Piero della Francesca
La Résurrection
1463-1465, x 200 cm, Borgo Sansepolcro, Palais Communal
Piero della Francesca (1412-1492) incarne la lisière entre le Moyen-Age finissant et la Renaissance qui inaugure la peinture moderne. Chacune de ses toiles est saisissante en ce qu’elle appartient à la fois à ces deux mondes, tout en portant la trace d’un style singulier, où la majesté rivalise avec la grâce et le mystère.
Fresque peinte en 1463-1465, cette résurrection s’impose aujourd’hui au visiteur lorsqu’il la découvre dans la grande salle du Palais Communal de Borgo San Sepolcro, ville natale du peintre. Au centre de la composition, le corps du Christ grandeur nature fait face frontalement au spectateur, en le regardant avec des yeux sombres, sans émotion particulière. Jésus émerge verticalement du tombeau horizontal, sur lequel il prend appui avec résolution. Il est ressuscité, il est vraiment ressuscité, ce cri de victoire s’incarne dans ce grand corps athlétique, qui se dresse tel un Apollon de l’Antiquité gréco-romaine, la bannière de la résurrection à la main. Le Saint Sépulcre est traité lui aussi sur le modèle antique du sarcophage, orné d’un panneau de marbre vert. La révélation chrétienne s’inscrit dans une histoire qui assume l’héritage gréco-romain en lui donnant tout son sens.
Dans le registre inférieur, se tiennent les gardes plongés dans le sommeil, aux yeux fermés, au corps repliés sur eux-mêmes. Par opposition à la couleur radieuse du vêtement du Christ, leurs tenues sont ternes et sombres. Et le paysage en arrière plan porte la trace symbolique, dans les arbres sans feuille de gauche comme dans les feuillages nouveaux marquant le printemps qui vient à droite, de cette résurrection qui s’accorde au rythme périodique de la nature.
Le sang coule de la blessure qu’on voit sur le côté droit du Christ, sur ses mains et ses pieds, mais ce sont sans doute davantage des marques de traversée victorieuse de la mort, que des stigmates de douleur.
C’est Albert Camus qui a le mieux condensé la puissance de vie de cette œuvre, découverte lors d’un voyage en Toscane en 1937 : « Au sortir du tombeau, le Christ ressuscitant de Piero della Francesca n’a pas un regard d’homme. Rien d’heureux n’est peint sur son visage - mais seulement une grandeur farouche et sans âme, que je ne puis m’empêcher de prendre pour une résolution à vivre » (« Le désert », Noces).
Paul-Louis Rinuy