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Halte Pouce
Le Handicap au quotidien
Solange Colas

Dans un article précèdent, Solange Colas a évoqué la question de l’inclusion des enfants et des jeunes dont le handicap est invisible (ou en situation de handicap). Pour tenter de remédier aux lacunes de la société française, elle a créé dans l’Hérault, l’association Halte Pouce. À partir de quelques exemples, elle nous en décrit ici l’action.

Lien avec le premier article de Solange Colas :
« Une société inclusive : mythe ou réalité ? »

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Pourquoi avoir fondé l’association Halte Pouce ?

Pour faire face aux besoins des familles, dont les enfants ne sont pas ou peu pris en charge (à ce jour, plus de 1000 enfants de 3 à 20 ans sur l’Hérault), Halte Pouce, fondée en 2005, accompagne environ 600 situations par an, quel que soit le handicap, à l’appui de pôles complémentaires que nous allons décliner concrètement au travers d’histoires familiales illustrant le quotidien de nos actions.

L’histoire d’Émile

Une histoire, à l’image de bien d’autres, qui met bien en lumière les réalités souvent invisibles des familles confrontées à des situations extrêmes :

Émile est né dans une famille déjà soudée autour de ses deux frères aînés, Lucas et Théo. Très vite, ses parents ont remarqué qu’il était différent : Émile ne parlait pas, refusait le contact, et ses réactions étaient imprévisibles, intenses et souvent violentes, pour lui, comme pour son entourage. À l’âge de trois ans, le diagnostic est tombé : autisme profond. La famille a commencé un parcours semé d’embûches, sans savoir que ce chemin les mènerait bien plus loin que ce qu’ils auraient pu imaginer. À mesure qu’Émile grandissait, sa prise en charge est devenue plus compliquée. Son comportement devenait de plus en plus ingérable. Malgré de nombreux appels à l’aide, aucune institution spécialisée n’a accepté d’accueillir Émile. Ses besoins étaient si complexes que toutes les portes se fermaient les unes après les autres. Les parents d’Émile ont tout tenté pour trouver un accompagnement qui permettrait à leur enfant de vivre en sécurité, de progresser autant que possible, sans danger pour lui ou pour les autres.

Face à ces besoins lourds et constants, les parents d’Émile ont tenté de trouver un suivi médical et paramédical pérenne, mais la prise en charge a été sporadique et inadaptée. Le suivi médical d’Émile demeure haché, et les tentatives de faire reconnaître son droit à un accompagnement stable se heurtent aux limites du système.

Pour alléger le quotidien, la famille a sollicité le service de répit de Halte Pouce pour mettre en place une équipe d’intervenants composée de cinq éducateurs qui accompagnent Émile à domicile et compensent l’absence d’accueil en établissement.

Une centaine de familles sont actuellement suivies par le pôle répit.

En parallèle du pôle répit qui a permis à la famille de bénéficier de moments de répit essentiels pour souffler dans ce quotidien éprouvant, le pôle social de l’association a aidé les parents à gérer les aspects administratifs et juridiques liés au handicap. Ils ont un projet de vie à mener autour de leur fils mais ne savent pas par quel bout tirer le fil de la pelote : qui ? quoi ? où ? quand ? et comment ? Le pôle social est là pour les soutenir à chaque étape, leur expliquer les freins ou conséquences de tel ou tel choix, dans un contexte global très compliqué à appréhender…

L’histoire d’Émile laisse un goût amer et rappelle le besoin urgent d’une prise en charge adaptée pour les enfants aux besoins extrêmes, afin de préserver les familles de l’épuisement.

Environ 400 familles sont accompagnées par le pôle social de Halte Pouce


L’histoire d’Aurélie

Aurélie est une fillette de huit ans qui vit avec le syndrome de Prader-Willi : déficience mentale, associée à des troubles alimentaires majeurs (défaut de satiété) qui provoque souvent des colères plus ou moins violentes, liées à la frustration. Chaque lundi, mardi et jeudi matin, Aurélie rejoint ses camarades en ULIS (Unité Localisée d’Inclusion Scolaire). Les vendredis matin, Aurélie est prise en charge en SESSAD, (une équipe pluridisciplinaire paramédicale qui assure les rééducations hebdomadaires).

Pour que la maman puisse maintenir son emploi à temps partiel, les parents rêvent d’un accueil complémentaire en milieu ordinaire au centre de loisirs du quartier pour les mercredis matin, où elle pourrait s’épanouir, jouer, rire et tisser des liens comme tous les enfants de son âge.

Mais l'équipe du centre de loisirs près du domicile est récalcitrante à l'accueil d'Aurélie, argumentant du manque de formation de son personnel, du danger potentiel qu'elle pourrait faire encourir aux autres enfants, en cas de crise.

La mission du PRH34 : favoriser l’inclusion en milieu ordinaire de loisirs en accompagnant la famille dans sa demande, casser les idées reçues et ouvrir le dialogue, sensibiliser et soutenir les équipes d’accueils.

Les craintes exprimées par l’équipe sont compréhensibles face à l’inconnu. Cependant, l’inclusion d’Aurélie a pu se mettre en place dans un cadre sécurisé pour tous avec des informations claires et une organisation réfléchie ensemble. Avec l’aide de ses parents, de l’équipe du PRH34 et du centre de loisirs, un Projet d’Accueil Personnalisé (PAP) tripartite a été rédigé, comprenant des consignes claires, précisant les besoins d’Aurélie en termes de rassurance, la façon d’anticiper la frustration alimentaire, etc.

Une courte formation par notre équipe, des recommandations de bonnes pratiques à la demande, le prêt de matériel éducatif mis à disposition sur le lieu d’accueil, et enfin l’aménagement d’un petit coin de repli (un pouf, trois coussins et son doudou) ont finalement dissipé les doutes. Le syndrome de Prader-Willi ne rend pas Aurélie dangereuse, si on apprend à la connaître. L’accueil partiel d’Aurélie est devenu une opportunité d’apprentissage pour les enfants et les adultes.

Plus d’une centaine d’enfants sont accompagnés par le PRH 34 et la liste d’attente augmente...

Rompre l’isolement social et culturel

Le pôle familles, animé bénévolement par des parents concernés par le handicap et attachés à la notion de pair-aidance, propose des temps de paroles mensuels, des soirées débat-conférence animées par des experts sur des thèmes spécifiques, et enfin des loisirs partagés (cinéma, spectacles, sortie voile, concerts, etc.)

Un accompagnement à la carte, une histoire de dentelle…

Vous l’aurez compris, chaque famille engagée dans un parcours du combattant exprime un vécu singulier et toujours douloureux, qui demande une approche délicate adaptée à la résilience, à l’autonomie et à la compétence de chacune d’entre-elles.

Cette courte présentation d’histoires familiales nous permet de comprendre que chaque problématique fait en réalité partie d’un ensemble, qu’il n’y a pas qu’une seule réponse mais bien des approches complémentaires et évolutives à entendre, comprendre et déceler.

Solange Colas, janvier 2025