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Salvador Dali
l'Ascension du Christ

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Dali,
L'Ascension du Christ
1958, huile sur toile, 115 x 123 cm
collection privée.

Mondialement célèbre pour son personnage de dandy aux moustaches excentriques et ses inventions comme le Téléphone-homard, Salvador Dali (1904-1989) est surtout un des grands peintres contemporains, qui a pratiqué le surréalisme bien après la fin officielle du mouvement.

L’Ascension du Christ est un sujet rarement traité au XXe siècle. Cela n’a rien d’étonnant puisqu’il s’agit d’un thème chrétien dont l’intérêt humain paraît à première vue plus réduit que la Nativité ou la Passion. Ce tableau de Salvador Dali n’en est que plus singulier. La composition se révèle fort originale et surprenante. Alors que les peintres du Moyen Age et de la Renaissance, de Giotto à Mantegna ou Bellini, ont représenté verticalement la montée de Jésus de la terre au ciel, Dali peint une scène de vol, voire une lévitation, vue d’en bas, de la terre. Placés sous le corps du Christ, nous découvrons la plante de ses pieds puis tout son corps, jusqu’aux phalanges des doigts, inscrits dans un triangle parfait. En arrière-plan se dévoile une fleur de tournesol elle-même inscrite dans un cercle transparent sur lequel plane la colombe de l’esprit saint. La composition est, enfin, dominée non par Dieu le Père comme on s’y attendrait mais par la Vierge qui forme ainsi le troisième terme de cette trinité picturale, résolument différente de la trinité catholique traditionnelle. Dans cette composition, Dali se montre provocateur et original comme à son habitude. Il se distingue des peintres contemporains en revitalisant une iconographie catholique jugée souvent désuète, et traite le sujet en l’adaptant à l’imaginaire du XXe siècle. L’explication que le peintre donne de son invention picturale renforce encore son caractère exceptionnel : « Premièrement, en 1950, j’ai eu un « rêve cosmique » dans lequel je vis en couleur cette image qui, dans mon rêve, représentait le « nucleus de l’atome ». Ce nucleus prit par la suite un sens métaphysique, je le considère « l’unité de l’univers », le Christ ! Deuxièmement, grâce aux indications du père Bruno, carme, je vis le Christ dessiné par saint Jean de la Croix, je résolus géométriquement un triangle et un cercle, qui « esthétiquement » résument toutes mes expériences antérieures et inscrivis mon Christ dans ce triangle. »

De notre point de vue de spectateur, nous découvrons dans ce tableau un Christ élevé jusqu’au ciel, physique et métaphysique à la fois, et qui condense autour de lui l’ensemble de l’univers. Le lien entre Jésus et le monde terrestre est mis en valeur par la fleur de tournesol et le noyau de l’atome, et celui entre Jésus et l’humanité est magnifié par le visage de Marie qui domine la composition. Dali lui a prêté les traits de son épouse et muse Gala, selon un usage connu qui consiste à représenter les personnages bibliques à partir de modèles de son entourage. Comme si le mystère de l’Ascension nous donnait l’occasion de réinventer notre compréhension du monde dans sa matérialité comme dans son sens, aujourd’hui encore. C’est à ce titre que Jacques Lacan affirmait, en 1960, que « la religion chrétienne est increvable ».

Paul-Louis Rinuy

Pour contempler d’autres œuvres de Salvador Dali : https://www.eternels-eclairs.fr/tableaux-dali.php