« Cessez le Feu » :
trois simples mots qui, depuis cette année, rattachés à la date du 19 mars 1962, font partie définitivement de l’histoire de notre pays. Ils sont incrustés dans la conscience que la France aura demain de son histoire. Pour les anciens, ils rappellent les événements troublés qui, hier, retardaient la fin d’un rude et long conflit. Trois simples mots qui traduisent un but difficile à atteindre : rappelons-nous les jours tragiques qui ont suivi la décision du FLN et de la France de mettre un terme à une guerre qui meurtrissait nos deux pays.
« Cessez le Feu ! » :
trois simples mots qui résonnent aujourd’hui comme un cri de douleur au cœur de l’histoire et que, peut-être, nous ne savons pas entendre. Il y a quelques jours, un ami français m’envoyait un mail depuis Bagdad où il travaille. Il déplorait que les médias, accaparés par l’élection du pape, n’aient pas répercuté le cri du peuple irakien : huit attentats avaient été commis en l’espace d’une semaine.
« Cessez le Feu ! » :
c’est l’expression qui traduit le mieux l’angoisse des familles menacées dans les rues des villes de Syrie par les armes de Bachar El Assad. C’est l’expression qui, sans nul doute, résume l’appel que les familles encore debout adressent autour d’elles. Rappelons-nous : 70 000 personnes, des hommes, des femmes, des enfants sont tombés sous les balles et les obus.
Lorsqu’en Afghanistan ou au Mali tombe un soldat français, à juste titre nous sommes accablés et le pays rend hommage à ceux qui, comme tant d’autres voici plus de 50 ans, ont donné leur vie pour notre pays. Mais combien sont-elles, dans les régions où notre armée est présente, ces personnes victimes d’une guerre dont elles ne sont pas responsables ? Elles appellent et elles crient.
« Cessez le Feu ! » :
Ecoutons ce cri. C’est un appel à la solidarité. Quand le feu prend dans une maison, tout l’entourage se mobilise. Si les pompiers tardent à venir, chacun se précipite sur un seau d’eau ; on fait la chaîne pour étouffer tant bien que mal le ravage des flammes. Dans ces cas-là, on oublie les querelles de voisinage et on sauve la vie autant qu’on le peut. Notre époque, plus que beaucoup d’autres, invite à la solidarité. Nous sommes menacés par le repli à l’intérieur de nos frontières ; l’étranger est considéré comme un intrus alors qu’il pourrait devenir un frère. Le chômage se répand comme le feu en Provence, dans une forêt de pins, aux heures les plus chaudes de l’été ; les lieux d’hébergement sont désormais trop étroits pour recevoir les sans-abris lors des nuits d’hiver froides comme celles qu’on a connues l’autre semaine. Chacun dans notre pays, s’il échappe au désastre, est « mobilisé », invité au partage pour écarter la mort. Savez-vous que, dans les quartiers privilégiés, l’espérance de vie est de dix ans supérieure à celle des quartiers les plus pauvres ? Il faut inventer les moyens de lutter, sans attendre, contre l’injustice. Elle tue autant que les armes à feu.
« Cessez le Feu » :
ces trois mots vont circuler tout au cours de cette journée dans les discours, lors des manifestations qui jalonnent cet anniversaire du 19 mars 1962. Nous avons à reconnaître, dans ces trois mots comme un écho qui vient de loin ; il vient d’une terre sur laquelle aujourd’hui grondent les armes et où le pauvre est écrasé : la Palestine occupée. Dans les villages de Galilée, voici 2000 ans, un homme sans prestige, un charpentier, traversait les villes et les villages. Il appelait au Bonheur en disant « Heureux les artisans de justice et de paix ». Il parlait aussi de feu : « Je suis venu allumer un feu sur la terre et je suis impatient de le voir se répandre ». Mais le feu dont il parlait n’est pas celui qui tue mais celui qui réchauffe le cœur lorsqu’on n’en peut plus. C’est le feu de joie qui s’allumait dans le corps des lépreux ou des paralytiques guéris comme dans le cœur de ceux et celles qu’on cessait de mépriser et qui retrouvaient leur dignité.
« Cessez le Feu ! »
et accueillez la paix ; si la guerre est l’œuvre de l’homme, le croyant reconnaît que la paix, même si elle passe par nos actes, nos paroles et nos décisions est don de Dieu par Jésus. Il disait après le repas du Jeudi, au terme de sa vie « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ! »
Michel Jondot
Peinture de soeur Marie-Boniface