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Mon rapport à la religion chrétienne
Alain Rohand

Alain Rohand est un ami de Christine Fontaine. Il se reconnaissent l’un et l’autre habités par le même désir de vivre à la suite du Jésus de l’Evangile Cependant Alain refuse totalement de se dire chrétien parce qu’il conteste radicalement le bien-fondé d’une Eglise. Christine se reconnaît profondément d’Eglise bien qu’elle souffre de ce qui, à ses yeux, y occulte trop souvent l’Evangile.

Il nous a semblé important d’écouter ce qu’Alain dit de l’Eglise. Christine donne ensuite sa propre position en citant de courts extraits d’un texte de Georges Bernanos. Peut-être les croyants ont-ils à inventer aujourd’hui une nouvelle manière de se rejoindre par-delà leur appartenance ou non à une Eglise…

Cet article est composé d'extraits du blog d'Alain qu'il a revus. Une discussion entre Alain et Christine s'en est suivie. Nous la reproduisons dans "Commentaires et débats" (cliquer ci-dessous). Si d'autres désirent se mêler à la conversation, ils seront les bienvenus.

Blog d'Alain Rohand : Le Voyageur de l'Aube

(27) Commentaires et débats

Une religion de ténèbres

Ma terre intérieure fut polluée durant de longues années par des pollueurs eux-mêmes imbibés dans tout leur corps d’un héritage toxique véhiculé et imposé depuis des siècles par des déviances religieuses. Héritage mortifère encore instillé à doses létales pour étouffer la spiritualité profonde qui anime le cœur de l’homme par le dedans, afin de l’asservir aux projets de domination et d’esclavage des âmes que véhicule, par nature, toute religion organisée et pernicieuse.

Ma colère est dirigée contre le Magistère (pape, prélats, évêques, curie romaine etc.). Ceux qui décident, croyant tout savoir, et donc tout imposer. Ma colère ne vient pas tant de leur volonté de tout dominer, que du fait qu'ils sont dans la déviance du message d'origine de Jésus.

Viennent ensuite des chrétiens qui ont cette caractéristique d'être des « traditionalistes ». C'est-à-dire une partie du peuple en accord avec le Magistère. Disons : les « premiers couteaux ». Ceux qui tueraient père et mère pour défendre un dogme. Ceux qui rejettent globalement toutes ces personnes humaines que Jésus accueillait à bras ouverts (les démunis, les étrangers, les mal-pensants, les putes, les gays, les voleurs, les roublards, les grands riches, les coquins-pécheurs, les réprouvés, les divorcés, les salauds de pauvres, les estropiés, etc. etc.).

J’ai connu aussi quelques croyants sociologiques, où vieux pratiquants par habitude mais surtout par peur, (une dame âgée, que j’aimais beaucoup, à 90 ans, disait : je ne crois guère en Dieu, mais je vais à la messe, on ne sait jamais…), qui ont le vernis du catéchisme de leur enfance, pensent qu’Adam et Eve ont vraiment existé, que Dieu créa en 7 jours, et se reposa le dimanche (sans doute pour aller à la messe…). Et que, si tout va bien, après la phase de décontamination au purgatoire, ils iront au paradis, quelque part aux confins de l'univers… J'éprouve envers eux un mélange de stupeur et de tendresse. Stupeur de cette naïveté inculquée, dont, même adultes, ils ne se sont pas débarrassé. Tendresse à raison même sans doute de cette naïveté-là. Je pense à Jésus… loin de moi de me comparer, … mais il devait sentir quelque chose de ce genre avec tous ces gens qui ne comprenaient pas grand-chose à ce qu'il racontait…

Des hommes et des femmes de lumière

Mais j’ai connu aussi quelques figures singulières à mes yeux. Des hommes et des femmes de lumière. Je dis cela parce qu’ils/elles m'ont tout simplement éclairé. Et quand il y a une lumière nouvelle il y a un chemin nouveau qui tout à coup s’ouvre au-devant de soi. Ce genre de personnes me manque aujourd'hui. Je veux dire concrètement. Des gens en chair et en os. Il est vrai que je ne fais plus rien pour les rencontrer. Ce n’est plus comme avant. Lorsque j'avais une avidité pour la lumière. J'étais alors tellement dans la nuit.

Si aujourd’hui la lumière m’est donnée de l'intérieur, elle doit aussi se recevoir de sa Source. Au final, c'est cela le grand message de Jésus. Une « habitation ».

Une bloggeuse a publié récemment un petit texte avec la photo d'une chapelle traversée par la lumière du soleil couchant (photo ci-contre).

Pour moi, cette lumière traversante, est une leçon spirituelle majeure. La lumière vient d’ailleurs que de nous-même (comme la lumière, qui n’a pas origine dans la chapelle elle-même).

Elle vient dans la chapelle, pas dans n’importe quelle baraque ! Elle vient dans le symbole de l’âme, lieu sacré, unique et personnel de notre identité originelle et originale.

