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Le Greco
La Pentecôte

El Greco (1541-1614) est un des peintres les plus étranges stylistiquement de l’âge classique. Et ce surnom de « grec » dont ses contemporains l’affublaient révèle à quel point, aussi bien en Italie qu’à Tolède où il est mort, il demeura un étranger tout en s’imposant comme un des grands maîtres de la peinture espagnole.



Le Greco
La Pentecôte
1597-1600, 275 x 127 cm, huile sur toile
Madrid, Musée du Prado.

Si l’Esprit Saint est assurément difficile à connaître, il est encore plus difficile à représenter et l’allégorie de la colombe n’en paraît qu’une forme bien conventionnelle. Mais le récit de la Pentecôte donne l’occasion aux peintres de montrer quelque chose de sa force radicale, de la manière dont il vient toucher nos cœurs et nos corps et nous transformer en notre humanité. Dans ce tableau particulièrement, l’énergie marquante de la composition, la force du coloris et l’étrangeté du dessin irradient et donnent à l’ensemble une puissance saisissante, qui répond au caractère délirant, ou miraculeux, de l’histoire. De saint Pierre au premier plan à Marie au centre des apôtres au second plan, c’est toute une série de visages, d’attitudes, de gestes expressifs qui révèlent l’action de l’Esprit Saint parmi nous.

Le tableau faisait à l’origine partie du Retable de Dona Maria d’Aragon, dans lequel il se situait à droite de la crucifixion, partie centrale du niveau supérieur, entourée elle-même de la résurrection à gauche. Et la scène se trouvait en correspondance avec Le baptême du Christ au niveau inférieur, autre manifestation décisive de l’Esprit Saint. Que comprendre à toute cette histoire rocambolesque, merveilleuse, qui nous paraît aujourd’hui de l’ordre du conte de fées ? On voit, tout d’abord, que l’Eglise catholique, qui était le commanditaire direct de ce retable destiné à une chapelle du collège du Séminaire des Augustins, donnait aux tableaux une valeur pédagogique mais accordait en retour une assez grande liberté stylistique aux peintres. Contrairement à ce qu’on écrit parfois, il n’y a jamais eu de véritable style chrétien, car la forme du tableau comptait moins que le message. Le Greco, comme beaucoup d’autres, a su profiter de cette marge de liberté pour inventer son style, promouvoir la singularité de sa peinture, tout en servant l’Eglise catholique. Le commanditaire, comme l’artiste, se retrouvaient gagnants dans ce système de « liberté surveillée » qui laissait libre cours à des audaces plastiques concourant à la réussite esthétique de la décoration ecclésiale.

On comprend en regardant les bizarreries formelles de ce tableau que l’originalité du Greco l’ait fait disparaître du panthéon artistique jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il n’a réapparu avec éclat qu’au XXe siècle car ses audaces et ses étrangetés sont des qualités prisées surtout à l’époque contemporaine. La fortune critique à éclipse du peintre correspond ainsi aux variations du goût au fil des siècles et notre époque a trouvé en lui un des annonciateurs de notre modernité. A partir d’un présent qui ne cesse de changer, l’ingéniosité humaine réinvente sans fin dans l’art du passé des ferments de ce que Mallarmé nommait « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui ».

Paul-Louis Rinuy

Reconstitution du Retable de Dona Maria d’Aragon



Partie supérieure du Retable
au centre : Crucifixion - à droite : Résurrection - à Gauche : Pentecôte



Partie inférieure du Retable
au centre : Annonciation - à gauche : Adoration des bergers - à droite : Baptême du Christ



Annonciation



Adoration des bergers



Bapteme du Christ





Crucifixion



Résurrection



Pentecôte







Reconstitution du Retable de Dona Maria d’Aragon