corruption d’hommes influents, ministres véreux et menteurs. Les procès d’hommes politiques se multiplient depuis quelques années !

Autour de Jésus, l’argent ne manquait pas : des dames de la bonne société aidaient de leurs ressources le groupe des disciples. Judas, nous dit-on, tenait les cordons de la bourse. Jésus a tenu en mains des pièces d’argent : il regarde l’effigie de l’Empereur gravée sur le revers d’un denier romain. Rappelez-vous l’étonnante parabole des talents : si l’on n’y prenait garde on pourrait s’en servir pour faire l’apologie du système capitaliste.

Soyons lucides ! Quand Jésus parle du Royaume de Dieu, lorsqu’il dit que celui-ci est au milieu de nous, il ne nous introduit pas dans un univers désincarné ; bien au contraire, il s’incarne lui-même dans notre réalité historique. Il rejoint l’humanité dans ses soucis les plus concrets. Vous connaissez les paroles du poète qui chante la joie « du mendiant retrouvant sa monnaie ». Quand j’entends la chanson je pense à la joie de cette femme dont parle Jésus : elle balaie sa maison et retrouve le seul denier qu’elle possédait. Alors elle fait la fête avec ses voisins.

L’argent, le travail, le chômage, la recherche d’emploi : tout cela déjà tracassait la société au temps de Jésus et Jésus s’y intéresse. Il en nourrit sa prédication. Rappelez-vous ces hommes sur la place de la ville attendant qu’un vigneron vienne les embaucher.

L’argent trompeur

En réalité l’humanité que Jésus rejoint ne tient pas sans les échanges qui la constituent. Pas d’humanité sans échanges et pas d’échanges sans paroles et sans argent. La parole, certes, est ambiguë, à la fois prometteuse et dangereuse : elle peut tromper. D’une manière très habile, l’Evangile souligne la même ambiguïté à propos de l’argent. « L’argent trompeur », au dire de Jésus.

C’est au moment de la Passion, par la bouche de Judas que cette ambiguïté apparaît. Les textes mettent en rapport deux scènes différentes. Dans la première une femme vient jusqu’à Jésus, répandant sur sa tête un parfum ayant coûté très cher. C’était dans la maison de Simon, le Pharisien. Judas s’indigne : 300 deniers de parfum ! Belle somme qu’on aurait pu donner aux pauvres. Jésus dissipe l’illusion : cette somme est une manière d’annoncer la résurrection : « elle a fait cela en vue de ma sépulture ! »

Quelques jours plus tard, Judas reçoit 30 deniers. Etant donné le contexte, comment ne pas corréler les deux chiffres 30/300 ? Trente deniers pour conduire Jésus à la mort comme un animal à la boucherie !
Trente deniers : la trahison, l’exclusion !
Trois cent deniers : l’annonce de la résurrection, la promesse d’une communion nouvelle jusqu’à la fin des siècles !

Transformer les relations

A regarder l’ensemble de l’Evangile, on peut comprendre le récit de ce jour. Le génie de ce coquin d’intendant c’est d’avoir pris l’argent de son maître pour créer des relations nouvelles : il transforme des clients en amis. En revanche, quand l’argent n’a d’autre but que de remplir un bas de laine, lorsqu’il n’est recherché que pour lui-même, sans être facteur de fraternité ou de justice, alors il ressemble au talent du mauvais serviteur de la parabole, enfoui dans la terre, stérile, inhumain. Servir l’argent pour s’enrichir plutôt que de se servir de lui pour transformer l’humanité, telle est la perversion que dénonce Jésus : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. »

Les dimensions du monde économique, aujourd’hui, ont celles de la planète. La manière dont l’argent circule n’a pas encore réussi à forger l’humanité que désire Jésus. Les richesses du monde font naître cupidité, violence, guerre. Le monde aurait les possibilités de faire une place à chacun mais je ne saurais compter le nombre des exclus de l’éducation, de la sécurité, de l’emploi. A qui la faute ? Fausse question qui ne peut engendrer qu’une culpabilité morbide et stérile. Cherchons plutôt, à l’image de ce curieux personnage de la parabole d’aujourd’hui, à inventer chacun selon ses moyens des relations nouvelles avec ceux dont nous partageons la vie.

