Page d'accueil Nouveautés Sommaire Auteurs
Retour à " Chemins de spiritualité " Contact - Inscription à la newsletter - Rechercher dans le site

Le chemin
Paul Beauchamp

« On se représente souvent l’homme qui prie comme regardant en l’air, alors que l’homme de la Bible a le regard toujours ramené dans la direction inverse, vers ses pieds. Pourtant, il ne s’agit pas seulement de la terre, et pas seulement du ciel. » Il s’agit d’avancer sur le chemin qui tient du ciel et de la terre (1).

(0)Commentaires et débats

Le chemin tient à la fois du ferme et du mobile. Il doit être un appui solide, comme la terre et le rocher. Mais il doit être libéré de tout obstacle et inviter au mouvement. Le chemin tient de la terre parce qu’il est stable et du ciel parce qu’on y avance « comme si on avait des ailes », quand on marche vers un but désiré. (…)

L’homme a besoin d’un terrain qui l’accueille et porte son pied, et d’un pied ailé pour que le chemin lui soit ouvert et l’amène au terme. (…)

On se représente souvent l’homme qui prie comme regardant en l’air, alors que l’homme de la Bible a le regard toujours ramené dans la direction inverse, vers ses pieds. Pourtant, il ne s’agit pas seulement de la terre, et pas seulement du ciel. Le chemin ressemble au terme, qui est la montagne, le rocher élevé. A la fois ferme et libre, le chemin doit présenter les qualités de la cime, à la fois solide et aérienne, sûre et libre. C’est vers la cime que le désir s’élance :

« Jusqu’au rocher trop loin de moi, tu me conduiras » Ps 61,3.

(…) Pourquoi parlerait-on de chemin s’il s’agissait d’entrer directement dans la vie éternelle ? On parlerait plutôt, pour cela d’un saut immédiat dans l’absolu. Mais on parle de chemin parce que, pour aller vers Dieu, il faut toujours passer par des actions de ce monde, des gestes de la vie quotidienne, des rencontres terrestres. En désirant Dieu, nous désirons toujours en même temps ce qui nous conduit vers Dieu. Si le Christ est venu sur terre, si Dieu s’est fait homme dans ce monde, nous n’allons pas nous envoler pour le trouver. Et si nous prétendions le faire, nous mentirions à nous-mêmes.

Il y a, dans ce monde, des lieux pour chacun, que chacun doit traverser, des visages à rencontrer, des tâches complexes et généralement assez difficiles. Tout cela forme le chemin : nous n’y avancerons que « si notre cœur y est ». La prière est le moment pour mettre son cœur dans le chemin. Sans doute, il ne faut pas penser tout le temps, quand on prie, aux tâches du jour. Mais si ce que notre cœur souhaite quand nous ne prions pas est vraiment autre chose que quand il prie, quelle prière vraie sera possible ? La prière doit transformer le désir du cœur, mais le désir du cœur doit nourrir la prière. « Fais-moi connaître ta route », mais aussi « donne-moi d’avancer sur la route où je suis ».

Le terme de notre désir, le monde de notre prière, porte un nom : c’est le Royaume de Dieu. Tel que l’Évangile le décrit, il se fait à travers beaucoup de déplacements, d’actions corporelles, de rencontres où l’on n’échange pas seulement des paroles, mais des biens visibles. Et, si l’on ne fuit pas ces conditions, le Royaume de Dieu advient à travers beaucoup d’épreuves. Le Royaume de Dieu est cette unité qui comprend Dieu, son Christ et ceux qu’il nous donne et promets pour frères, le monde entier que le Christ transforme. L’Écriture doit nous apprendre à faire de notre prière la prière du Royaume. Nous prierons alors dans, avec, pour tout un monde : Que ton règne arrive.

Mais nous prierons aussi avec le moment où nous sommes et avec les risques demandés dans ce monde par notre foi. Notre vie se remettra en question et c’est notre pain quotidien que nous demanderons. Nos ennemis se mettront en mouvement et nous aurons besoin d’être délivrés du mal. Prier parce que l’on marche et marcher parce que l’on prie, c’est le chemin du Royaume.

Nous pouvons bien désirer une terre nouvelle, puisque nous demandons que Sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel et puisque le Christ a dit que les doux posséderont la terre. Il citait le Psaume 37 :

Habite la terre et reste fidèle…
Dirige ton chemin vers le Seigneur,
Fais-lui confiance, et lui, il agira…
Qui espère le Seigneur possédera la terre…
Les doux posséderont la terre…
Quand le Seigneur conduit les pas d’un homme,
Ils sont fermes et sa marche lui plaît…
Espère le Seigneur et garde son chemin,
Il t’élèvera jusqu’à posséder la terre ;
Tu verras les impies déracinés.


Paul Beauchamp, mis en ligne le 2/9/2021
Peinture de

1- Extraits de Paul Beauchamps Psaumes nuit et jour, Éditions du Seuil 2014 / Retour au texte