Page d'accueil Nouveautés Sommaire Auteurs
Retour à "Ethique et politique" Contact - Inscription à la newsletter - Rechercher dans le site

Israël / Palestine, octobre 2023
L'équipe animatrice

L’équipe animatrice de Dieu maintenant comprend vingt membres d’âges et de sensibilité – tant religieuses que politiques - différentes. Lorsqu’un événement particulièrement important survient, nous tentons d’exprimer un accord par-delà nos différences. C’est ce que Jean-Luc Rivoire (responsable de la rubrique « Questions d’aujourd’hui ») et Christine Fontaine (coordinatrice de l’ensemble) ont tenté de faire en proposant à l’équipe d’exprimer son accord avec la Déclaration du 10 octobre 2023 de Mgr Jean-Paul Vesco.

À la suite de réserves émises par deux ou trois membres de l’équipe, ils ont proposé la
Déclaration du Centre œcuménique de théologie palestinienne de la libération Sabeel à Jérusalem. On trouve ci-dessous les deux déclarations. Ce débat au sein de l’équipe manifeste peut-être les difficultés à trouver un accord sur le sujet au sein de nos familles comme de la société. Il s’est déroulé du 10 au 13 octobre et ne peut donc prendre en compte des événements ultérieurs.

(0) Commentaires et débats

Déclaration de Monseigneur Jean Paul Vesco, archevêque d’Alger
le 10 octobre 2023

Déferlement de violence meurtrière en Israël et à Ghaza,

Déferlement d’indignation face au déclenchement de cette violence par le Hamas,

Silence assourdissant sur l’humiliation quotidienne des Palestiniens, sur l’injustice fondée sur un rapport de force disproportionné depuis tant d’années, sur les colonies dites « sauvages » qui ont sciemment rendu impossible tout état palestinien viable…

Ghaza est une souricière où on peut, d’un claquement de doigt, priver 2,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants, d’eau, de nourriture, de gaz et d’électricité, et les noyer sous un déluge de bombes sans échappatoire possible.

Qui s’est ému des propos du ministre israélien de la justice : « Nous sommes confrontés à des animaux, nous devons les traiter comme des animaux ».

« Si nous nous taisons, les pierres crieront », et nous nous sommes beaucoup tus… Quel gâchis de laisser l’initiative à la violence plutôt qu’à la parole ! Il n’est de paix véritable que juste.

Je prie et je pleure pour les victimes innocentes ghazaouies et israéliennes de cette violence meurtrière sans excuse mais pas sans cause.

Jean-Paul Vesco, le 10 octobre 2023

La très grande majorité de l’équipe animatrice exprime son accord avec cette déclaration. Néanmoins deux ou trois membres refusent de la signer ou hésitent à le faire. Nous reproduisons ici la réponse de l’un d’entre eux, significative des autres :

« Personnellement je ne me vois pas cosigner ce texte aujourd'hui, non pour ce qu'il dit (chaque phrase en elle-même est exacte) mais pour ce qu'il laisse malheureusement dans l'ombre (en signant, on signe aussi cette abstention) Or, écrit et publié dans la foulée et à l'occasion des massacres perpétrés par le Hamas lors du dernier week-end sans les dissocier de la cause palestinienne, le texte laisse croire que le Hamas peut être considéré malgré tout comme un défenseur de la cause des palestiniens.

En fait les chefs du Hamas savent parfaitement que leur action va rendre encore plus difficile le sort de ceux qu'ils prétendent défendre, qu'elle va faire passer ceux-ci pour des terroristes, qu'elle va précipiter une déluge de feu sur Gaza et ses habitants, mais ils n'ont pas plus de considération pour le sort des gazaouis et des autres palestiniens qu'ils n'en ont pour celui des juifs. Je ne me vois pas cosigner un texte qui ne distingue pas explicitement la cause palestinienne et celle des fanatiques du Hamas. »

Afin de parvenir à un consensus, Jean-Luc Rivoire et Christine Fontaine font alors parvenir à l’équipe la déclaration suivante :


Déclaration du Centre œcuménique de Théologie palestinienne de la libération Sabeel
Jérusalem-Est, Palestine – 11 octobre 2023

DIRE LA VÉRITÉ

De terribles actes de violence se poursuivent entre les forces israéliennes et des groupes armés de la résistance palestinienne, faisant des milliers de morts et de blessés des deux côtés, dont beaucoup de civils hommes, femmes et enfants. Cette escalade dévastatrice survient à la suite d'une attaque surprise du Hamas contre Israël et alors que les dirigeants israéliens agitent la menace de violences et de destructions à long terme.