Michel Jondot


L'argent trompeur


Les mains vides

Le gérant malhonnête est à la veille de se trouver sans emploi et par conséquent sans argent.
« Que vais-je faire, puisque mon maître me retire sa gérance ? Travailler la terre ? Je n'ai pas la force. Mendier ? J'aurais honte. »
Que peut-on faire quand on a, comme tout homme, besoin, pour le moins de se nourrir et de se loger et qu'on ne veut ni mendier, ni travailler ?

Si nous étions à la place de cet homme - et aussi malhonnête que lui - probablement imaginerions-nous une solution un peu différente.
Comme lui, probablement, nous convoquerions les débiteurs un à un pour que notre méfait reste sans témoin. Mais, à chacun nous dirions sûrement : « Tu dois cent barils d'huile à mon maître ; vite assieds-toi, prends ton reçu, écris cinquante... et signe-moi un autre papier par lequel tu t'engages à me livrer vingt cinq barils dès que tu le pourras. » Ainsi le débiteur et le gérant auraient été gagnants.

La place de l'amitié

« Celui qui est digne de confiance dans une toute petite affaire est digne de confiance dans une grande.»
Le gérant traite des affaires de ce monde ce sont de bien petites affaires par rapport à celles du Royaume.

Ce gérant, dans les petites affaires de ce monde, est habile, dit l'Evangile.
En effet, il n'aurait pas été prudent de détourner à son profit une partie de la dette. Les débiteurs, par un certain côté se seraient réjouis de voir leur dette amoindrie. Ils n'en seraient pas moins demeurés débiteurs à l'égard du gérant.
Mais le débiteur n'est pas un ami.
Le gérant est habile en préférant que les débiteurs du maître ne puissent avoir aucune dette que celle de la reconnaissance et de l'amitié.
En effet, comment ces personnages ne seraient-ils pas reconnaissants envers ce gérant qui non seulement leur remet la moitié de leur dette, mais de surcroît n'en cherche aucun profit ?
A coup sûr, il s'en fait des amis qui pourront l'accueillir dès qu'il sera dans le besoin.

Mais l'intendant n'est pas seulement habile, il est également digne de confiance.
En misant tout sur son avenir sur des hommes qui ne lui devront rien il leur fait toute confiance. Il le croit capables d'amitié et de reconnaissance.
Le gérant croit à l'amitié plus qu'au pouvoir de l'argent.
En misant tout sur la confiance, il la suscite.
Cet homme est malhonnête vis-à-vis de l'argent mais, en amitié, il est digne de confiance.

La place de Dieu

« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres. » Les affaires sont les affaires. Entre créancier et ses débiteurs l'amitié s'efface devant la loi de l'argent.
Le gérant a choisi la loi de l'amitié plutôt que celle de l'argent.

Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera le premier et aimera le second ; ou bien il s'attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir Dieu et l'Argent. »
Le gérant s'est montré digne de confiance dans les affaires de ce monde en misant tout sur l'amitié entre le hommes.
Le croyant est appelé à se montrer digne d'une égale confiance avec les biens véritables en misant tout sur l'amitié de Dieu.
Chaque croyant est invité à faire toute confiance à Dieu, Dieu seul est le Maître, Dieu seul est Tout-Puissant.
Miser sur la puissance de l'Argent c'est nier la Toute-Puissance de Dieu :
Dieu ne peut pas tout... si l'argent peut aussi quelque chose !
Nous méprisons la toute-puissance de Dieu, le toute-puissance de sa tendresse pour les hommes, chaque fois que nous mettons notre confiance dans l'Argent.
Nous préférons compter sur nos propres ressources plutôt que sur celles de Dieu.

Pour le croyant, il n'est d'autre bien véritable que l'amitié de Dieu pour les hommes et l'amitié des hommes entre eux.
L'amitié de Dieu et entre nous est le seul bien qui demeure pour l'éternité.
Que l'argent soit au service de cette amitié afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis nous accueillent dans les demeures éternelles !

Christine Fontaine