J’ai lu L’Église en question d’une traite, car c’est un très beau (et très intéressant) livre, sur l’aventure commune, d’un prêtre – Michel Jondot - et d’une laïque – Christine Fontaine - qui ont partagé pendant 12 ans la responsabilité de la paroisse sainte Bathilde dans la banlieue sud de Paris. Une aventure impressionnante par la capacité et le courage d’inventer, et la force de ne pas céder sur le juste et le nécessaire, alors que l’Église voulait « restaurer » l’ancien, ce qui faisait loi avant Vatican II. Au fond, Christine et Michel montrent par l’exemple que l’après-concile aurait pu être autre chose que la fermeture des volets à peine entr’ouverts. Et en ce sens leur témoignage est précieux.
Ce livre ne me donne qu’un regret : celui de ne pas avoir connu Michel et Christine en action à Sainte-Bathilde. Car ce « moment Sainte-Bathilde » a été une expérience ecclésiale unique en son genre, comme une utopie devenue concrète ; c’était la présence réelle de la « vraie paroisse » qu’exigeait le concile… sans la « ramener », peut-être même d’une discrétion excessive, au moment où les « communautés nouvelles » menaient leur train quelque peu bruyant au nom de la « visibilité », avec les dérives que nous savons aujourd’hui.
En parlant d’expérience « unique », je ne veux pas dire qu’elle était la seule à l’époque. Christine fait allusion, à bon droit, à d’autres expériences intéressantes. Mais c’était un bel exemple, parmi d’autres, de ce que pouvait rendre possible le concile, de « sa rupture instauratrice », pour parler comme Michel de Certeau. Je ne vois pas d’autre exemple d’un « duo » – un prêtre encore jeune et une jeune femme laïque – animant ensemble une paroisse de manière ouverte à de multiples initiatives, notamment à une liturgie et une catéchèse renouvelées, la jeune femme assurant l’homélie en l’alternance. Christine Fontaine est d’ailleurs relativement pudique sur cette décision tout de même étonnante qu’elle a prise alors, de rester « célibataire laïque » : elle sort là aussi du lot… Ce qui est hélas « exemplaire » aussi, c’est le manque de courage et de lucidité du nouvel évêque qui les a empêchés de continuer.
Je partage aussi les réflexions finales de Christine, sur le « Troisième homme » et d’autres sujets. Les abus en particulier sont devenus un trou noir sans fond, dont on est bien obligé d’interroger le comment et le pourquoi, de la part de gens engagés dans une institution qui a pour message central l’amour de Dieu et du prochain. Dr Jekill et Mr Hyde, disait quelqu’un à propos d’un de ces grands noms de l’Église catholique, accusé récemment de pédocriminalité. Un parmi tant d’autres. Sexe et pouvoir liés, avec une complaisance – ou un vertige ? - pour la bassesse, qui n’a rien à voir avec ce « désir de descendre » que Christine évoque en citant Michel de Certeau.
Voilà. Il me faudrait beaucoup d’autres mots pour louer. Ils viendront peut-être encore…
Un autre (petit) regret : Le titre, trop modeste, trop « plat ». Il ne rend pas suffisamment compte de la richesse du livre.
J’oubliais : très belle entrée en matière de Joseph Moingt.
Jean-Louis Schlegel