Elle illumine nos vitraux, c’est à dire : nos talents, valeurs, qualités, nos possibles, nos potentiels, qui sont là mais ne se mettent à briller que si la lumière les fait vibrer. Sinon nous sommes comme « éteints » même si nous avons des possibles…

L’émotion spirituelle que l’on peut ressentir, que j’ai ressentie en regardant la photo, et aussi en référant à d’autres expériences personnelles, c’est par projection de mon psychisme profond sur la scène qui s’offre au regard. Et elle m’est « renvoyée ». C’est ce retour-là qui a valeur transformante effective, (par la méditation sans bavardage parasite), parce que c’est désormais moi qui ai à vivre de cette lumière et à la laisser passer… et pas n’importe comment, pas dans n’importe quel engagement… Une telle lumière ne peut engager à des œuvres de ténèbres, comme il en est tant dans ce monde ordinaire.

Ces personnes furent pour moi de vrais voyageurs, guides sur le chemin, et qu’on ne peut que suivre, non par mimétisme ou servilité, mais par bonheur. Celui qui nous réjouit d’avoir enfin trouvé sa Route.

Une lampe qui donne de la lumière

J’ai mis du temps à comprendre le lien entre deux paroles de Jésus, dans un même passage, à quelques lignes d’intervalle :
- Apporte–t–on la lampe pour la mettre sous le boisseau, ou sous le lit ? N’est–ce pas pour la mettre sur le chandelier ?
- Prenez garde ! Car on donnera à celui qui a ; mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a.
Ça semble tellement dégueulasse cette finale !
Mais c’est juste un constat….
La lumière reçue, si on n’en vit pas … Prenez garde ! C’est pire que tout….

Passe encore d’être en incapacité de l’apercevoir (elle est parfois toute petite loupiote…), passe encore de ne pas être attentif à elle, voire de détourner le regard. Mais si j’ai reçu, c’est à dire accepté de recevoir, et qu’après je ne change rien dans mon existence… alors… je constate en effet, qu’« on » ôte même ce qu’on a… On s’ampute…. On se coupe…. On fait son malheur…

C’est terrible l’attrait parfois pour les actes de ténèbres en croyant pouvoir y trouver un bonheur.
C’est chaque fois que je dévie de ma Route.
Comme un con !

Alain Rohand

Le Dieu caché…
Georges Bernanos

« J’ai déjà cité bien des fois la phrase, pour moi inoubliable, d’un jeune dominicain tué à Verdun, le Père Clérissac : « Cela n’est rien de souffrir pour l’Eglise, il faut avoir souffert par Elle. »

Je ne suis pas théologien, c’est pourquoi je me garderai comme de la peste de généralisations littéraires sur l’Eglise visible et invisible. Je crains que ces distinctions ne soient dangereuses pour tout autre qu’un spécialiste et, d’ailleurs, il ne saurait évidemment s’agir, dans mon propos, que de l’Eglise visible, puisque je prétends bien ne parler que de ce que je vois. On ne saurait nier, dans l’Eglise, l’existence d’une certaine espèce de médiocrité à laquelle je puis me dispenser de chercher un nom, car elle en a un qui depuis deux millénaires appartient au vocabulaire universel. Il y a des pharisiens dans l’Eglise, le pharisaïsme continue à circuler dans les veines de ce grand corps et chaque fois que la charité s’y affaiblit, l’affection aboutit à une crise aiguë. (…) Oh ! sans doute l’Eglise est ensemble humaine et divine, elle n’est donc pas tout à fait étrangère à aucun des vices de l’homme, mais il y a certainement dans le pharisaïsme une malfaisance particulière qui exerce très cruellement la patience des Saints, alors qu’elle ne fait plus souvent qu’aigrir ou révolter de pauvres chrétiens dans mon genre. Je me méfie de mon indignation, de ma révolte, l’indignation n’a jamais racheté personne… »

Puis Bernanos met ces paroles dans la bouche du Christ :

« Dès le commencement, mon Eglise a été ce qu’elle est encore, ce qu’elle sera au dernier jour, le scandale des esprits forts, la déception des esprits faibles, l’épreuve et la consolation des âmes intérieures, qui n’y cherchent que moi. Oui, (…) qui m’y cherche m’y trouve, mais il faut m’y trouver, et j’y suis mieux caché qu’on le pense, ou que certains de mes prêtres prétendent vous le faire croire – plus difficile encore à découvrir que dans la petite étable de Bethléem, pour ceux qui ne vont pas humblement vers moi, derrière les Mages et les bergers. Car c’est vrai qu’on m’a construit des palais, avec des galeries et des péristyles sans nombre, magnifiquement éclairés jour et nuit, peuplés de gardes et de sentinelles, mais pour me trouver là, comme sous la vieille route de Judée ensevelie sous la neige, le plus malin n’a encore qu’à me demander ce qui lui est seulement nécessaire : une étoile et un cœur pur. »

Georges Bernanos
Extraits de « La Vocation spirituelle de la France / Frère Martin »