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Hymne à l'allégresse
Christine Fontaine

De Christine Fontaine : « J’ai offert ce texte à Michel Jondot (1932-2019) pour l’un de ses anniversaires d’ordination. J’y parle de sa place, à sa place. Je livre ici ce texte en hommage à tous ceux qui sont ordonnés à Dieu pour que vive l’Église, qu’ils soient prêtres ou non. Mais il n'est pas sûre que la hiérarchie estime cette manière de vivre le sacerdoce puisque Michel a été marginalisé pendant plus de trente ans, jusqu'à son décès »

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Mon Dieu, je me souviens…
Si seulement je pouvais dire : « j’ai tout perdu »
Si je pouvais laisser sourdre cette lente certitude...

Jamais je n’ai rêvé un chemin d’honneurs.
J’ai désiré une route
- oserais-je le mot, il est tant abîmé –
une route de serviteur.
Entendez-moi, Seigneur,
je n’ai jamais été un homme qui veut servir,
imposer ses services
comme les coquettes qui choisissent le lieu
où elles auront la satisfaction de voir qu’elles sont utiles ;
vous m’avez dépourvu, Seigneur, de cette malice-là !

Je voulais servir comme un homme qu’on utilise
que ses frères utilisent quand ils en ont besoin,
à leur gré, à leur fantaisie.
Je voulais qu’on puisse se servir de moi.
Les années ont passé...
Comment, Seigneur, oserais-je me prétendre utile ?
Il ne me reste pas même cela !

Mon Dieu, je me souviens…
Si seulement je pouvais dire : « j’ai tout perdu »
Si je pouvais laisser sourdre cette lente certitude...
Tout perdre pour vous,
c’est ce vers quoi confusément je tendais.
N’être rien pour vous
n’être rien que par vous,
blessé d’amour…

Mais vous le savez, Seigneur, il me reste…
je me reste…
je tiens à moi par cette inutilité
qu’à certaines heures je traîne comme un vieux vêtement…
Je tiens parfois à mon inutilité
comme d’autres tiennent à leurs honneurs,
peut-être est-ce le revers du même tissus ?
Les années ont passé !
Comment, Seigneur, oserais-je me prétendre inutile ?
Il ne me reste pas même cela !

Mon Dieu, je me souviens…
Si seulement je pouvais dire : « j’ai tout perdu »
Si je pouvais laisser sourdre cette lente certitude...
Mais je ne peux le dire
sans saisir la racine du vieux mensonge :
feindre d’être… fût-ce n’être rien !
Je sais que toute affirmation est suspecte...
Toute parole sur mon compte
m’est enlevée…

Les années ont passé et je me souviens de ce jour
où je fus appelé à l’ACTION de GRACES
Utile ou inutile, qu’importe…
Tu m’appelles… Nous nous appelons !
Tout désormais n’est rien
que prétexte à un appel, à une réponse
à un échange somptueux, gracieux

Mon Dieu je ne peux pas te dire « j’ai tout perdu »
mais je peux te dire : « Dieu ! »
Je me souviens… Tu m’ordonnes à ton désir
comme tu te laisses ordonner au mien
Que cessent utile et inutile, que toute certitude se lézarde
tu me donnes d’être fils, tu me donnes d’être frère !
Notre histoire commence...
Toi, Dieu de l’Espérance,
Jeunesse éblouissante de la grâce
Genèse de la Grâce !

TOI ... DIEU ... NOTRE PÈRE
DEO GRATIAS

Christine Fontaine, mis en ligne le 11 novembre 2021