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Après les élections présidentielles
Nicodème

Avant les élections législatives, chaque Français s’interroge. Dieu-Maintenant se refuse à conseiller quelqu’orientation que ce soit. Mais, après les présidentielles, face à la progression de l’extrême-droite chez les chrétiens, il nous semble bon de faire part de nos réactions.

(1) Commentaires et débats

Manifestement un tournant se prend à l’intérieur de la France entre le deuxième tour de l’élection présidentielle et les élections législatives. Les principaux leaders de droite ou de gauche ont été écartés. L’opposition entre deux principaux partis semble désuète : les ministres de l’actuel gouvernement viennent de tous les horizons. Ce dépassement n’est pas pour autant une réconciliation des Français. Face à cette troisième voie s’affirme une opposition elle-même divisée ; les partisans de Monsieur Mélenchon sont farouchement hostiles à ceux de Madame Le Pen mais promettent l’un et l’autre un monde nouveau dont ils s’affirment les prophètes.

Au cœur de cette transformation de l’horizon, les catholiques jouent un certain rôle : ils sont environ 65% d’électeurs. Ils ne sont pas unanimes ; les statisticiens distinguent deux catégories d’électeurs : les pratiquants réguliers (moins de 5%) et les pratiquants occasionnels. Les uns et les autres se sont situés de façons différentes par rapport à la candidature de Madame Le Pen. Ces derniers, par rapport à l’ensemble des citoyens, ont pris une certaine distance : les pratiquants occasionnels sont 46% à avoir pris parti pour le Front National. Les autres, au contraire, n’ont été que 29%. Reste que, dans l’ensemble, les catholiques ont voté pour l’extrême-droite à 38%, nettement plus que la moyenne nationale (34%).

Lors du deuxième tour des élections présidentielles de 2002, on comptait 17% de catholiques à avoir voté pour M. Le Pen et, lors des législatives de 2015, 25%. Aujourd’hui, 38%Les chiffres ne cessent de croître. Que faut-il en penser ?

D’abord avons-nous le droit d’en penser quelque chose et d’en parler ? Nous avions fourni, avant les élections présidentielles, quelques avis. Certains nous en ont fait reproche : « Vous sortez de votre rôle », nous a-t-on dit parfois. Mais, en revanche, certains nous ont exprimé leur grand désarroi devant le silence des évêques. « Je ne mettrai plus les pieds dans une église » nous a dit une professeure. Il lui semblait inadmissible que la Commission épiscopale ne dénonce pas le mépris du Front National à l’égard de valeurs évangéliques particulièrement importantes. Sans doute le mutisme épiscopal avait ses raisons mais nous croyons qu’aucun baptisé n’est interdit de parole, dans la mesure bien sûr, où il ne prétend pas avoir le dernier mot. Osons parler.

Tout d’abord, il nous faut respecter le vote du grand nombre de ceux qui se sont tournés vers le Front National. Quand on est au fond du gouffre on est prêt à tout pour tenter de s’en sortir. Après les échecs des gouvernements successifs, ceux qui ne parviennent pas à sortir du chômage sont prêts à croire à l’impossible. Manifestement le Front-National, en fustigeant la politique des gouvernements successifs, a trompé les Français en se prétendant capable de faire mieux que les autres. Par désespoir, beaucoup se sont tournés vers lui.

Mais, en majorité, les chrétiens ne sont pas nombreux dans le monde des pauvres et beaucoup appartiennent aux couches bourgeoises les plus privilégiées. Comment se fait-il qu’ils ne s’indignent pas devant le mépris de ce parti à l’égard de l’étranger ? Tous versent des larmes en voyant des embarcations sombrer dans la Méditerranée ; les mêmes souvent applaudissent quand on leur promet d’interdire l’entrée des immigrés sur le territoire. Pourquoi accuser les plus faibles d’être la cause de nos maux ? Ce ne sont pas les étrangers qui sont la cause des dégâts provoqués par la politique des marchés.

Une mesure à prendre aurait dû entraîner les réticences des catholiques : le FN promettait de réduire les regroupements familiaux. Un fort courant de catholiques, depuis l’adoption de la loi autorisant le mariage entre homosexuels, s’était constitué pour défendre les valeurs morales traditionnelles. Quand un gouvernement interdit à un étranger de vivre avec son conjoint, peut-on dire qu’il respecte les valeurs familiales ? Mais, en réalité, ce point n’était sans doute qu’un détail peu important pour eux dans la mesure où il ne concernait que des étrangers. Il s’agissait avant tout de sauvegarder les comportements les plus traditionnels concernant la vie sexuelle et conjugale. Ce courant compte sur les forces d’extrême-droite pour imposer politiquement sa manière de voir. La présidente d’un parti qui s’affirme chrétien (Parti Chrétien Démocrate), Madame Boutin, n’a pas hésité à voter pour Madame Le Pen au second tour. Pour notre part, nous ne comprenons pas que, dans un pays laïc comme le nôtre, des chrétiens cherchent à imposer leur morale, toute respectable qu’elle soit, à l’ensemble du pays.

Enfin, le programme du F.N. a misé sur la peur. Aux yeux de leurs leaders, l’islam est dangereux. A ce propos il convient de s’indigner devant la manière dont Madame Le Pen a caricaturé l’UOIF. Cette association n’a rien à voir avec les courants terroristes et elle permet à un grand nombre de mosquées du pays (environ 400) de s’adapter à la culture occidentale tout en demeurant fidèles à leurs convictions. En prétendant voir en ces musulmans des terroristes potentiels dont il faut avoir peur, on fait obstacle à la fraternité impliquée dans nos traditions, qu’elles soient religieuses ou républicaines. En fin de compte, c’est peut-être la peur qui est la cause principale de ceux qui, chrétiens ou non, ont voté pour le FN. Les discours entendus voient du danger partout ; il faut fermer les frontières pour se replier sur l’Hexagone et protéger la patrie.

Il est vrai que nos emplois comme nos vies sont menacés. Face au danger il n’est pas prudent de seulement se calfeutrer et se protéger. L’histoire a montré que, dans les périodes difficiles, notre pays a été sauvé grâce à ceux qui ont eu assez de courage pour inventer et résister en allant de l’avant non en se repliant. La peur conduit à la haine : on l’a perçu à travers les discours entendus. En réalité, en suivant la morale traditionnelle, les chrétiens, quelles que soient leurs sensibilités, doivent se souvenir que la politique est une forme de l’amour et « l’amour bannit la peur » (1Jn 4,18).

Nicodème
Peintures de Malkin David