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Que se passe-t-il à Saint-Merry ?
Jean Verrier

L'église Saint Merry se situe en plein coeur de Paris, à proximité du Centre Georges Pompidou. Cette église abrite depuis près de cinquante ans une communauté chrétienne ouverte sur la cité. Monseigneur Aupetit, archevêque de Paris, vient de décider de mettre fin à cette histoire. Nous avons demandé à Jean Verrier  (1) qui appartient à cette communauté depuis quarante ans de nous expliquer ce qui se passe.

On trouve la lettre de Mgr Aupetit et la réponse des chrétiens de Saint Merry en cliquant sur les liens suivants :

Lettre de Monseigneur Aupetit au Centre pastoral de Saint-Merry
Réponse de l'équipe pastorale de Saint Merry

(1) Commentaires et débats

Je suis arrivé en 1981 au Centre pastoral Halles Beaubourg, aujourd’hui « Centre pastoral Saint-Merry », localisé dans l’église parisienne du même nom. Le 7 février dernier l’archevêque de Paris annonçait brutalement « mettre fin à dater du 1er mars 2021 à la mission confiée par le Cardinal Marty en 1975 au Centre pastoral Halles Beaubourg » (lettre ci-dessus) à la stupéfaction de ceux qui connaissaient l’existence de ce Centre sans en avoir suivi l’histoire récente.

On trouvera, au moins jusqu’au 1er mars, sur le site
http://saintmerry.org, une information complète et quasi quotidienne sur les premières réactions de la Communauté. Je n’ajoute ici qu’un témoignage personnel et surtout un essai de contextualisation de la lettre de l’archevêque et de la réponse de l’équipe pastorale.

Quelques caractéristiques du Centre pastoral  (2)

Il faut d’abord rappeler quelques caractéristiques du Centre pastoral : l’église St-Merry abrite, d’une part une paroisse « classique » de quelques dizaines de paroissiens du quartier, et d’autre part un Centre pastoral extra-territorial composé de centaines de personnes venues de toute la région parisienne y compris quelques « intermittents », pour les célébrations dominicales, les grandes fêtes ou à l’occasion d’un passage à Paris. Si l’accueil permanent des familiers du lieu et des gens de passage est une des principales vocations du Centre, une quarantaine de groupes et de « pôles » mobilisent plus spécifiquement de petites équipes qui accompagnent des chômeurs, des personnes en quête d’un logement, des sans-papiers, etc. Au fil de l’actualité le Centre a aussi accueilli des réfugiés chiliens, des sans-papiers grévistes de la faim, etc. (c’est le côté « Halles »). « Côté Beaubourg » s’ajoutent les activités liées à l’art contemporain : rendez-vous de musique contemporaine, expositions initiées par « Voir et dire » où sont invités des peintres, sculpteurs, performeurs, de France et de l’étranger. À cela s’ajoutent les concerts gratuits du samedi et du dimanche, la création de chants diffués en CD, etc. S’y réunissent aussi des homosexuels chrétiens du groupe « David et Jonathan ». Cette large cohabitation entraîne d’inévitables conflits internes dont la Communauté est bien consciente et qu’elle s’efforce de dominer avec plus ou moins de bonheur.

Mais pour moi, comme pour la majorité des membres de la communauté, le cœur de ce corps multiple, ce sont les messes et les grandes fêtes liturgiques. Ces célébrations sont préparées une semaine à l’avance par ceux et celles qui le souhaitent, réunis avec le prêtre qui présidera la célébration. Tous célèbrent, le prêtre préside. En décidant d’interdire la célébration dominicale de 11h 15 du Centre pastoral, et en réservant aux paroissiens de la paroisse Saint-Merry « autour des prêtres auxquels j’en confie la responsabilité » une messe à 10h, l’archevêque vise bien le cœur du Centre pastoral.

La recherche d’une coresponsabilité des clercs et des laïcs

Une des originalités de ce Centre depuis ses origines, c’est la recherche d’une coresponsabilité des clercs et des laïcs. C’est à dire le partage de la responsabilité pastorale, au sein d’une même « équipe pastorale », entre le prêtre ou les prêtres nommés par l’évêque et des laïcs élus pour 2 ans par les 250 membres du Centre pastoral.

Cette coresponsabilité n’a pas toujours été facile à réaliser, particulièrement dans les dernières années, et c’est à son sujet que l’on en est venu à la situation actuelle.

L’avant dernier « curé de Saint-Merry », Daniel Duigou, journaliste et psychanalyste, a d’abord semblé bien à sa place dans une communauté comme la nôtre. Dans son livre Lettre ouverte d’un curé au pape François (Presses de la Renaissance, 2018), la présentation qu’il fait de Saint-Merry, à l’occasion d’une audience que le pape avait accordée à Mgr Gaillot qu’il accompagnait, nous a semblé bien correspondre à ce que nous vivions. Mais au bout de trois années, la coresponsabilité est devenue difficile et Daniel Duigou n’a pas souhaité renouveler son bail.

La recherche d’un remplaçant a été conduite par Mgr Benoît de Sinety (« vicaire général » délégué de l’archevêque) et a duré plus d’une année dans un climat très ouvert au cours de plusieurs réunions avec l’ensemble de la communauté. Quand Mgr Aupetit est venu à Saint-Merry installer Alexandre Denis comme « curé de Saint-Merry et responsable du Centre pastoral » il n’a fait aucune allusion au Centre pastoral si bien qu’un des membres de l’équipe pastorale a dû prendre la parole pour rappeler publiquement, et respectueusement, l’existence du Centre pastoral. Alexandre Denis, prestidigitateur professionnel (prix Molière), était aussi chargé de l’aumônerie nationale des forains en remplacement d’un prêtre rattaché à St-Merry mais que la maladie tenait empêché. Alexandre a vite fait savoir qu’il était en désaccord avec nos choix liturgiques et qu’il n’assisterait pas à nos célébrations, sauf quand il les présiderait. Pourtant plusieurs vicaires généraux (en plus de B. de Sinety : Jérôme Beau, Alexis Leproux) ont eu l’occasion de présider nos célébrations sans y trouver rien à redire. J’ai participé avec d’autres membres de la communauté à plusieurs préparations de célébrations en la compagnie d’Alexandre Denis où chacun a pu s’exprimer librement. Mais il me semble que la charge qui lui était imposée était trop lourde, nous avons appris d’abord qu’il était souffrant puis qu’il démissionnait.

L’équipe pastorale a alors désigné un des prêtres rattaché au Centre et une laïque, membre de la Commission pontificale Justice et Paix, pour faire le lien entre la communauté et l’archevêché. Des projets de rencontre avec Mgr de Sinety étaient en place quand l’archevêque par sa lettre du 7 février, nous a annoncé qu’il mettait fin à la mission du Centre Pastoral Saint-Merry. Dès le 13 février l’équipe pastorale répondait à l’archevêque (lettre ci-dessus) et lançait une pétition
« Pour le maintien d’un Centre pastoral à Saint-Merry » qui, aujourd’hui, a déjà recueilli plus de 3000 signatures. Une nouvelle réunion de l’équipe pastorale avec Mgr de Sinety est prévue pour le vendredi 19 février.

Jean Verrier,
mercredi des Cendres, 17 février 2021

1- Jean Verrier est également très proche de "Dieu maintenant". On trouve le "parcours d'Eglise" qui l'a mené jusqu'à Saint Merry à la page "unparcoursdeglise.html" / Retour au texte
2- Les sous-titres sont de la rédaction / Retour au texte