L’avenir tel que nous l’envisageons à Sabeel est un avenir dans lequel chaque vie a une valeur intrinsèque et dans lequel chaque individu doit pouvoir jouir de la liberté et de la sécurité, quelle que soient ses origines ou son identité. Sabeel condamne et déplore la perte tragique de toute vie et toute forme de souffrance humaine. Nous rejetons catégoriquement toute forme de violence, et nous affirmons que l’unique voie à suivre est celle de la non-violence.

Cela fait maintenant 75 ans que la Nakba a eu lieu, 57 ans que nous vivons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est sous une occupation militaire brutale, et 16 ans qu’un étouffant blocus militaire est imposé à Gaza. Face à cette histoire apparemment sans fin de dépossession et de mort, des groupes armés de la résistance palestinienne ont lancé un assaut sans précédent qui a mené entre autres au massacre tragique de civils israéliens. En réponse, le gouvernement israélien a lancé des frappes aériennes, des campagnes de bombardement aveugles et des actions de riposte qui s’apparentent à des crimes de guerre, avec en plus une rhétorique génocidaire, contre la population civile de Gaza. Les récents événements ont causé la mort tragique et blessé de nombreux Israéliens et Palestiniens, et des civils ont été enlevés.

Alors que nous suivons attentivement l'évolution des événements, il est essentiel que nous nous rappelions les faits suivants :

• Cela fait plus de 75 ans que les Palestiniens sont attaqués, dépossédés et déshumanisés par le sionisme.
• La poursuite des politiques israéliennes de déplacement, d'apartheid et d'occupation a été facilitée par le soutien de plusieurs grandes puissances mondiales, notamment les États-Unis, qui restent profondément impliqués dans ce conflit.
• Au cours de l'année écoulée, un virage extrême du gouvernement israélien vers l'extrême droite a encore intensifié l'occupation militaire et l’a rendue impitoyable. Le peuple palestinien est confronté à des expulsions violentes, des démolitions de maisons, des massacres, des états de siège et des refus quotidiens de sa dignité humaine.
• Des incidents récurrents et souvent violents se produisent dans lesquels des extrémistes juifs et les forces israéliennes perturbent le droit à la liberté de culte, prennent d'assaut la mosquée musulmane Al Aqsa à Jérusalem, en essayant de revendiquer le site et en intimidant des fidèles pacifiques.
• Les autorités israéliennes ont imposé des restrictions exceptionnelles aux chrétiens palestiniens et à leurs Églises, en particulier lors de leurs fêtes religieuses. Les attaques de groupes juifs radicaux contre les communautés chrétiennes et leurs propriétés se poursuivent sans véritable, voire aucune réaction de la part des autorités israéliennes.
• Au fil des ans, la population de Gaza a été étouffée par un blocus israélien strict à la fois aérien, maritime et terrestre, un blocus qui enferme deux millions de personnes et les prive de leurs droits humains fondamentaux. Ces derniers jours, Israël a empêché toute livraison de nourriture, de fuel, d’électricité et d’eau à Gaza.
• Les prisonniers palestiniens, y compris les enfants, sont régulièrement agressés, ligotés, se voient les yeux bandés, sont traînés hors de leur domicile aux premières heures du jour par les forces d'occupation israéliennes, et sont souvent détenus durant des mois voire des années sans inculpation formelle ni jugement dans des prisons militaires. Les protestations pacifiques contre ces politiques, même sous la forme de grèves de la faim, sont durement réprimées.
• Beaucoup de logements palestiniens dans de nombreux villages et villes sont incendiés par des colons israéliens ou démolis lors d'opérations militaires.
• Des communautés palestiniennes entières ont été contraintes de quitter leurs maisons et leurs terres ancestrales, parfois simplement pour faciliter des exercices militaires israéliens.

