Je crois que ce que nous nommons mort accomplit l’inconnaissable métamorphose, comme le fait au fœtus le cataclysme de la naissance qui accomplit la mutante transformation l’introduisant au monde.
(…) Je crois que notre total désarroi, notre total dénuement, celui du mourant, sans recours possible, libère notre unique et vivant désir. Vivant, nous le connaissons à peine et qui peut savoir à cet instant tout proche, le mystère du désir, et la mort opérant sa question ?
(…) Je crois que le moment de ma mort sera aussi celui où ce que je connais de plus essentiel de mon désir, ce qu’est la vie, et pas seulement ce qu’est une vie, fût-ce la mienne, révélera le sens.
Veuille le fils de l’homme, lui qui sur sa croix a vécu de façon exemplaire pas à pas ce chemin redouté, veuille Jésus m’assister et avec lui tous ceux qui, connus ou non, m’ont précédée dans cet insolite passage. Qu’ils veuillent m’assister, ceux qui, parvenus au-delà nous attendent, comme nous attendaient pour nous recevoir à notre naissance des amis respirants et parlants.
(…) Au moment de ses ultimes vibrations dans la chair, conjoignant ce désir du VERBE qui, jour après jour, saison après saison, s’est manifesté dans notre passif ou actif agir fécond, au décours de nos rencontres, de nos communications, je crois que le Réel enfin sera reconnaissable.
De notre cheminement terrestre le sens en vérité nous sera délivré de ce que nous croyons terminé et nommons notre vie, quand ce corps n’en est qu’une modalité.
Dans l’au-delà du pensable enserré dans nos concepts, au-delà de l’amour le plus pur qui dans notre vivre avec le corps nous a enseigné sur terre joie et espérance, je crois que « résurrection de chair », moi ici-bas surréaliste est la vérité du Réel, et je crois que nous participons déjà sur terre par langage de façon mystérieuse à l’incorruptible et à l’infinitude. Nous atteindrons la joie en Dieu. Désir de notre désir, et ayant enfin rejoint l’ineffable et éternelle réjouissance de la vie de notre chair en sa vérité conjointe au Verbe et transfigurée, nous connaîtrons ce que nous n’avons pu qu’entrevoir dans nos plus pures rencontres, et dans la poésie créatrice de nos plus exquises communications de bouleversantes tendresses entre humains.
Françoise Dolto
Peinture de Soeur Marie-Boniface
1- Extraits de Solitude, Françoise Dolto, Ed. Gallimard 1994, p. 570 à 572 / Retour au texte