Depuis 75 ans, les politiques israéliennes s'articulent autour de déplacements de populations, de l'occupation militaire et de la maintenance d'un régime d'apartheid. Les souffrances endurées au cours de ces années sont étroitement liées au rôle joué dans ces troubles par la communauté internationale, tout particulièrement par les États-Unis et d’autres grandes puissances comme le Royaume Uni, le Canada, l’Australie et d’autres encore. En soutenant constamment Israël, les États-Unis et d’autres puissances alimentent indirectement la violence actuelle. L'aide militaire incontrôlée, la protection diplomatique et l'énorme soutien financier des États-Unis contribuent à renforcer les politiques actuelles d'Israël. Le soutien indéfectible à l'armée israélienne ne fait que perpétuer le cycle de la violence.

À la lumière de ces défis, les soussignés s’engagent en faveur de la non-violence, sur la base des convictions suivantes :


• La puissance de l'armée israélienne et de ses affiliés est inégalée, mais ce n’est pas la violence qui apportera la victoire.
• La non-violence est une force puissante. Elle permet la participation collective des Palestiniens, des Israéliens et de la communauté internationale. La voie de la non-violence est celle qui aura le plus d'impact.
• Notre lutte ultime n'est pas dirigée contre des individus, mais contre le mal. La violence nuit aux personnes, mais notre véritable adversaire est le mal inhérent à l'occupation et aux idéologies racistes, qui peuvent être vaincues par le bien, car Dieu est l'incarnation du bien.
• Nous défendons la non-violence parce qu'elle est en résonance avec les principes divins établis par le Créateur. Les voies de Dieu sont comme la pluie : elle tombe partout et arrose les opprimés comme les oppresseurs. Ce sont ces voies de Dieu que nous défendons.

À tous ceux qui croient en la résistance armée et qui l'exercent, nous voulons dire :

1. Rejetez la violence, elle n'est pas la solution. Ne vous laissez pas gouverner par la colère ou la vengeance.
2. À ceux qui continuent à se cramponner à leurs armes, nous vous supplions d'adhérer aux Conventions de Genève et aux lois qui gèrent les conflits armés. Le respect du caractère sacré de la vie des civils est un principe commun à toutes les religions et à toute morale humaine. Que tous les combattants s'abstiennent de détruire aveuglément des vies humaines et adhèrent, au minimum, aux principes de distinction, de proportionnalité, de nécessité militaire et de traitement équitable des prisonniers, et qu’ils s’abstiennent de tous moyens intrinsèquement mauvais.
3 Nous sommes reconnaissants envers tous ceux qui ont choisi d’observer le droit humanitaire international, même au milieu de tant de dévastations.

Nous invitons nos amis, nos partenaires et tous ceux qui se consacrent à la justice, à la paix et à la réconciliation à soutenir notre mission non violente. Les politiques de déplacement, d'occupation militaire et d'apartheid menées de longue date par le gouvernement israélien doivent être démantelées, mais cela ne doit pas se faire au détriment de nos valeurs et de notre humanité. L'élimination de l'autre n'est pas une option viable. Soutenez-nous dans nos efforts non violents.

La communauté internationale doit comprendre qu'une paix durable et la fin de toute violence sont indissociables de la recherche d'une véritable justice basée sur le droit international. Les Palestiniens appellent à une résolution équitable de l'injustice causée par la Nakba, à la ?n de l'occupation militaire qui dure depuis 1967, et à la fin du système d'apartheid. La ténacité et l'esprit du peuple palestinien sont inébranlables, leur « soumoud » (persévérance inébranlable) reste évident. La majorité non violente des Palestiniens, de concert avec nos amis israéliens et internationaux, doit continuer à être créative et courageuse, ce sont là ses principaux outils. Et il est impératif que tous ceux qui cherchent la libération, la justice et la paix en Palestine et en Israël s'encouragent et se soutiennent les uns les autres.


Cette déclaration du Centre œcuménique de théologie palestinienne de la libération Sabeel à Jérusalem est approuvée par toute une série d’organisations internationales, dont aussi les Amis de Sabeel France, qui ont traduit cette déclaration.

Elle reçoit l’approbation des membres de l’équipe animatrice qui émettaient des réserves à l’égard du texte de Mgr Jean-Paul Vesco.